Face à l'interdiction du formol, l'inquiétude des thanatopracteurs : "on va revenir 80 ou 90 ans en arrière"

Polluant et cancérigène, le formol fait actuellement l'objet d'un moratoire européen qui doit déterminer son interdiction ou non. Les thanatopracteurs, qui utilisent ce produit pour la préparation des défunts, se montrent inquiets des effets qu'aurait une telle décision.

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Elle concerne, en France, entre la moitié et les deux tiers des défunts. Pourtant, la thanatopraxie, c'est-à-dire l'art de préserver l'apparence des corps en ralentissant leur décomposition, pourrait bien vivre ses derniers jours.

En cause : le recours des thanatopracteurs au formol (ou formaldéhyde). Ils utilisent en effet ce produit pour les soins de conservation. "Le procédé consiste en l'injection de produits de conservation par voie artérielle, suivie d'une ponction des liquides biologiques", explique Frédéric, praticien à Sens (Yonne). "Le formol est le seul produit qui a un réel pouvoir de conserver les tissus organiques."

Efficace... mais dangereux

Sauf que le formol présente un inconvénient majeur : il est hautement dangereux pour la santé. En plus des irritations oculaires et des voies respiratoires, il est, depuis 2004, classé cancérigène par le centre international de recherche sur le cancer. Il est en effet à l'origine de cancers du nasopharynx.

L'autre danger concerne... la planète. Car le formol est aussi extrêmement polluant. Après une inhumation, le liquide a la fâcheuse tendance de s'infiltrer dans les nappes phréatiques - tandis que lors d'une crémation, "les produits formolés employés en association avec d'autres molécules chimiques produisent de la dioxine", souligne l'association française d'information funéraire.

"On a essayé de faire des soins avec d'autres molécules : ça ne marche pas."

Frédéric,

thanatopracteur à Sens (Yonne)

Conséquence : l'Union européenne a lancé un moratoire sur l'utilisation du formol. "Certaines industries, comme celles de l'habillage des sols ont trouvé des solutions", poursuit Frédéric. "Pour notre pratique, en revanche, il n'existe pas de substitut au formol. On a essayé de faire des soins avec d'autres molécules : ça ne marche pas."

Avant le formol, "les corps se métamorphosaient en 10 à 12 heures"

Comment faire, alors, pour éviter le formaldéhyde ? Dans un rapport daté de mars 2020, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail rappelle que les "soins de conservation pratiqués par les thanatopracteurs n'étant pas obligatoires, [...] la question de leur nécessité doit se poser tout d'abord au cas par cas en fonction de l'état du corps et des souhaits des familles." Comprendre : limiter le recours à la thanatopraxie.

Une solution qui, évidemment, est loin de plaire aux praticiens. "Ce qui est grave, c'est qu'on va priver des familles endeuillées de se recueillir sur le défunt sans les inconvénients du décès (odeurs, écoulements, gonflements)", détaille Frédéric. "On va revenir 80 ou 90 ans en arrière, avec des corps qui se répandaient sur les matelas, qui se métamorphosaient et dont la décomposition arrivait dès 10 ou 12 heures."

Par ailleurs, l'interdiction du formol par l'UE risquerait de "mettre à mal toute la chaîne funéraire". "En France aujourd'hui, à cause de la lourdeur de l'administration et du manque de main-d'œuvre, notamment de marbriers, les pompes funèbres sont incapables d'enterrer quelqu'un en trois jours. La fin du formaldéhyde nous mettra face à toutes ces complications."

Pour la profession, reste un espoir : le report ou l'annulation du moratoire européen. Réponse à l'été 2024.

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