Des secouristes de la Royal Navy ont raconté jeudi devant la justice britannique avoir aperçu un sous-marin néerlandais près du lieu du naufrage du chalutier français, le Bugaled Breizh en 2004. Une observation "inhabituelle" qu'un supérieur n'avait pas jugé nécessaire de mentionner.
Depuis lundi, la Haute Cour de Londres se penche pour trois semaines sur le naufrage de ce bateau de pêche breton au large des Cornouailles (sud-ouest de l'Angleterre) le 15 janvier 2004, resté inexpliqué à ce jour et dans lequel ont péri les cinq membres d'équipage.
Près de 18 ans après la tragédie, les familles des victimes ont l'espoir de comprendre ce qui est arrivé, se disant convaincues de l'implication d'un sous-marin militaire.
"Il y avait un sous-marin en surface", a expliqué l'ancien capitaine Peter McLelland, qui pilotait un hélicoptère de sauvetage envoyé sur la zone. "C'était inhabituel de voir un sous-marin" durant une opération de sauvetage, a-t-il poursuivi, expliquant avoir appris par la suite qu'il s'agissait d'un submersible de classe Walrus, en service dans la Marine néerlandaise.
en surface durant les quatre heures qu'a duré notre mission de sauvetage
Après la mission de sauvetage, alors qu'il voulait signaler aux garde-côtes la présence de ce sous-marin - "sans insinuer qu'(il) avait causé l'accident" -, son commandant David Cunningham a estimé que ce n'était pas nécessaire.
Ce que j'ai trouvé "un peu bizarre", s'est-il souvenu. Mais "je n'étais pas trop inquiet. Je pensais seulement que c'était une erreur de jugement". Quand Peter McLelland lui en reparlé quelques jours plus tard, son supérieur lui a assuré qu'il le mentionnerait aux garde-côtes. L'a-t-il fait? "Je ne sais pas", a-t-il ajouté.
Selon le plongeur présent dans l'hélicoptère, Daren Hall, qui a aidé à repêcher les corps de deux des cinq marins décédés, le sous-marin était présent "en surface durant les quatre heures qu'a duré notre mission de sauvetage".
Il n'était pas "à l'aise" avec la décision de son supérieur de ne pas le signaler, a-t-il précisé, tout en ajoutant n'avoir jamais reçu pour instruction de ne pas en faire part.
Enregistrements manquants
Au moment du naufrage au large du Cap Lizard, le Bugaled Breizh ("Enfants de Bretagne"
en breton) se trouvait dans une zone où se déroulaient où se préparaient des exercices militaires de l'Otan et de la Royal Navy.
Selon le juge Nigel Lickley, trois sous-marins y opéraient au moment du naufrage: le sous-marin néerlandais Dolfijn, remonté en surface et le plus proche lors du premier appel de détresse à 12H25, l'allemand U22, également en surface, et un britannique.
A l'audience, l'enregistrement d'un sous-marin néerlandais proposant de prêter assistance aux garde-côtes a été diffusé, et un responsable de la marine néerlandaise devrait témoigner lundi par visioconférence.
Mais seuls subsistent "10 à 20%" des enregistrements audio - appels radio ou téléphoniques - reçus par les garde-côtes britanniques de Falmouth le jour du naufrage, a expliqué jeudi James Instance, le responsable du centre de coordination et de sauvetage
des garde-côtes dans cette ville des Cornouailles. Ce centre avait été impliqué dans les opérations de secours.
Il n'a pu dire si cette proportion concernait la totalité des communications relatives au naufrage ou celles qui avaient été conservées par la suite pour les besoins de l'enquête. Certaines d'entre elles avaient toutefois été retranscrites.
M. Instance a évoqué notamment des problèmes techniques d'accès à ces documents
sonores, les CDRom sur lesquels ils ont été conservés étant illisibles. Quant à savoir si certains de ces enregistrements avaient été écartés pour des raisons de sécurité nationale, il a répondu: "non, rien du tout".
Côté français, le Cross (centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage) du cap Gris-Nez avait subi une panne d'enregistrement des communications pendant plusieurs heures, immédiatement après le naufrage.
Des cinq victimes, seuls les corps de Patrick Gloaguen, Yves Gloaguen et Pascal Le Floch ont été retrouvés - le premier dans l'épave lors de son renflouement, les deux autres dans les eaux britanniques. C'est sur les décès de ces deux derniers que se concentre l'enquête britannique. Georges Lemétayer et Eric Guillamet ont eux été portés disparus en mer.
Après l'enquête française, qui n'a pu trancher les causes de l'accident, l'objectif de la procédure au Royaume-Uni est d'éclaircir les causes des décès sans toutefois prononcer de condamnations.