Ce 8 juin 2022, cinq évêques bretons et neuf procureurs du ressort de la Cour d’Appel de Rennes ont signé un protocole pour favoriser le signalement et le traitement des infractions de nature sexuelle dans l’église. Une recommandation du Rapport Sauvé après son travail sur la pédo criminalité au sein de l’institution.
En octobre dernier, après deux ans et demi de travaux, le Rapport Sauvé révélait qu’en France, depuis les années 1950, 330 000 mineurs avaient été victimes d’abus sexuels au sein de l’église.
"Face à tant de drames anciens ou récents, la commission estime qu’il ne peut être question de tourner la page. L’avenir ne peut se construire sur le déni ou l’enfouissement de ces réalités douloureuses, mais sur leur reconnaissance et leur prise en charge détaille le rapport. Il est essentiel de rendre réellement justice aux femmes et aux hommes qui (…) ont dans leur chair et leur esprit souffert de violences sexuelles, précise le rapport final de la Commission. Par conséquent, tout doit être entrepris pour réparer, autant qu’il est possible, le mal qui leur a été fait et les aider à se reconstruire. Pour éradiquer aussi le terreau des abus et de leur impunité."
45 préconisations
La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église a donc établi une longue liste de préconisations, 45 au total, pour faire en sorte que de tels agissements ne puissent plus se reproduire.
Le rapport suggère de "vérifier systématiquement les antécédents judiciaires de toute personne (…) que l’Église mandate ou affecte de manière habituelle auprès de mineurs." Il invite aussi l’église à "définir au sein du code de droit canonique l’ensemble des infractions sexuelles commises sur un mineur" et affirme qu’il est essentiel de "relayer, de la part des autorités de l’Église, un message clair indiquant aux confesseurs et aux fidèles que le secret de la confession ne peut déroger à l’obligation, prévue par le code pénal (…) de signaler aux autorités judiciaires et administratives les cas de violences sexuelles infligées à un mineur ou à une personne vulnérable."
A quoi sert un protocole avec la justice ?
Avant même la publication du Rapport Sauvé, 17 diocèses avaient signé de tels accords avec la justice.
Aujourd’hui, les cinq évêques et les neuf procureurs du ressort de la Cour d’appel de Rennes se sont réunis au Parlement de Bretagne pour signer le protocole. Paris, Versailles, La Rochelle ou encore Coutances ont déjà signé le même document ces derniers mois.
Désormais, tout signalement d'infraction sexuelle par un prêtre sur un mineur ou un majeur fait au diocèse sera systématiquement transmis au parquet, pour enquête, sans qu’il soit nécessaire que la victime ait au préalable déposé plainte.
"Les signalements existaient déjà, nous nous sommes données un cadre dans lequel il doit y avoir signalement, détaille Frédéric Benet-Chambellan, procureur général de la cour d'appel de Rennes. Et nous avons rappelé que ce n'est pas parce que la victime ne souhaite pas déposer plainte que l'évêque est dispensé d'une obligation de signalement au procureur."
Ces signalements, plus rapides et plus systématiques par les autorités diocésaines, permettent au parquet de caractériser, s’il y a lieu, les infractions qui auraient pu être commises, ou à l’inverse, de lever les doutes subsistants.
Les parquets souhaitent ainsi traiter ces affaires et diligenter des enquêtes dans des délais brefs et avec l’obligation d’un retour d’information de la part de la justice.
Quid du secret de la confession ?
Le principe de signalement n’est pas nouveau, mais le protocole vise à concilier cette obligation de signalement avec le secret de la confession. Le secret de la confession est-il "plus fort que les lois de la République? " La question agite l'église depuis de nombreuses années.
"Je suis prêtre catholique, je donnerai ma vie pour sauvegarder le secret de la confession mais je briserai le secret de la confession si c'est pour sauver la vie d'un enfant. Les sacrements sont au service de la vie et non de la mort", témoignait Jean-Eudes Fresneau, prêtre du diocèse de Vannes en octobre 2021.
Monseigneur Pierre d’Ornellas, l’archevêque de Rennes, de Dol et Saint-Malo, précise : "C'est parce qu'il y a un secret absolu de la confession que la personne peut parler, et c'est précisément parce qu'elle peut se confier que peut s'engager un dialogue et qu'on peut réussir à la convaincre d'en parler en dehors de la confession pour aboutir à un signalement. Sil n'y avait pas le secret de la confession, peut-être que la personne ne dirait jamais rien. Le secret de la confession, c'est une chance pour qu'elle puisse parler et pour que justice soit faite."
Au mois de février, un groupe de travail parlementaire avait estimé "pertinent" de rendre ces protocoles entre église et justice "obligatoires".
Le Pape François a annoncé rendre obligatoire ces signalements à l’intérieur de l’Eglise. En revanche, il ne revient pas sur le secret du confessionnal.