"Au lieu de se laisser mourir, on agit" : l'Union française des pêcheurs-artisans veut défendre les intérêts de la filière

Un nouvel acteur va bientôt faire son apparition dans le monde de la pêche. L'Union française des pêcheurs-artisans se veut une alternative au Comité national des pêches pour défendre les "vrais" intérêts de la filière.

"On en a eu ras-le-bol de voir la colère, ce qui fait qu’avec des pêcheurs de toutes les façades, on a fait ce même constat : il fallait créer une fédération avec plusieurs associations qui défendent la pêche artisanale" : David Le Quintrec, pêcheur à Lorient (Morbihan), est un des piliers de la toute nouvelle Union française des pêcheurs artisans (UFPA).

À terme, une présence sur toutes les façades

Pour le moment, l'UFPA regroupe une quinzaine de pêcheurs, mais le but est bien d'être présent sur tout le littoral : "Au lieu de nous laisser mourir depuis des années, nous, on veut agir, alors qu'on fait face à une perte de navires, de flotilles, de quotas et de zones de pêche. On a des problématiques communes sur chaque façade, mais aussi spécifiques à chaque façade", précise David Le Quintrec.

Cette association veut être une alternative au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), et ce, le plus rapidement possible. "Je pense qu'au niveau politique, le comité national est sous la tutelle de l'État, donc on ne peut pas être défendu", poursuit le vice-président Façades atlantiques de l'UFPA. "Le Comité national ne sert que les intérêts des industriels, de l’État, des industriels éoliens qui vont prendre notre surface de pêche sur la mer." Contacté, Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches, ne souhaite pas "faire de commentaires."

Des liens déjà établis avec les ONG environnementales

De son côté, Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France, pointe, à l'instar de David Le Quintrec, des difficultés dans les relations avec le Comité national des pêches. Elle dit avoir "identifié comme gros point de blocage, la politique orchestrée par le Comité national des pêches qui fait tout pour que le problème s'enlise, diabolise les scientifiques et met les pêcheurs dans une voie qui les mène à l’impasse." Elle voit au contraire dans la création de l'UFPA une occasion de "travailler avec des pêcheurs qui ont une vision pérenne de leur métier et qui ne sont pas dans le déni, et donc ont compris l’intérêt de trouver des solutions."

David Le Quintrec se dit prêt à travailler avec Sea Shepherd et d'autres ONG environnementales, avec lesquelles une réunion a été organisée à Lorient en février dernier. "Au départ, je n'étais pas du tout dans l'optique de faire une réunion avec les ONG. J'ai pris un peu de hauteur, je me suis dit 'peut-être qu’il faut dialoguer", reprend le vice-président de l'UFPA. "Il faut montrer à l’État qu’il y a des solutions. Avant qu'une décision soit prise pour le golfe de Gascogne, on a besoin que des solutions soient mises sur la table, pour le montrer aux ONG et qu’elles retirent leur plainte."

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La fermeture du golfe de Gascogne, premier sujet de préoccupation

À l'UFPA, un premier groupe de travail a déjà été constitué sur le sujet de la fermeture du golfe de Gascogne. Plusieurs associations de défense de l'environnement, dont Sea Shepherd, avaient saisi le Conseil d'État. Celui-ci a décidé, en décembre 2023, de mettre fin aux dérogations mises en place par le gouvernement.

Conséquence, le golfe de Gascogne a été fermé à la pêche pendant un mois, du 20 janvier au 20 février 2024. La situation devrait se renouveler en 2025 et 2026. Du côté de l'UFPA, plusieurs propositions sont en train d'être élaborées sur le sujet. "On a déjà des propositions sur le golfe de Gascogne, la biodiversité. Les premiers écolos sur l’eau, ce sont les pêcheurs, on a de très bonnes idées, on ne fera pas de copié-collé du comité national", revendique David Le Quintrec.

Depuis la réunion à Lorient, "on a un vrai espoir d'une meilleure communication, pour mettre enfin autour de la table tous les acteurs concernés", déclare Lamya Essemlali, présidente de Sea Shepherd France. "L'idée aussi est de sortir du déni sur le sujet des captures de dauphins, en trouvant des solutions qui permettent d'éviter, ce vers quoi on se dirige, des fermetures encore plus longues."

On a un vrai espoir d'une meilleure communication.

Lamya Essemlali

Présidente de Sea Shepherd France

D'après elle, le dialogue entre pêcheurs et ONG environnementales est absolument nécessaire pour protéger à la fois les animaux et les pêcheurs côtiers. "Certains se réveillent parce que la décision du Conseil d’État est un électrochoc. Fermer la porte et refuser de discuter avec les ONG et les scientifiques les mène droit dans le mur, et fait le jeu des plus gros. Les pêcheurs côtiers sont les premiers à trinquer", expose-t-elle.

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Début de dialogue possible pour France Nature Environnement

Denez L'Hostis, coprésident de France Nature Environnement, tout en observant "des possibilités de discussion" avec l'UFPA, attend de voir quelles suites vont être données : "C'est encore un peu tôt. Pour l'instant, ils ne sont que quelques pêcheurs, avec lesquels nous avons déjà établi quelques relations. Le plus difficile va sans doute être pour eux de grandir et de représenter réellement toutes les façades. Les problèmes sur le bassin d'Arcachon ne sont pas du tout les mêmes qu'au Guilvinec." 

Dans une lettre ouverte, France Nature Environnement (FNE) demande à la région Bretagne de mettre en place "une feuille de route qui doit permettre à la pêche bretonne de sortir de ses impasses structurelles, de faire face à l’urgence climatique et d’enrayer l’effondrement de la biodiversité." Plus globalement, FNE Bretagne estime qu'il n'y a "pas assez d'espaces de dialogue, non seulement avec l'UFPA, mais pour mettre en relation tous les acteurs de la filière pour arriver à prendre des mesures."

D'autres sujets seront discutés dans les prochains mois, notamment des réformes du secteur de la pêche, le chalutage de fond et une approche plus globale de l'écosystème marin. "On a conscience du challenge, mais la volonté et la connaissance sont là, donc j'espère surtout que cette union va pouvoir fédérer un maximum de pêcheurs parce qu’il y va de leur survie et de celle des dauphins", conclut Lamya Essemlali.

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