Ils ne sont pas moins de 900 en France : les élus municipaux britanniques vont disparaître avec le Brexit. Une perte pour les communes rurales qui comptent sur ces élus très investis dans la vie publique.
Installée depuis 13 ans en Bretagne, fondatrice d'un "salon des créateurs", Sandra Sheward a été élue en 2014 eu sein du conseil municipal de sa petite commune (1100 habitants) de Saint-Caradec, dans les Côtes-d'Armor. "Elle n'intervient pas beaucoup mais toujours très bien", décrit le maire Alain Guillaume (divers droite), qui lui avait demandé de rejoindre sa liste pour "avoir des esprits de tous horizons".
"Elle nous a apporté, elle a toute sa place", assure-t-il, en évoquant son initiative de créer un cours de yoga, qui a connu un certain succès. "C'est très intéressant de prendre part à des projets, de voir comment le village se développe", confirme Mme Sheward. "Si c'est possible, j'aimerais être élue à nouveau mais ça dépend du Brexit". Comme tous les citoyens européens, les Britanniques ont le droit de vote et sont éligibles aux élections municipales françaises. Mais cela ne sera plus le cas si le Royaume-Uni sort de l'Union européenne. Ils termineront leur mandat mais ne pourront pas être réélus en 2020. Quelque 900 élus britanniques sont concernés dans toute la France, selon un rapport législatif du Sénat.
Une quarantaine d'élus en Bretagne
Rien qu'en Bretagne, on compte une quarantaine d'élus, principalement dans le département des Côtes-d'Armor, qui en compte vingt-et-un, selon la préfecture de région. Ce sont généralement des femmes, très investies dans la vie de leur village, à l'image de Jacqueline Bertho, 59 ans originaire du Yorkshire et élue de Guerlédan (Côtes-d'Armor), dans le Centre-Bretagne. Mariée à un entrepreneur local, investie dans plusieurs associations, dont le comité des fêtes, Mme Bertho jouissait déjà d'une certaine notoriété avant son élection en 2014, par 168 voix sur 267 exprimés. "J'ai deux chiens, je marche tous les jours, et avec mon accent, je ne passe pas inaperçue", sourit-elle. L'élue, qui se dit "plutôt macroniste", n'a plus le droit de vote au Royaume-Uni qu'elle a quitté depuis plus de quinze ans.
Au conseil, elle reconnaît avoir parfois été "choquée par des remarques misogynes ou racistes" de certains de ces collègues mais a aussi beaucoup apprécié cette expérience. "Je pose beaucoup de questions car je ne vote pas si je ne comprends pas. Un jour, un homme m'a dit : heureusement que tu es là Jacqueline parce que, moi non plus, je ne comprenais pas", raconte-t-elle.
Le Brexit, c'est dommage pour ceux qui veulent s'impliquer dans la vie municipale
Dans les villages où les résidents anglophones sont nombreux, les élus britanniques servent souvent d'intermédiaire avec la municipalité. C'est le cas de Louise Palmer, 49 ans, élue à Lescouët-Gouarec (Côtes-d'Armor). "Elle nous facilite la vie", reconnaît Marie-Claude Le Tanno-Guégan, maire de ce village de 220 habitants, dont une quinzaine de familles britanniques. "Je ne parle pas la langue de Shakespeare, en cas de besoin on l'appelle". "La semaine dernière, j'ai traduit une lettre de la commune pour des résidents
secondaires", raconte aussi Caroline Haycox, élue aux Champs Géraux (1.000 habitants).
Pour éviter de perdre leur mandat, et surtout pour faciliter leur vie en France, plusieurs élus ont d'ores et déjà acquis ou demandé la nationalité française. Mais pour ceux qui ne l'ont pas encore obtenue, la situation reste pleine d'incertitudes. "Nous sommes ni ni, ni Anglais, ni Français: on reste dans la Manche", plaisante Louise Palmer.