Réalistes, les athlètes de haut niveau s'attendaient à la décision du Comité International Olympique (CIO) de reporter les JO en 2021. Un consensus se dégage : la santé passe avant le sport. Mais quand certains voient dans la situation une opportunité, d'autres s'inquiètent pour leur qualification !
Escrime
Le sabreur dijonnais Boladé Apithy a déjà décroché sa qualification individuelle pour les Jeux Olympiques de Tokyo il y a environ un mois. Mais il avait un autre objectif dans le viseur : obtenir avec ses coéquipiers un ticket pour toute l'équipe de France de sabre lors de la dernière manche de la Coupe du Monde prévue en mars à Budapest. Il leur fallait pour cela devancer les Russes dans cette compétition. Mais elle a bien évidemment été reportée au même titre que les JO."Ca m'a mis un petit coup ! Je sais qu'il y a d'autres choses plus importantes en jeu. Mais j'étais prêt pour cette échéance", confie dépité Boladé Apithy, depuis La Réunion où l'annonce du confinement l'a surpris alors qu'il venait d'arriver sur l'île pour un stage.
Le Dijonnais était sur une bonne dynamique en remportant en janvier dernier le Grand Prix de Montréal en individuel et en gagnant avec l'équipe de France une manche de la Coupe du monde à Varsovie en février dernier. "Quand tu es confiné et que tu ne vois personne, tu restes centré sur ton projet. Quand on te l'enlève, c'est un peu compliqué ! Mais, bon il ne faut pas penser qu'à nous. En sport, parfois on se blesse. Là, je me dis que c'est une blessure collective", tente de philosopher le sabreur, qui avoue avoir levé le pied sur l'entraînement depuis l'annonce du report des JO. "Ca ne sert à rien de s'exciter maintenant !"
Athlétisme
Alexis Miellet avait fait le plus dur en réalisant les minima l'an dernier lors du meeting de Monaco. Pour parachever sa qualification pour Tokyo, le spécialiste dijonnais du 1500 mètres devait faire une bonne course entre mai et juin, pour démontrer que son état de forme était toujours correct. Mais tous les meetings sont annulés jusqu'au 24 mai. Pour l'instant !
L'athlète pronostique qu'il ne pourra pas courir en compétition avant le mois de juillet. "Il faut bien se fixer un objectif. J'ai choisi juillet sans garantie aucune. Mais cela permet d'adapter mon entraînement. Je vais relâcher un peu pendant une ou deux semaines pour arriver en forme un peu plus tard dans la saison", précise-t-il depuis chez lui; où un tapis roulant montant à 26 km/h lui permet de s'entretenir, sans compter le banc de musculation installé dans son jardin.
Alors déçu par ce report des JO en 2021 ? "Soulagé plutôt car désormais la situation est plus claire. Et je prends cela comme une opportunité d'être meilleur l'année prochaine. Je n'ai que 24 ans, je peux encore progresser. C'est un mal pour un bien !", espère Alexis Miellet.
Judo
Médaillé de bronze à Rio en 2016, Cyrille Maret n'est pas encore qualifié pour les JO de Tokyo dans sa catégorie des moins de 100 kilos. La concurrence est féroce ! Mais il souffle un peu depuis l'annonce du CIO et, en cascade, les reports de toutes les compétitions internationales jusqu'au 31 mai. "Avant, les nerfs étaient tendus. On se préparait pour un tournoi de qualification avec l'entraînement, le régime, tout ce qui va avec... et la veille du départ, le tournoi était annulé. On en reprogrammait un autre, rebelote, la veille c'était déprogrammé. Cette période a été difficile à vivre vu l'enjeu.", se souvient le judoka dijonnais.Le voilà confiné avec sa famille chez lui en région parisienne ! "J'ai de la chance, j'ai un bout de jardin. Je pense à mes collègues de l'INSEP qui sont dans un 40 m2 comme moi au début de ma carrière.", compatit Cyrille Maret. Le champion en profite notamment pour faire de la pâtisserie avec sa petite fille de 3 ans. Peur de prendre du poids, c'est un paramètre important dans sa discipline ? "Si je commence déjà à me mettre martèle en tête à chaque repas sur ça, cela ne sera pas tenable", sourit-il.
Cyrille Maret préfère positiver : "Le sport de haut niveau est une adaptation permanente. On a préparé les Jeux sur quatre ans. Finalement, cela s'étalera sur cinq ans. On est tous capables de s'adapter ! La santé prime sur le sport de toute façon."
Karaté
Pour la première fois de son histoire, le karaté deviendra discipline olympique aux JO de Tokyo. Il ne le sera déjà plus à Paris en 2024. Cela donne une idée du degré de motivation d'Alizée Agier. Depuis un an et demi, la native de Semur-en-Auxois donne tout pour se qualifier pour ce grand rendez-vous.Alizée Agier a décidé de garder le sourire même si la pandémie a rebattu les cartes. "Un open international devait avoir lieu au Maroc début mars et les championnats d'Europe, dans la foulée, en Azerbaïdjan. Ces deux compétitions comptaient pour le classement par points qui permet de qualifier les athlètes. Comme elles ont été annulées, le Fédération Internationale de Karaté a donc décidé de clôturer ce classement. Il ne me reste donc plus que le tournoi qualificatif olympique de Paris pour décrocher mon billet pour Tokyo. C'est là que seront octroyées les dernières places. Il faut que je termine dans les trois premières de ma catégorie. Je me battrai à fond pour ne pas avoir de regret !", prévient la Côte-d'Orienne.
