Réanimation : un soignant de l'hôpital d'Auxerre explique pourquoi il sera en grève le 11 mai

Les soignants sont appelés à faire grève mardi 11 mai pour demander une reconnaissance de la spécificité de leur travail dans les services de réanimation, de soins intensifs et de soins continus. Un métier "mis en lumière par la Covid-19", souligne Dylan, infirmier à Auxerre.

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Dylan Moreau est depuis 7 ans infirmier au service réanimation du Centre hospitalier d'Auxerre (Yonne). Comme beaucoup de ses collègues, il se dit aujourd'hui fatigué, épuisé. Cette troisième vague a été selon lui "plus difficile" que les deux autres, avec "une charge de travail plus importante". Dans l'Yonne, elle a effectivement été pire que la deuxième dans les services de réanimations, que ce soit à Auxerre ou à Sens.

Avec le Covid-19 puis l'arrivée des variants, les spécificités de son métier ont changé. Les patients sont plus jeunes qu’au début de la crise, mais surtout plus malades. "Avec le variant anglais, on s’est rendu compte qu’on avait plus de pourcentage de décès, donc on sortait moins de patients", témoigne l'infirmier. 

Des soins que ne peuvent apporter des novices. C’est l’une des revendications des soignants : que les nouveaux venus dans les services bénéficient d’une formation en amont, afin d’éviter la surcharge du travail en doublure.

Une formation spécifique 

Pour Dylan Moreau, les soignants, qu’ils soient infirmiers ou aides-soignants, devraient bénéficier aujourd'hui d’une formation spécifique supplémentaire pour travailler en réanimation, à l'image de ce qui existe pour les infirmiers anesthésistes ou de bloc opératoire. 

"Il faut qu’il y ait un temps de formation. Prendre des jeunes et les mettre dans une chambre de réanimation, c’est extrêmement compliqué pour la gestion des patients", explique le soignant. "Les compétences qu’ils doivent accquérir demandent du temps."

Car les soins en réanimation exigent des savoir-faire spécifiques : manipulation de certaines machines, surveillance accrue des patients, dosage de médicaments. "On prend des patients intubés ventilés qu’on met dans le coma. On gère des traitements d’anesthésie de bloc opératoire en continu," précise Dylan. 

Aujourd'hui, l'infirmier passe son temps à former des nouveaux soignants, qui bien souvent ne restent malheureusement pas dans le service. Cela demande une charge de travail supplémentaire. "En plus de la charge du travail induite par le Covid, on a aussi cette charge de formation et de transmission à faire avec nos collègues pour assurer la continuité des soins."

Les syndicats revendiquent une formation de 8 semaines dans le service au minimum, mais également la validation des diplômes obtenus par les infirmiers plus anciens. Pour attirer et mieux former, ils demandent la reconnaissance du travail en réanimation par la création d'une spécialité, "un master ou une filière de formation d'"infirmier en pratique avancée" en soins critiques, même si c'est beaucoup plus complexe à mettre en place." 
Aujourd'hui, officiellement, être infirmier en réanimation n'est pas considéré comme une spécificité. 

Des départs non remplacés

A travers ce mouvement de grève, les soignants espèrent faire entendre leur cri de détresse. Dylan Moreau se dit inquiet face au nombre de départs de soignants durant la pandémie. "Beaucoup de gens ont décidé de partir. On a plus de 50 % de l'effectif de réanimation qui a été renouvelé en presque deux ans," témoigne l'infirmier. "Les agents ne restent pas pour plusieurs raisons qui peuvent être propres à eux, ou à l’institution."

Beaucoup de gens ont décidé de partir. On a plus de 50 % de l'effectif de réanimation qui a été renouvelé en presque deux ans.

Dylan Moreau, infirmier au service de réanimation à Auxerre.
 

Une tendance confirmée par Corinne Rivière, secrétaire adjointe de la CGT à l'hôpital d'Auxerre. "Entre les soignants qui ont tout arrêté car dégoutés par le métier et ceux qui sont en burn-out, il n’y a pas de moyens pour faire des remplacements" explique la représentante syndicale. "Par manque d'effectif, les heures supplémentaires ont explosé pour essayer de prendre en charge les patients correctement." 

