Loi immigration. "C'est la non-automaticité du droit du sol qui a pesé dans la balance". Le député Eric Bothorel (Renaissance) a voté contre

Eric Bothorel, député Renaissance des Côtes-d'Armor, fait partie des quatre dissidents bretons ayant voté contre le projet de loi sur l'immigration. Il a répondu à nos questions. Entretien.

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Eric Bothorel, pouvez-vous nous expliquer votre vote d'hier et votre position ?

Après mûre réflexion, j'ai décidé de voter contre parce que j'ai observé, malgré les efforts des rapporteurs pour tenter de trouver un texte équilibré, que ce texte a basculé sur des mesures qui sont clairement revendiquées par une partie de la droite, la droite dure. La droite Pasqua, ce n'est pas forcément la plus modérée. Et le Rassemblement National qui se félicite de voir certaines mesures de son programme à l'intérieur de ce texte, ce n'est pas quelque chose qui m'a incité à voter pour bien sûr.

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Pour vous, c'est une rupture dans la politique menée par la majorité présidentielle ? 

Une rupture, je n'irai pas jusque-là. D'ailleurs, ceux qui observent la vie politique n'auront pas manqué de noter que ce n'est pas la première fois que je vote contre un texte présenté par le gouvernement. Alors, ce n'est pas ma marque de fabrique, mais j'ai cette liberté de vote que j'exprime assez régulièrement. Je reste pour autant loyal au projet présidentiel. Je ne parlerai pas de rupture pour ce qui me concerne. La rupture signifierait que dès ce matin, je n'aurais plus rien à faire dans la majorité. Ce n'est pas du tout le sujet et je comprends que certains aient pu voter pour. Je n'en veux pas à mes collègues qui ont soutenu ce texte. Il y avait des choses bien aussi dans ce texte.

Vous êtes en Bretagne le seul député du parti présidentiel à avoir voté contre. Est-ce que vous vous sentez seul ? 

Je ne me sens pas seul, je reçois plein de messages de militants, des historiques d'En Marche. J'ai dans mon bureau le portrait de Corinne Erhel [députée PS aujourd'hui décédée qui avait rejoint le mouvement d'Emmanuel Macron fin 2016, NDLR] et je me demandais ce qu'elle aurait voté par rapport à ce texte. Je me souviens de nos conversations quand, à l'initiative de François Hollande, il avait fallu voter la déchéance de nationalité. Elle l'avait votée, mais elle m'en parlait avec un trémolo dans la voix, avec des regrets profonds parce que ça ne correspondait pas du tout à son ADN. Et ça a aussi participé à ma décision hier. 

J'ai dans mon bureau le portrait de Corinne Erhel et je me souviens de nos conversations quand, à l'initiative de François Hollande, il avait fallu voter la déchéance de nationalité. Elle l'avait votée mais elle m'en parlait avec un trémolo dans la voix, avec des regrets profonds parce que ça ne correspondait pas du tout à son ADN. Et ça a aussi participé à ma décision hier.

Eric Bothorel

Député des Côtes d'Armor (Renaissance)

Est-ce que vous avez sollicité d'autres camarades du parti présidentiel pour essayer de les convaincre ? 

Ça n'est pas mon rôle, moi je ne suis pas dans le prosélytisme. En tant que parlementaire, c'est un choix individuel que nous faisons, donc moi, je n'ai pas vocation à créer des chapelles ou à rallier des gens. Je dis pourquoi je fais ce vote. Si ça a de l'influence - je crois d'ailleurs savoir que ça a eu de l'influence sur certains qui se sont abstenus - très bien, mais je renvoie chacun à la responsabilité qui est la sienne. Je n'ai pas de mission. 

Quel est le point en particulier qui vous a fait voter contre ? 

C'est la non-automaticité du droit du sol, par exemple, qui a pesé dans la balance. J'ai beaucoup travaillé avec un certain nombre de ministres sur l'accès aux soins pour un certain nombre de malades, je pense notamment au VIH.  Alors, il y a des progrès qui ont été faits dans ce texte qui permettent de prendre en compte les traitements de ceux qui sont en trithérapie, mais plus globalement, il y a des points qui sont très éloignés de ma base.

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Et les points très éloignés de votre base, c'est justement pour les enfants nés en France le fait de ne pas naître français ? 

