Si loin du Front, des tranchées en Bretagne

Des parois en terre et des branches en guise de toit, le bois de la petite commune bretonne de Plouédern est un terrain de jeu très prisé des enfants. Rien de particulier jusque-là, si ce n'est que la cabane est construite dans une tranchée d'entraînement, vestige exceptionnel de la Grande Guerre.

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Des parois en terre et des branches en guise de toit. Le bois de la petite commune bretonne de Plouédern est un terrain de jeu très prisé des enfants. Rien de particulier jusque-là, si ce n'est que la cabane est construite dans une tranchée d'entraînement, vestige exceptionnel, si loin du front, de la Grande Guerre. "Tous les enfants du secteur ont joué et jouent encore dans ces tranchées".
 
Présidente de l'association d'histoire locale Dourdon, à l'origine d'un projet de protection et de valorisation du site, Andrée Le Gall-Sanquer est encore étonnée de sa découverte. Au total, ce sont près de 300 mètres de boyaux qui ont survécu depuis un siècle à la végétation, à l'urbanisation et à l'étalement des champs agricoles, alors qu'aujourd'hui, seuls quelques sites de ce type ont été mis au jour en France, dont un non loin de Blois.
 
"Ce site est exceptionnel parce que des tranchées d'exercice de la Première Guerre mondiale, il y en a peu de conservées en France", assure Jean-Yves Besselièvre, historien et président de l'association "Valoriser les patrimoines militaires", qui soutient le projet. "Le fait de pouvoir présenter d'authentiques vestiges de cette époque en Bretagne , c'est aussi quelque chose de tout à fait exceptionnel", souligne-t-il.
 
Situées dans le Finistère au lieu-dit Kergoat, au sud de Plouédern et à proximité immédiate de Landerneau, où se trouvait au début du siècle dernier une caserne, les tranchées s'étalent sur une parcelle de près de 9.000 m2.
 
Le réseau de boyaux, dont le fond est jonché d'une épaisse couche de terre, de feuilles et de branches, reste cependant bien visible et ne laisse aucun doute quant à sa fonction : l'entraînement des soldats avant leur départ vers le front, dans le nord-est du pays.
 

Un outil pour les scolaires

 
"Si rien n'est fait, ces vestiges disparaîtront sous l'action du temps et de l'urbanisation", prévient Mme Le Gall-Sanquer, en se frayant un chemin au milieu de la végétation afin d'accéder au terrain mis à la disposition de son association pour une durée de cinq ans par son propriétaire, un Breton résidant en Espagne.
 
Danièle Glémarec, 74 ans, petites lunettes sur le nez, se souvient des récits de son père. "Il habitait à deux pas de la caserne et me racontait qu'au lieu d'aller à l'école, il suivait les soldats en haut de la colline jusqu'aux tranchées. Il me parlait bien de tranchées !", assure-t-elle. Un témoignage précieux, alors qu'aucune trace écrite faisant référence à ce terrain d'entraînement n'a été retrouvée, si ce n'est deux articles de presse relatant un même incident mortel sur un plateau tout proche.
 
"A Landerneau, où se trouve le dépôt du 128e régiment d'infanterie, les bleuets (surnom donné aux jeunes soldats), recrutés pour la plupart dans la Somme, s'exercent quotidiennement sur le plateau de Pencran. Ils y ont creusé plusieurs lignes de tranchées en tout point semblables à celles qui sont construites sur le front", est-il écrit dans la Dépêche de  Brest du 23 mai 1916, sous le titre "Une grenade éclate, tuant un adjudant et blessant trois soldats".
 
Sur place, plus aucun signe de ces tranchées, si ce n'est la présence d'un champ de tir. Mais sur la colline d'en face, les vestiges sont bien là. "Une fois conservées et mises en valeur, ces tranchées offriront un outil pédagogique de premier ordre pour les scolaires", se réjouit Andrée Le Gall-Sanquer, en attente d'une éventuelle labellisation du site par la Mission du centenaire de la Première Guerre mondiale crée par le gouvernement dans la perspective de cette commémoration.
 
Environ 1.400.000 soldats sont "morts pour la France" durant la guerre de 14-18, parmi lesquels 130.000 à 150.000 Bretons. La Bretagne compte parmi les régions françaises qui ont payé le plus lourd tribu à la Première Guerre mondiale.
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