Le dernier record historique de chaleur en Bretagne datait de 2019. Le thermomètre était monté jusqu’à 40,1 degrés à Rennes et jusqu’à 41 à Guer dans le Morbihan. Le précédent record datait de 2003. L’intensité et surtout la fréquence de ces épisodes de fortes chaleurs deviennent inquiétantes.
"En 1529, il n'y eut nulle gelée en hiver, et il fit aussi chaud en mars que d'ordinaire à la Saint-Jean". Sur le site, infobretagne.com, les historiens ont compilé de vieux documents extraits des Mémoires et des Journaux des seigneurs ou des abbés bretons. On y lit, qu’en 1573, "les arbres se couvrirent de fleurs en janvier et abritèrent en février les nids des oiseaux. A Pâques, les blés étaient prêts pour la moisson."
Des épisodes exceptionnels qui ne doivent pas nous faire oublier la réalité des 40 degrés dépassés ce 18 juillet en Bretagne.
Des coups de chaud qui se rapprochent
"1947, 1949, puis 1976, 1989, 2003, 2018, 2022." Vincent Dubreuil énumère rapidement les gros coups de chaud que la Bretagne a traversé depuis la Seconde Guerre Mondiale. "Ce qui se passait avant tous les 10 - 15 ans revient maintenant tous les 3 - 4 ans", s’alarme le géographe et climatologue, professeur à l'Université de Rennes 2 et Co-Président du Haut Conseil Breton pour le Climat (HCBC).
En 1947, le thermomètre affichait 35,2 degrés à Brest, deux ans plus tard, à Rennes, il grimpait à 38,4.
"En moyenne, explique-t-il, depuis la fin de la guerre, la température a augmenté d’un peu plus d’un degré depuis la fin de la guerre, le nombre de jours chauds (des jours où la température dépasse 25 degrés) est lui passé de 40 à 60. Et le nombre de jours de gel diminue et passe, lui, de 60 à 40. Pour la première fois, il y a deux ans, Rennes a connu un hiver sans gel. "
"Le réchauffement climatique est bien là."
1976, annus horribilis
"En Bretagne, il pleut toujours, bien malin qui pourrait adapter ce discours à la situation actuelle." La voix rendue un peu nasillarde par les micros de l’époque, le journaliste de Bretagne Actualités relaie les inquiétudes des Bretons. Cette année 1976, dès le début du printemps, le ciel breton est vide de nuages. Les précipitations sont quasi nulles au mois d’avril et la sécheresse s’installe. Les cultures souffrent, le maïs a séché sur pied, les rivières sont taries. Parfois, il faut faire des kilomètres avec le troupeau pour que les bêtes puissent boire.
La production laitière chute de 20%. Les récoltes de foin ne remplissent que la moitié des granges et les pertes en maïs sont estimées entre 30 et 50% selon les zones.
A Quimper, le thermomètre s’échauffe et atteint 35,9 degrés.
Au cours de l’été, les incendies se multiplient. Dans la forêt de Lanvaux, les pompiers du Morbihan, épaulés par leurs collègues des Côtes du Nord et d’Ille-et-Vilaine luttent contre les flammes. L’armée et les agriculteurs, équipés de leurs tonnes à eau et des Canadairs, sont appelés en renfort. 500 hectares de forêt partent en fumée.
Le 16 Août, ce sont plus de mille hectares de landes et de bois qui sont ravagés par le feu dans le Menez Hom.
Cette année-là, prêtres et agriculteurs se rassemblent pour faire des rogations, des solennelles dont le but est d’attirer "les bénédictions de Dieu sur les biens de la terre". C'est à dire appeler la pluie.
2003, canicule meurtrière
La première quinzaine du mois d’août 2003, une masse d’air brûlant se pose sur la région. Les 39,5 degrés sont atteints à Rennes, le thermomètre dépasse de 10 à 15 degrés les normales d’un mois d’août.
A l’hôpital de Rennes, le personnel soignant tente de lutter contre la moiteur, dans les chambres, les nuits sont aussi chaudes que les jours.
Aujourd'hui, on estime que 15 000 personnes, majoritairement des personnes âgées isolées, sont mortes en France à cause de cette canicule.
L’heure n’est plus aux rogations
Ce 18 juillet 2022, les records de chaleur tombent les uns après les autres. Brest, Landivisiau, Lanmeur. A Ploudalmezeau, la température est montée à 38 degrés, 5 points au-dessus du précédent pic. Et pour la première fois depuis le début des relevés météo, l’ile d’Ouessant passe le seuil des 30 degrés.
"Il faut lutter contre ce réchauffement en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et il faut aussi que l’on s’adapte à ces transformations. Il faut se battre sur ces deux fronts", martèle Vincent Dubreuil. "Nous avons retenu certaines leçons des récentes canicules, aujourd’hui, par exemple, on fait bien plus attention aux personnes fragiles, mais il faut faire plus, et aménager différemment les villes," explique-t-il.
"Dans la journée, les villes et les campagnes vivent les mêmes chaleurs, mais cette nuit, la température a baissé jusqu’à 14 degrés à la campagne, quand elle est restée à 22 degrés dans les rues de Rennes. Le bitume, les pierres, les façades sombres emmagasinent la chaleur."
Lorsque la température ne descend pas en dessous de 20 degrés la nuit, ce qui est la température de récupération pour l’organisme humain, les climatologues parlent de nuit tropicale. Mais ce ne sont pas forcément des nuits tropicales de ce genre que l'on a envie de vivre, même au moment des vacances !