Sept euros pour réparer le talon de chaussures, pour recoller une semelle, 25 euros pour raccommoder une doublure de veste. Voici quelques exemples de ce qui pourrait être versé, grâce au nouveau "bonus à la réparation" des biens textiles, que prévoit de mettre en place le gouvernement dès octobre. En Bretagne, les commerçants sont réticents.
L’objectif est d’inciter les clients à faire réparer leurs vêtements ou chaussures plutôt que d'en acheter de nouveaux. Et le bonus fonctionnera un peu comme celui pour les appareils électroniques.
LIRE : Bonus réparation pour l'électro-ménager : une mise en route laborieuse en Bretagne comme partout
Il n’y aura pas d’avance de frais à effectuer. L’aide, qui ira de 6 à 25 euros, en fonction des réparations nécessaires, sera d’ores et déjà déduite du tarif. Les commerçants devront être labellisés. L’organisme Refashion recense les commerces labellisés.
C’est d’ailleurs directement sur ce site que les commerçants peuvent s’inscrire pour faire bénéficier de ce bonus. Le dispositif n’est pas financé par l’État, mais ce sont les producteurs de textile qui mettront la main à la poche.
Trop de paperasses
Le problème, c'est que les commerçants ne sont pas emballés. Pour l’instant, ils sont seulement 250 à avoir déposé leur dossier.
A Rennes, le patron du Bottier rennais, n’adhèrera pas à ce dispositif, même si, selon lui, c'est une bonne idée sur le papier. Il ne veut pas être surchargé par de nouvelles tâches administratives.
Il faudra faire des factures puis des photos avant et après les réparations pour prouver qu'on a travaillé... Si seulement ça avait pu être plus simple
Patron du Bottier rennais
Trop compliqué à mettre en oeuvre aussi pour Vanessa, couturière à l’atelier des Halles à Lannion. "L’idée est bonne, dit-elle, pour l’écologie notamment, mais je n’ai pas assez de temps pour faire mon travail, donc si c'est pour remplir de nouveaux papiers, c'est non".
Elle ajoute que l’important est avant tout d’acheter des produits de bonne qualité, les seuls qui pourront durer et pour lesquels on envisagera une réparation. "Si les vêtements sont de moindre qualité, on les jette. Il m’arrive, explique-t-elle, de faire une reprise sur un pantalon qui a coûté cinq ou dix euros. Le coût de mon travail est plus cher que le pantalon".
Des délais trop long pour être payés
Son collègue de la Cordonnerie centrale de Redon, Patrick, cordonnier depuis 30 ans, partage cet avis. Il explique qu'à Redon, "il n’y a pas d’offre de belles chaussures. Or, les personnes qui font réparer, elles ont mis un peu d’argent dans leurs chaussures. Sinon elles les jettent".
Mais la raison pour laquelle, il n'adhèrera pas au dispositif, c'est le délai pour être payé : 15 jours d’attente.
Nous avons déjà des trésoreries tendues et on ne pourra pas attendre 15 jours pour être payé
PatrickCordonnier à Redon
À la Maison de couture de Landerneau, le problème a été vite évacué : il n’y a pas d’informatique, "on n'adhèrera pas, car tout passe par internet avec le bonus réparation" constate la patronne.
Les Français jettent 700.000 tonnes de vêtements par an
Cette aide s'inscrit dans une vaste réforme de la filière textile, considérée comme l'une des industries les plus polluantes de la planète.
Pour rappel, seulement 1 % des vêtements sont recyclés. "87 % des vêtements usagers finissent à la décharge ou sont incinérés" peut-on lire sur le site du Parlement Européen.
En France, 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en 2022, soit 500.000 de plus qu'en 2021 selon l'organisme Refashion. Chaque année, les Français "jettent 700.000 tonnes de vêtements" précise Bérengère Couillard, la secrétaire d'Etat à l'Ecologie.