La fin des accouchements et l'arrêt possible des urgences 24h/24. Ce sont les principales mesures qui pourraient être mises en place à partir de 2024 à l'hôpital de Guingamp. Un scénario qui apparaît dans le projet du groupement hospitalier d'Armor. Les élus locaux sont furieux. Ils accusent l'ARS-Bretagne de renier sa propre parole ainsi que les engagements pris par la ministre des Collectivités territoriales si ce projet venait à être exécuté.
"Je ressens une colère froide. Comment peut-on croire en la République quand on a des changements à 180°" lance Philippe Le Goff, le maire de Guingamp.
De son côté, Vincent Le Méaux, président de Guingamp-Paimpol Agglomération, ne mâche pas ses mots. "On s'assoit sur des enjeux humains et sociaux. Nous irons en justice s'il le faut car ce projet contrevient à l'ordre public sanitaire" prévient-il.
Le moins que l'on puisse dire, c'est que le projet médico-soignant partagé du groupement hospitalier d'Amor, à savoir la refonte des soins dans les hôpitaux de Saint-Brieuc, Guingamp, Lannion, Paimpol, Quintin, Lamballe et Tréguier, est devenu une bombe à retardement.
Le rapport qui inquiète
Ce document de 92 pages, auquel sont jointes 72 pages d'annexes, nous avons pu le lire. Il reprend les contraintes du territoire comme le vieillissement de la population, le manque d'attractivité des personnels de santé et notamment des médecins hospitaliers sur le département des Côtes-d'Armor et ses zones rurales. S'ajoutent les considérations financières où l'argent public manque de plus en plus.
Pour répondre à ces enjeux, le projet du groupement hospitalier d'Armor prévoit notamment de spécialiser les hôpitaux. Première conséquence directe : la fin des accouchements à l'hôpital de Guingamp qui assurait jusque-là 500 accouchements en moyenne par an.
La maternité devrait se transformer en centre périnatal de proximité "tout en préservant la qualité et la sécurité des soins" selon le document qui détaille également les "principales actions à mener" en amont : "Anticiper le changement et préparer l’accueil des parturientes du CH de Guingamp sur les maternités de Saint-Brieuc et de Lannion pour une prise en charge adaptée et sécurisée" ou encore "adapter les ressources et le capacitaire à l’augmentation d’activité des maternités de Lannion et de Saint-Brieuc".
Le projet mentionne aussi la possible fin de la permanence des soins avec une chirurgie 24h/24.
Des hypothèses qui font écho au rapport Rossetti du nom de l'expert missionné par l'agence régionale de santé Bretagne pour "proposer une évolution de l'offre de soins" dans les établissements qui composent le GHT d'Armor.
Il y a fort à parier qu'après Guingamp, Lannion subira le même sort de fermetures.
Fabrice DehoveSecrétaire départemental SUD Santé Sociaux des Côtes-d'Armor
"L'ARS-Bretagne et les directions administratives et médicales du GHT d'Armor déroulent le même fil depuis 2021, explique Fabrice Dehove, secrétaire départemental Sud santé des Côtes-d'Armor. Leur expert utilise les mêmes recettes que celles qu'il avait utilisées auparavant sur le territoire de Saint-Malo-Cancale." Et le syndicaliste de préciser : "Le directeur nous a confirmé qu'il n'y aura pas de recrutement de médecins ou de sages-femmes alors qu'il en manque. Tout cela c'est pour mener une opération de temps de professionnels économisé. La notion d'obligation de moyens n'est plus tenue."
Depuis cet été 2023, les opposants à ce projet ont décidé de se préparer à une bataille juridique. Les syndicats FO, CGT, SUD et FSU se sont réunis en intersyndicale et ont rejoint le comité de défense et de soutien de l'hôpital de Guingamp pour aller sur le terrain du droit.
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"Nous irons au contentieux"
Une lutte juridique que des élus entendent eux aussi mener si le projet n'est pas amendé. Pour Vincent Le Méaux, "pas question de laisser faire car c'est un non-sens en termes d'aménagement sanitaire du territoire qui regroupe 110 000 habitants."
Selon lui, il s'agit d'une "logique de gestion de la pénurie des moyens avec des contingentements financiers et humains qui sont organisés depuis toujours par la loi de financement de la sécurité sociale."
Pour se faire entendre de l'administration et de l'Etat, le président de Guingamp-Paimpol Agglomération veut aller en recours devant le tribunal administratif. "C'est pour mettre en lumière le fait que ce projet va faire perdre des chances au territoire et à sa population d'un point de vue sanitaire" souligne-t-il.
Guingamp deviendrait une annexe de Saint-Brieuc et Lannion
Vincent Le MéauxPrésident de Guingamp-Paimpol Agglomération
Pas question pour l'élu de tolérer que la suspension des actes médicaux du 26 avril au 26 juin 2023 puis prolongée jusqu'au 31 octobre 2023 soit entérinée définitivement.
Philippe Le Goff, lui, attend avec détermination la réunion qui doit avoir lieu le 27 septembre prochain avec la direction de l'ARS Bretagne et celle des différents hôpitaux et commissions médicales. Le maire de Guingamp rappelle que "l'ARS a toujours parlé de fermeture ponctuelle et qu'il n'y avait aucune raison d'y toucher. De plus, ces propos avaient été confirmés en présence de la ministre déléguée aux collectivités territoriales, Dominique Faure."
Après sa venue en Bretagne, la ministre avait d'ailleurs envoyé un courrier au maire de Guingamp, courrier que nous avons pu obtenir et dans lequel elle écrivait : "Le ministre de la santé m'a assuré qu'il s'attachait à ce qu'il n'y ait pas de fermeture de la maternité."
Je n'imagine pas que l'on donne un blanc-seing à ce projet qui doit être amendé
Philippe Le GoffMaire de Guingamp
Ce que ces élus redoutent, c'est que le projet ne place plus le site hospitalier de Guingamp en centre hospitalier de plein exercice. "On ferme chez nous pour dire qu'ensuite il faut davantage de besoins pour Lannion et Saint-Brieuc, relève, pour sa part, Vincent Le Méaux. Nous attendons l'arrêté d'organisation de l'ARS. Si le rouleau compresseur continue d'avancer, si ces hypothèses de fermeture se confirment, nous irons au contentieux."
"Aucune décision n'est arrêtée" selon l'ARS
Ce recours juridique, Fabrice Dehove, le secrétaire départemental SUD Santé-Sociaux, le regarde néanmoins avec lucidité. "Lorsque Paimpol avait vécu cette même tourmente il y a quelques années pour sa maternité, il y avait eu un recours juridique qui avait donné raison aux opposants au projet de fermeture. Mais entre-temps, les professionnels de soins étaient partis travailler ailleurs" relate-t-il.
De son côté, l'agence régionale de santé Bretagne, que nous avons contactée, indique que "la mission Rossetti a permis d'identifier différentes hypothèses de travail sur l’organisation territoriale des soins et en matière d’investissement. Depuis, les concertations ont été engagées à la fois dans le cadre des instances du groupement hospitalier de territoire et au niveau de chaque établissement. A ce stade, aucune décision n’est arrêtée. »
Si la fermeture de la maternité de Guingamp était confirmée, les futures mamans du territoire guingampais devraient se rendre soit à Saint-Brieuc ou à Lannion pour accoucher. Soit effectuer un déplacement d'une demi-heure en moyenne.