L’école au secours du gallo, "C’est important de préserver cette langue, c’est notre histoire et notre culture"

La langue gallèse, l’autre langue de Bretagne, parlée dans la partie est de la région, n’est plus utilisée aujourd’hui que par 191 000 locuteurs. En 2009, l’Unesco l’a classée comme sérieusement en danger. À la rentrée 2023, 1 500 élèves suivaient des cours de gallo à l’école, au collège, au lycée ou à l’université. L’Institut du gallo organise des formations pour que demain, les enseignants puissent transmettre la langue.

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Ce jour de septembre, le ciel est bas et gris, rien de bien folichon… mais pour en parler, Véronique Le Bris a le gallo et cela change tout.

Quand elle invite ses élèves à regarder par la fenêtre, les nuages semblent soudain plus mignons mais le vent bien plus terrible : "Il y a de la ventouse advéprée," "le vent bufe" décrit la maîtresse en faisant des grands gestes. Elle glisse dans les oreilles des petits des mots et des sons nouveaux. 

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reportage de S. Breton, B. Van Wassenhove et J.F. Barré ©France Télévisions

Un jour, il y a quelques années, une intervenante est venue à l’école pour faire une initiation au gallo. Pour Véronique, ça a été un choc ! "Je me suis dit, je connais cette langue, mais je l’avais enfouie tellement profondément que je ne savais plus que je la connaissais. "

Une langue "avalée"

"C’est l’histoire de très nombreuses personnes", se désole Kaourintine Hulaud, conseillère régionale en charge de la langue gallèse. L’école a longtemps banni les langues régionales des salles de classe. Le gallo en a terriblement souffert.

"Le gallo, langue latine, ressemble au français. À l’école, quand on parlait gallo, qu’on utilisait des expressions, on nous disait que c’était du mauvais français. On nous tapait sur les doigts, on nous mettait au coin. Les gens ont donc arrêté d’utiliser leur langue… et pire, ils en ont eu honte ! "

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Une langue sérieusement en danger 

Pour toute cette génération, il était évidemment impensable de transmettre le gallo aux enfants, cela ne pouvait que leur nuire. Alors, le cercle des locuteurs et les occasions de parler gallo se sont petit à petit resserrés. 

Selon la dernière étude menée en 2018, il ne resterait plus en Bretagne que 191 000 locuteurs, dont plus de la moitié (56%) a plus de 60 ans. L’Unesco considère la langue comme sérieusement en danger. 

En 2004, la Région Bretagne a officiellement reconnu le gallo et le breton comme langues de Bretagne. 
Un institut du gallo a vu le jour. Il propose des stages aux enseignants et aux professionnels de la petite enfance. 

Véronique Le Bris a suivi une de ces formations, (huit semaines sur deux ans). Depuis, chaque semaine, elle consacre 45 minutes au gallo. 

Eblucer les poussouz

"Ben le bonjou, coument c’est ti qe tu t’ahuches ? "demande-t-elle à un élève. "Et Hugo qe je m’ahuche, j’e 6 ans d’âge. "

Dans la classe, les CP et les CE1 adorent ce petit moment où ils chantent et jouent en gallo. 

"Le roi, il a dit qu’il fallait dire stop au gallo, du coup, on a arrêté de le parler, il commençait à partir", explique Inès. "Les gens qui parlaient le gallo, ça les rendait tristes", poursuit Aëla, "alors maîtresse elle nous apprend le gallo pour qu’il revienne."

En 2023, l’école d’Uzel a obtenu le Prix de l’avenir du gallo. 

À la rentrée 2023, 43 écoles, 7 collèges et un lycée proposaient des cours. "Cela représente 1 500 élèves, se réjouit Jérôm Bouthier, directeur de l’Institut du gallo. Et on commence à voir des enfants qui disent bonjour ou qui utilisent des petits mots au quotidien, ça nous booste ! "

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Le gallo, c’est rigolo !

En ce mois de septembre 2024, la Région Bretagne a lancé une nouvelle campagne d’affichage pour défendre le gallo. "Ils m’entraînent au bout d’la netée", "Viser la lune’la me fét pouint poûr".

On y voit des jeunes gens danser, chanter, faire la fête. "Tout l’enjeu est de montrer que le gallo est une langue moderne, intégrée dans le quotidien des Bretons", indique la Région dans son communiqué. 

"La région propose des mesures pour faire progresser le nombre de locuteurs. L’objectif est que 3 000 élèves du 1er degré apprennent le gallo en 2027 et de doubler le nombre d’étudiants à l’université de Rennes 2."

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Un risque d'uniformisation

Cette année, ils sont une petite dizaine inscrite au cours de Mickaël Genevée du jeudi soir. Ils sont étudiants en histoire, en géographie, en lettres ou en chinois… certains n’avaient jamais entendu parler du gallo et découvrent la langue et son histoire.

"J’habite à Fougères, je connaissais le Breton, mais je ne savais même pas qu’il y avait une deuxième langue dans la région, s’étonne Lola. C’est important de préserver le gallo, c’est notre histoire et notre culture. C’est bien de voir que malgré l’histoire, tout n’a pas été étouffé, c’est la multiculturalité de la France. "

D’autres ont entendu leurs parents ou leurs grands-parents caozer galo et veulent pouvoir échanger avec eux. "Faire disparaitre le gallo, c’est comme si on perdait une couleur à l’arc-en-ciel. Tout s’uniformise. On perd un monde intéressant", s'inquiète François. 

"Avair de la picoche" pour avoir du bagout, "Miaoner" pour parler avec des manières, "bassouillouz" pour désigner les beaux parleurs, chaque mot, chaque expression a son histoire.  

Tous ceux qui sont transmis donnent au gallo une chance supplémentaire de poursuivre sa route.

"Mais il faut maintenant que le gallo recommence à sortir des salles de classe, qu’il soit parlé dans la rue, au quotidien", insiste Mickaël Genévée. "C’est une langue vivante… elle doit donc vivre !!! "

Un jour peut-être… les Poussous d’aujourd’hui auront des enfants à qui ils apprendront la langue… Véronique et Mickael sèment des petites graines en espérant qu’elles vont lever et aider à sauver le gallo…

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