Le tournoi de Paris, initialement prévu du 8 au 10 mai, a été repoussé en juin. Sera-t-il maintenu ? La karatéka fait comme si tel sera le cas et essaie de continuer à s'entraîner à la maison : "j'ai récupéré un peu de matériel, des tatamis. Ca donne un rythme dans la journée, ça me fait du bien. Le temps semble comme suspendu. Certes, le confinement me permet de souffler par rapport à cette année pré-olympique intense. Mais je suis une compétitrice. Au bout d'un moment, je risque de souffrir du manque".
Canoë-kayak
Cyrille Carré
Cyrille Carré tenait presque sa qualification pour les Jeux Olympiques de Tokyo en kayak bi-place sur 1000 mètres. Associé au Sedanais Etienne Hubert, l'Icaunais avait en effet terminé 3ème au championnat du monde à Szeged en Hongrie l'an dernier. Dans les prochaines semaines en Coupe du monde, il ne leur restait plus qu'à faire mieux que les autres binômes français pour que la Fédération Française confirme leur qualification olympique. Oui mais voila cette compétition est évidemment annulée.
"On n'a aucune visibilité sur la suite du calendrier international. Le processus de qualification pour les JO est en suspens. Vu le contexte, il était donc plus sage de reporter également Tokyo 2020. Car, selon les nations, tous les athlètes ne sont pas entrés en même temps dans le confinement, n'ont pas le même temps de préparation ou les mêmes possibilités pour s'entraîner chez eux. Cela aurait été source d'inégalité.", explique le kayakiste licencié à Auxerre.
Cyrille Carré s'estime heureux. Certes, il ne peut pas faire de sortie sur un plan d'eau mais son village d'Irancy, dans l'Yonne, lui prête la salle des fêtes. Il y a installé du matériel de musculation et une machine à pagayer. "Il ne faut pas stresser, ne pas se précipiter et continuer à s'entretenir en attendant de nouvelles échéances intermédiaires avant les JO.", dit avec recul celui qui a déjà vécu trois olympiades.
Eugénie Dorange
En canoë dame bi-place sur 500 mètres, Eugénie Dorange était prête à en découdre. Cette jeune Auxerroise misait tout sur les qualifications continentales en mai prochain pour décrocher son ticket pour le Japon. "Je travaillais sur cet objectif depuis septembre dernier. Alors, quand l'annonce du report est tombée, j'ai accusé le coup. Ensuite, je me suis dit que c'était la meilleure chose à faire pour endiguer la pandémie".
Francis Mouget
Même scénario pour le dernier licencié de l'OCK Auxerrois, Francis Mouget ! Ce natif de Saint-Vit, dans le Doubs, comptait sur le rattrapage continental début mai en République Tchèque pour être sélectionné. Objectif de ce kayakiste, finir dans les deux premiers pour participer à l'aventure olympique. Cette course est donc repoussée.
Mais son ressenti est très différent. "Ce report est plutôt une bonne nouvelle pour moi. J'ai changé de distance, passant de 500 mètres à 1000 mètres pour espérer me qualifier. J'ai encore beaucoup à apprendre pour entretenir ma vitesse sur une telle distance. Je suis plutôt un sprinter. Donc ça ne peut qu'être bénéfique pour moi d'avoir plus de temps pour m'entraîner", avoue Francis Mouget.
Rugby fauteuil
Le CIO a également décidé de reporter les Jeux Paralympiques de Tokyo, initialement prévus du 25 août au 6 septembre 2020. De haute lutte, l'équipe de France de rugby fauteuil venait tout juste de décrocher sa sélection, lors du tournoi qualificatif de Vancouver début mars."Ce report est une très belle opportunité pour nous. 5ème mondial, nous sommes en pleine progression. Cela va nous laisser plus de temps pour nous préparer. On va travailler plus sereinement car notre parcours pour nous sélectionner a laissé des traces, entre la désillusion des championnats d'Europe où nous étions parmi les favoris et ce tournoi de la dernière chance très intense à Vancouver.", analyse le Côte-d'Orien Corentin Le Guen et membre de l'équipe de France de rugby fauteuil.
"Je comprends cette décision. Les Jeux, c'est une fête ! On ne peut pas célébrer le sport alors que des gens meurent !", complète son coéquipier dijonnais Sébastien Verdin, avant de concéder son impatience à participer pour la première fois à l'aventure paralympique. "Dans notre sport, certains athlètes n'ont pas d'abdos en raison de leurs handicaps. Cela peut provoquer des difficultés pour respirer ou tousser. Nous faire courir le risque d'attraper ce virus serait irresponsable", renchérit Corentin Le Guen.
Les deux rugbymen tentent de s'entraîner en mode confinement : Corentin Le Guen sur sa terrasse mais sans home trainer ("impossible d'en trouver, c'est en rupture de stock partout") et Sébastien Verdin dans son appartement dijonnais ("en plus de la préparation physique, j'en profite pour regarder des matches en vidéos afin d'améliorer ma vision du jeu").