Le rapport Sauvé vient de dévoiler ses conclusions sur les abus sexuels dans l'Eglise. 330 000 mineurs auraient été victimes de violences sexuelles de la part de prêtres. En Ille-et-Vilaine, André était adolescent lorsqu'il a subi des attouchements. Pour lui, tout se savait, le silence a tué.
Après deux ans et demi d'enquête, le rapport Sauvé a livré ses conclusions sur les abus perpétrés au sein de l'Eglise. Au moins 330 000 mineurs ont été victimes de violences sexuelles depuis 1950. Le rapport estime également que 2 900 et 3 200 prêtres ou religieux pédocriminels sont impliqués.
C'est le silence qui a tué en définitive
André
En Ille-et-Vilaine, André Poulaud est l'une des victimes. Aujourd'hui âgé de 75 ans, il était en sixième lorsqu'un surveillant et un curé ont commencé à abuser de lui, au sein d'un établissement scolaire privé rennais, "des attouchements" tient-il à préciser.
"Cela se passait dans la chambre du prêtre qui connaissait bien mes parents. Et au dortoir. Là, c'était un pion qui me réveillait et me demandait de faire des choses que je n'ose pas nommer", se souvient-il. "Il me donnait des coups de règles sur les doigts si je n'obéissais pas".
Il prévient un jour sa mère. Elle ne le croit pas ou "ne veut pas y croire sur le moment" pense-t-il. Sauf que ses parents s'inquiètent de la scolarité de leur fils, des notes qui dégringolent. Ils écriront alors au collège mais leurs lettres resteront sans réponse. S'ensuit un épisode dépressif. André enfouit tout ça.
Tout cela ressurgit
Il a la cinquantaine lorsque tout ressurgit. Il a des problèmes de sommeil et consulte, se met à faire de l'acupuncture. "Une nuit je me suis réveillé en sanglot et j'ai dit à ma compagne 'je sais'". A partir de ce moment, tout remonte : les images, les bruits "des lavabos" de l'école, l'odeur "des lits". André décide d'écrire pour raconter et publie un livre en 2005.
"Tout ça a des conséquences. Regardez mes ongles (rongés jusqu'au sang)", lance-t-il alors qu'il vient d'écouter la lecture du rapport Sauvé à la télévision.
"C'est incroyable, c'est l'horreur je me dis que ce n'est pas possible que ça ait existé et que personne n'ait rien dit. Je crois que l'Eglise a à se remettre en cause sur plein de choses mais là en l'occurrence il faut absolument qu'elle fasse le ménage", souffle-t-il. "Quand j'entends tout ça, j'ai du mal. Dès qu'on a eu connaissance des premières victimes on aurait dû intervenir. C'est pas aujourd'hui qu'on apprend les choses, on le sait depuis longtemps."
Moi je me sentais coupable alors que je suis la victime. Je me disais même - est-ce que j'affabule ? - tellement les images qui me revenaient me détruisaient en quelque sorte. Je pense être abîmé intérieurement.
Avec la publication de ce rapport, André espère des condamnations, des actes et non des promesses. Surtout pour les autres, pas tellement pour lui. "On n'a rien fait pour moi parce qu'il n'y avait plus rien à faire. C'est trop tard pour réparer" estime André. C'est sur le moment qu'il faut réparer. Et puis tous ces gens sont morts. Il faut aller jusqu'au bout, quitte à faire tomber des tabous".
André a été reçu par le Pape François à ce sujet début septembre. Lors de cette rencontre, il a formulé trois vœux. Il a notamment demandé à ce que "tous les prêtres mis en cause soient licenciés".