Journaliste spécialisé dans les faits divers et les chroniques judiciaires, Dimitri Rouchon-Borie s’est révélé dans son premier roman "Le démon de la colline aux loups" (Le Tripode) comme un auteur étourdissant de maîtrise, couronné par une douzaine de prix littéraires et même finaliste du Goncourt du premier Roman. Avec "Fariboles", il nous propose des instantanés de justice ordinaire qui disent beaucoup de nous. Rencontre à Binic (22).
"Fariboles", votre dernier livre est sorti début juin aux éditions du Tripode. Pour le journaliste judiciaire que vous êtes, quelle sorte de matériau constitue les audiences auxquelles vous assistez?
"C'est d'abord de l'humain, de très très fortes doses d'humain qui défilent, et toute la journée, on ramasse ces doses-là. Au bout d'un moment, ça fait des livres parce que les articles ne peuvent pas tout dire et ce qu'on ne peut pas dire, j'ai besoin de le mettre dans des livres."
Dans le tome précédent "Ritournelle", vous partez d’un fait divers dont vous avez couvert le procès. "Fariboles" c’est très différent, ce sont plutôt des instantanés de justice ordinaire. Comment les avez-vous choisis?
"J'ai retenu les histoires les moins sensationnelles. On n'est pas loin de l'insignifiance du point de vue de la gravité des faits. L'idée, c'était que ça résonne d'une manière un peu particulière pour nous, que ça révèle quelque chose de ce qu'on est nous, dans notre ordinaire d'être humain."
Quelle est la part de fiction dans ces récits? Vous dites « Il ne s’agit pas que la fiction vienne voler aux victimes la vérité de leur souffrance.»
"Il y a forcément quelque chose que l'on a envie de respecter absolument quand on assiste à des audiences, c'est la puissance de ce que les gens ont vécu, certains ont vu leur vie basculer, on n'a pas envie d'être irrespectueux avec ça.
Pour ce travail de littérature, de fiction, il faut que je m'empare d'une partie de ce qui est vrai, que je le déplace, que je l'emmène ailleurs. Je garde parfois juste un mot, un mot qui a vraiment été prononcé. Des fois, c'est la trame d'une histoire, ou un dialogue, et je reconstruis quelque chose autour de ça. L'idée, c'est qu'il faut qu'il y ait du vrai mais il ne faut pas qu'il n'y ait que du vrai."
Il ne s’agit pas que la fiction vienne voler aux victimes la vérité de leur souffrance.
Dimitri Rouchon-BorieFariboles (Le Tripode)
Dans vos récits, il y a souvent de la violence, souvent de l’alcool… que cherchez-vous à montrer sur ces hommes ou ces femmes qui comparaissent?
"Le tribunal, c'est le lieu où l'on juge. Ce livre tout à coup, c'est un lieu où on ne juge plus, on s'observe et on se regarde comme on est. La condition humaine."
Je l’ai dit en introduction, votre roman «Le démon de la colline aux loups» publié en janvier 2021 a été une révélation avec énormément de prix. Que change cette reconnaissance? Est-ce davantage de pression, ou davantage de confiance?
"C'est davantage de pression et de questions parce que ce n'est pas parce qu'on a écrit un livre que l'on sait ce que c'est écrire et que l'on sait ce que sait qu'être un auteur. Cela interroge l'innocence dans laquelle on écrit un premier texte. Tout à coup, ce n'est plus possible d'être dans cette innocence-là.
Est ce qu'il faut continuer à écrire? Moi, j'ai envie de continuer donc j'essaie de continuer à écrire. Je me dis qu'il n'y a qu'en continuant à écrire que je vais peut-être trouver les clés pour ne plus être trop impressionné par ce livre."
Châteaux de sable, la rubrique des jeunes lecteurs
Commençons par ce très bel album dans lequel Elodie Bouédec utilise le sable comme outil graphique, avec un résultat très original et doux à la fois… «Derrière les rochers» publié au Seuil jeunesse vous entraîne sur les traces de six enfants qui se retrouvent sur une plage bretonne, a priori très inspirée de Trégastel, chère à l’autrice. Ils organisent un cache-cache qui devient une véritable aventure onirique… C’est toute la liberté de l’été et des souvenirs inoubliables que l’on s’y forge… A lire dès 4 ans.
Et voici un autre souvenir de vacances estivales que nous proposent Aurore Nivet et Juliette Saumande publié dans le Morbihan par «les Petites bulles éditions», "Les indomptables cousines Taloche en vacances chez Papi."
Et Papi, c’est pas n’importe qui! Il a été maître d’école, chef à l’armée et dompteur de tigres blancs… Bref comme le disent les cinq cousines, «Les vacances chez lui, c’est au taquet» et elles ne vont pas être déçues du programme. Un roman graphique plein d’humour à découvrir à partir de 7 ans.
La Carte postale du libraire
Timothée Bongrain de la Librairie Curieuse, toute nouvelle adresse de Saint-Briac en Ille-et-Vilaine a choisi un roman de Giuliano Da Empoli "Le Mage du Kremlin"(Gallimard).
"Je vous propose de découvrir un roman formidable. C'est un roman en forme de confessions, on va suivre l'itinéraire de Poutine par les yeux d'un conseiller très proche, inspiré d'un conseiller réel. On va découvrir l'ascension et l'exercice du pouvoir de Vladimir Poutine, son ambition implacable de refaire la grande Russie. C'est formidablement bien écrit, bien raconté, c'est glaçant et terrifiant dans une certaine mesure."
Le livre de l'été de Dimitri Rouchon-Borie
"La trilogie Lloyd Hopkins" de James Ellroy (Editions Rivages)
"C'est le premier livre que j'ai lu de ce grand maître du roman noir américain et c'est un livre qui m'a permis de plonger dans une écriture à part à mon sens où on découvre de quelle manière l'auteur transpose ses obsessions personnelles dans l'écriture, peut être un peu pour se sauver lui-même. Un grand roman."
Le rendez-vous littéraire de "Livre et lecture en Bretagne"
Le salon international du livre insulaire de Ouessant se déroule du 13 au 16 juillet.
La 24ème édition est dédiée cette année à l’Irlande avec notamment un hommage à James Joyce.
Le programme est ici.