Par manque d'effectif, les heures supplémentaires ont explosé pour essayer de prendre en charge les patients correctement."

Corinne Rivière, représentante syndicale CGT à l'hôpital d'Auxerre
 

La reconnaissance du diplôme et une revalorisation salariale

Les soignants des services de réanimation demandent également que soient reconnus la pénibilité du travail et les risques d'exposition aux bactéries, à travers une revalorisation salariale. "En bloc opératoire, ils ont des nouvelles bonifications indiciaires (NBI), en hémodialyse, ils ont des NBI. Nous, on n’en a pas alors qu’on fait de la dialyse continue, on maintient les gens dans le coma avec des produits d’anésthésie, etc." précise Dylan. "Et la charge de travail n’est pas la même du tout."

Ces soignants veulent obtenir des primes, comme leurs collègues des services gériatriques ou des urgences. Une revalorisation salariale motiverait, selon eux, plus d'infirmiers à travailler en réanimation. 

En parallèle, ils revendiquent un ratio soignants/patients plus adapté aux réalités, de jour comme de nuit. "Avec le Covid, en première phase, on tournait à un agent pour 2 patients. Aujourd’hui, on est retombé à un soignant pour 2,5 patients", explique Dylan Moreau. "En fait, on se rend compte de la difficulté de la prise en charge pour des patients qu’il faut mettre sur le ventre, qu'il faut curariser, qu’il faut dialyser."

Une grève pour améliorer les conditions de travail à long terme 

Ce mardi 11 mai, les soignants des réanimations de Sens et d'Auxerre ont prévu de se rassembler à 14h30 devant l'antenne régionale de l'Agence régionale de Santé à Auxerre. Une délégation devrait être reçue à 15h.

L'appel à la grève du 11 mai dans les services de réanimation a été lancé par la CGT Santé et action sociale. Il est soutenu par le syndicat Coordination nationale infirmière (CNI) et relayé par la Fédération nationale des infirmiers de réanimation (FNIR). C'est un collectif baptisé "Union des réanimations de France pour une reconnaissance" qui est à l'origine de cette mobilisation. Il regroupe des soignants de réanimation dans 105 villes de France. Il compte près de 3400 membres sur Facebook. 

Le préavis, publié sur le site internet de la CGT-Santé, couvre l'ensemble des agents des hôpitaux publics et privés, mais vise spécifiquement "les personnels des services de réanimation et de soins intensifs". "Notre positionnement est de faire un mouvement pour un revalorisation de salaire globale" explique Corinne Rivière, de la CGT Yonne.

D'autres syndicats, comme Force ouvrière ou SUD, soutiennent localement ces mouvements, mais n'ont pas déposé de préavis national à ce jour. Au-delà de cette mobilisation des réas, la CGT prépare une nouvelle journée d'action dans le secteur de la santé le 18 juin.

 

Les cinq revendications majeures des soignants de réanimation :

 

  • Reconnaissance du travail en réanimation par la création d'une spécialité (Diplôme universitaire ou validation des acquis)
  • Nouvelle bonification indiciaire (NBI) et indemnité forfaitaire de risques spécifique à la réa : une revalorisation salariale qui reconnait la technicité du travail en réanimation motiverait plus d'infirmiers à y travailler 
  • Un ratio patients-soignants fixe qui serait un infirmier pour deux lits et non pour deux patients et demi. Le ratio des aides-soignants est de un pour quatre patients. Ils souhaiteraient un pour quatre lits. Ce ratio serait calculé sur le nombre de lits et non par rapport au taux d'occupation du service.
  • Davantage de titularisations : des embauches pérennes sous statut de la fonction publique dans l'hôpital public et en CDI dans le privé
  • Plus de lits en réanimation : en France, le nombre de lits en réanimation avant le Covid était de 5000. Il y en avait 8 000 il y a dix ans.
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