Le tribunal administratif de Rennes a désavoué le gendarme de Guingamp (Côtes-d'Armor) qui souhaitait faire annuler la sanction qui lui avait été infligée par sa hiérarchie suite aux dénonciations de "harcèlement sexuel" faites par trois de ses collègues féminines quand il exerçait à Perros-Guirec.
Ce gendarme, depuis 1998, avait été affecté à la brigade autonome de Perros-Guirec à compter de 2014. Trois ans plus tard, une plainte pénale avait été déposée contre lui par une jeune collègue de 21 ans pour "harcèlement sexuel" : l'homme l'avait questionnée peu de temps après son arrivée "sur sa vie privée". Il l'avait ensuite "invitée à boire un verre chez lui", lui faisait "des confidences sur sa vie sexuelle" de "manière crue" et avait adopté "un comportement oppressant" à son encontre.
La jeune gendarme adjointe volontaire avait aussi reçu "des compliments" sur sa manière de "porter l'uniforme", et il avait aussi "commenté ses postures". "Il recherchait le contact physique" en lui "parlant à l'oreille" ou en "l'attrapant par les épaules pour sentir son odeur". Il lui avait aussi "tapé sur les fesses avec une feuille du papier" ou lui avait encore "mis la main sur la cuisse" à "deux reprises pour la pincer" dans la voiture de service.
Deux autres collègues féminines avaient aussi dénoncé par la suite ses "comportements inappropriés", notamment le 19 septembre 2017. Dans un premier temps, le militaire s'était donc vu infliger "un blâme", mais il avait saisi le tribunal administratif de Rennes pour faire annuler cette décision. Dans un jugement en date du 19 février 2021, le tribunal administratif de Rennes avait annulé ce "blâme" : les faits étaient "établis" pour "une des plaignantes", mais cette sanction était "disproportionnée" du point de vue des juges.
"Seulement animé par une intention de réconforter"
Le 23 mars 2021, le ministre des Armées avait donc "prononcé une nouvelle sanction moins lourde" : le mis en cause avait cette fois-ci écopé de "trente jours d'arrêt" assortis d'une "dispense d'exécution" pour son "comportement inapproprié à l'égard d'une collègue".
Il s'était donc de nouveau tourné vers le tribunal administratif de Rennes pour faire annuler cette nouvelle sanction : il considérait que les "faits" qui lui étaient reprochés n'étaient "pas établis". Il n'avait par ailleurs aucun "antécédent", aucune "intention malveillante" et cette décision avait "des conséquences" sur sa situation personnelle.
Dans le Finistère, un ex-gendarme condamné pour harcèlement sexuel sur une de ses collègues
Mais "contrairement à la sanction (...) ayant fait l'objet d'une annulation (...), la sanction du 21 mars 2021 ne s'appuie pas sur les faits dénoncés par [Mme X et Mme Y]", recadre le tribunal administratif de Rennes dans un jugement en date du 6 novembre 2024 qui vient d'être rendu public.
Sur le fond, le gendarme faisait valoir qu'il avait été "seulement animé par une intention de réconforter" sa jeune collègue car elle arrivait le matin avec "les yeux rougis". Il n'admettait pas que ses "gestes protecteurs" aient pu être "mal interprétés". La jeune femme avait par ailleurs été décrite - par "un bon copain" du gendarme sanctionné - comme "une personne fragile", vivant mal "l'éloignement de sa région d'origine". Selon lui, le mis en cause n'avait adopté qu'un rôle de "grand frère".
Un "manquement fautif"
Mais "dans le cadre de la plainte qu'elle a déposée, [Mme X] a décrit en des termes circonstanciés les propos et agissements du gendarme, clairement perçus comme ambigus", objecte le tribunal administratif de Rennes. "Celle-ci s'en est d'ailleurs ouverte auprès d'un autre gendarme volontaire adjoint, qui (...) a confirmé que Mme X s'était plainte du côté "collant" et de la "lourdeur" du mis en cause". Ce gendarme adjoint volontaire avait d'ailleurs lui-même "constaté" que son collègue était "de plus en plus pressant" envers sa subalterne.
Le gendarme, lui, faisait pour sa part valoir que les accusations de la jeune femme pouvaient s'expliquer par le fait qu'elle souhaitait "obtenir rapidement une mutation dans sa région d'origine", ou qu'elles avaient été "dictées par sa hiérarchie".
Mais ces "suppositions" à partir de "situations qu'il interprète" ne sont "corroborées" par aucun élément du dossier, balayent les juges. "Les faits dénoncés par [Mme X] doivent ainsi être regardés comme suffisamment établis, alors qu'il n'est pas établi qu'à la date du présent jugement le juge pénal se soit prononcé sur leur matérialité", en déduisent-ils.
Cette "attitude inappropriée" à l'égard d'une collègue "dont il est l'encadrant" avait eu "des conséquences sur les conditions de travail" de la jeune gendarme. Ce "manquement (...) fautif" justifiait donc le prononcé d'une telle sanction, quand bien même "sa manière de servir" a, "pour le reste", donné "satisfaction".