Le projet de loi visant à interdire les nitrites dans la fabrication du jambon et autres produits de salaisons est en passe de tourner aux bras de fer. "Impossible de faire sans", laissent entendre les industriels, alors que des charcuteries artisanales ont déjà tourné le dos aux additifs de plus en plus décriés. En arbitre, la question du prix.
"Voilà maintenant cinq ans que nous n’utilisons plus de nitrite dans la fabrication de nos produits". Antoine Meslay, en charge de la production de la ferme de la Mare à Lamballe est sans détour. "Nous avons répondu à la demande de notre clientèle qui était de plus en plus attentive à la question des additifs dans les produits".
Des nitrates qui s’éliminent à la cuisson
La charcuterie artisanale «La Ferme de la Mare» n’a pas hésité à repenser ses modes de fabrication en ayant notamment recours à des recettes qui semblent beaucoup plus naturelles.
"Nous avons désormais recours à un bouillon de blettes pour élaborer nos produits. Les nitrates naturels contenus dans ce légume s’éliminent à la cuisson". Une démarche qui fait mouche auprès d’une clientèle soucieuse de "bien manger" et d’être au plus près d’une alimentation naturelle.
Un recours aux nitrites depuis l’antiquité
Mais cette philosophie de fabrication n’a pas encore les faveurs de l’industrie. Selon Bernard Vallat, président de la FICT, la Fédération des Industries Charcutiers Traiteurs, "les nitrites sont des conservateurs. Sans eux, le jambon ne se conserverait pas plus de 2 ou 3 jours dans les frigidaires" . "Et surtout, explique-t-il, sans eux, on pourrait voir revenir le botulisme, les salmonelles et la listeria."
Selon la fédération, qui représente 300 industriels du secteur, dont 40% en Bretagne, le texte de loi visant à interdire l’utilisation des nitrites n’irait pas donc dans le sens de la sécurité sanitaire.
"Nous sommes très attachés à l’utilisation des nitrites utilisés depuis l’antiquité (…) argumente la fédération, qui hante les couloirs du Palais Bourbon, Nous suivons d’ailleurs les recommandations claires des agences sanitaires qui ont, sur le sujet, pris en compte les avis scientifiques du monde entier".
Pour Bernard Vallat, si une interdiction venait à être adoptée, elle porterait atteinte "au goût recherché par le consommateur et l’excellence gastronomique".
"Quelques industriels ont remplacé les nitrites par un autre procédé, décrit-il, mais il faut des investissements colossaux, des salles blanches avec des systèmes d'aération très perfectionnés. La plupart des petites entreprises de salaison sont incapables de franchir cette étape."
Aujourd'hui, moins de 10% du jambon commercialisé en France est élaboré sans sels nitrités.
Des cancers qui pourraient être évités
Pour le député MoDem Richard Ramos qui est à l’initiative de cette proposition de loi, les sels nitrites sont à l’origine de nombreux cancers colorectaux dans notre pays.
Entre 1 200 et 4 000 personnes selon le parlementaire du Loiret. “Les industriels qui nous disent qu'on ne peut pas faire sans nitrites sont des menteurs puisqu’ils ont tous ont une gamme sans nitrites".
" Est-ce que dans notre pays, nous sommes prêts à avoir deux alimentations ? Une pour les pauvres, avec du jambon aux nitrites qui coûte moins cher à fabriquer, et une pour les riches avec du jambon qui ne tue pas ? " interroge le député.
362 000 personnes ont signé une pétition pour demander l''interdiction des sels nitrités dans les charcuteries.
Le surcoût de production d’un jambon exempt de nitrites serait sans doute le principal frein pour que cette industrie se réforme en profondeur.
Mais le débat à venir se fera à grand renfort d’experts car si tout est bon dans le cochon, les additifs et les conservateurs n’ont franchement plus la cote.