Oui, par exemple. Et puis il faudra regarder de très près la régularisation des travailleurs immigrés ou issus de l'immigration. Nous étions, nous, favorables à une position qui permettait que ce soit à l'initiative du travailleur et sans qu'il y ait l'avis de l'employeur, je ne suis pas sûr que dans la version finale, on ait cette capacité à pouvoir le faire sans avoir des obstacles que nous connaissons, qui font qu'aujourd'hui, il y a beaucoup de gens qui travaillent qui sont sans-papiers. Donc comme je n'ai pas eu de clarification explicite sur ce point qui soit favorable à la régularisation de ces travailleurs, je ne pouvais pas voter pour. 

Quand on regarde ce qu'a fait la gauche sur ce sujet-là et pourquoi on en est là y compris avec le RN, elle a sa part. Donc ce n'est pas la peine de brandir de grands slogans, de se draper dans des images de vertu, c'est des costumes qui sont beaucoup trop grands pour la gauche après qu'elle ait renoncé tant de fois sur ces sujets-là.

Eric Bothorel

Député des Côtes d'Armor (Renaissance)

À gauche, certains députés parlent de honte, vous ne partagez pas ce point de vue ?

C'est normal, ils vont en faire des caisses, mais pardon, quand on regarde ce qu'a fait la gauche sur ce sujet-là et pourquoi on en est là, y compris avec le RN, elle a sa part... Donc ce n'est pas la peine de brandir de grands slogans, de se draper dans des images de vertu, c'est des costumes qui sont beaucoup trop grands pour la gauche après qu'elle ait renoncé tant de fois sur ces sujets-là. 

Mais dans un tweet, vous avez déclaré que c'était un baiser de la mort du Rassemblement National !

Oui, la manœuvre du RN est grossière. Pour autant, ce n'est pas parce que c'est un piège qu'il faut tomber les deux pieds joints dedans ! Vous savez, je combats le Rassemblement National depuis de nombreuses années. De les voir ainsi se réjouir qu'un certain nombre de mesures qui sont au cœur de leur programme soient reprises dans les nôtres, je fais partie de ceux qui réagissent en disant "ce n'est pas possible que je mêle ma voix aux leurs".

Je combats le Rassemblement National depuis de nombreuses années. De les voir ainsi se réjouir qu'un certain nombre de mesures qui sont au coeur de leur programme soient reprises dans les nôtres, je fais partie de ceux qui réagissent en disant ce n'est pas possible que je mêle ma voix aux leurs.

Eric Bothorel

Député des Côtes d'Armor (Renaissance)

Pour vous, c'est un pas vers la préférence nationale ? 

Je n'irais pas jusque-là parce qu'encore une fois, ce n'est probablement pas l'écriture que retiendrait le Rassemblement National s'il était aux responsabilités, mais ça n'est pas la vision que nous portons chez Renaissance sur le rôle majeur que peut apporter l'immigration à notre pays. Moi, je regrette que dans les débats, on ait été privé de cette capacité à pouvoir dire que l'immigration est une chance, aussi, et qu'elle est nécessaire. Je vois les Ephad, les restaurants, les champs ; sans les travailleurs immigrés ou issus de l'immigration, il y a beaucoup de secteurs de notre économie qui ne fonctionneraient pas. Donc je pense que l'on n'a pas su inscrire dans les débats la chance que pouvait être l'immigration, cédant ainsi à un discours ambiant qui consiste à imaginer que l'immigration est une menace. 

Moi je regrette que dans les débats, on ait été privé de cette capacité à pouvoir dire que l'immigration est une chance, aussi, et qu'elle est nécessaire.

Eric Bothorel

Député des Côtes d'Armor (Renaissance)

Votre place dans la majorité au Parlement, est-ce qu'elle est difficile à maintenir ?

Non, pas particulièrement et j'en suis même sûr, car le président de groupe nous a réunis hier pour nous garantir qu'il n'y aurait pas de chasse aux sorcières et qu'on avait une liberté de vote, donc sauf à imaginer qu'on reviendrait sur ces dispositions et qu'on le ferait payer aux gens qui ont voté contre. Je n'ai pas de raison de penser que je suis dans une position inconfortable. 

Propos recueillis par Myriam Thiébaut

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