"Bouleversé" après des semaines d'audience dédiées aux victimes du Mediator, l'ex-numéro 2 des laboratoires Servier est revenu mardi à la barre pour présenter des excuses et tenter d'expliquer les "erreurs d'évaluation" de la firme qui ont conduit à l'un des pires scandales sanitaires en France.

"C'est avec une particulière gravité que je me présente devant vous aujourd'hui", démarre Jean-Philippe Seta qui a travaillé pour les laboratoires. Pour la première fois, l'ex-dirigeant, qui encourt cinq ans de prison, est entendu sur les blessures et homicides involontaires. Il se dit "bouleversé" par les témoignages de victimes qui se sont succédé depuis début décembre: "je tiens à présenter mes excuses", dit-il. 

Le sexagénaire est le principal prévenu parmi les personnes physiques dans le procès du Mediator, un coupe-faim commercialisé entre 1976 et 2009, tenu pour responsable de la mort de centaines de personnes. "Il est clair que nous avons commis des erreurs", déclare-t-il. Il en est "d'autant plus conscient" après quatre mois de procès.

Mais le prévenu, sûr de lui, enchaîne: il entend "convaincre" le tribunal que "les erreurs d'évaluation et d'appréciation n'ont été ni délibérées, ni intentionnelles". En clair, pour M. Seta, le laboratoire n'était pas conscient de la dangerosité du Mediator.
La première des erreurs remonte à 1998, selon lui. Les autorités italiennes avaient alors lancé une alerte, du fait de la parenté chimique entre le Mediator et deux coupe-faim commercialisés par Servier (Isoméride et Pondéral), et interdits en 1997. Mais Servier a alors manqué de "lucidité", selon l'ex-dirigeant. 

"Rien avant 1998?", interroge la présidente Sylvie Daunis. "Non", répond simplement le prévenu, malgré plusieurs alertes sur la sécurité du Mediator dans les années 90. La présidente questionne longuement le prévenu sur les RCP, le résumé des caractéristiques du produit, un document destiné aux médecins qui synthétise notamment les contre-indications et les effets indésirables d'un médicament. Il est, entre autres choses, reproché aux laboratoires de ne pas avoir informé les médecins des risques représentés par le Mediator. 

"Toxicité"

"En février 2001, il y a des discussions sur des modifications du RCP avec l'agence du médicament. (...) Comment expliquez-vous qu'il faille deux ans pour arriver à une toute petite modification?", demande la magistrate. Réponse : "Je ne sais pas". "En 2005, on a raté une opportunité" pour changer le RCP, concède Jean-Philippe Seta. 

En 2002, des médecins s'inquiétaient de "la toxicité potentielle du Mediator". "Est-ce qu'à ce moment là, il n'y a pas un clignotant qui doit être actionné?", interroge à son tour l'avocate de la partie civile Martine Verdier. "Ce ne sont pas des oeillères; c'est une volonté de ne pas voir", accuse l'avocate. 

La présidente cite un à un des cas de patients malades d'avoir pris du Mediator dans les années 2000.  "Il n'y a pas suffisamment d'éléments pour prendre des décisions drastiques de retrait (du médicament, NDLR). (...) Cela parait aberrant aujourd'hui, mais pas à l'époque", affirme-t-il. Une enquête de pharmacovigilance avait été lancée. "Le fait que le produit soit sous enquête était pour moi de nature rassurante", martèle l'ex-numéro 2 de Servier. 

Puis, dans ce dossier complexe, vient cette question simple, limpide de la procureure : "Que fallait-il pour que vous preniez une décision forte sur ce médicament, qu'attendiez-vous?". Silence. "C'est une question difficile quand on regarde les choses a posteriori", répond finalement le prévenu. 
Le Mediator a été retiré du marché en 2009, une fois que la pneumologue de Brest Irène Frachon a révélé le scandale. La procureure n'en a pas fini. "L'année 1999 a été charnière" en terme d'alertes, dit-elle. Au total, 95 cas de blessures et homicides involontaires sont reprochés à Jean-Philippe Seta. "Si le Mediator avait été suspendu en 1999, 64 de ces personnes n'auraient jamais pris ce médicament, et donc n'en aurait jamais souffert". 
    
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