JUSTICE. Dans ce "coin de paradis", des opposants à la rénovation d'une ancienne crêperie

Une association s'oppose à un particulier sur la rénovation d'une ancienne crêperie située sur la presqu'île de Toëno, dans les Côtes-d'Armor. Selon les plaignants, il y aurait eu "fraude" pour obtenir les autorisations de travaux.

"Le Toëno est un site naturel où l'on peut observer la nature en toute tranquillité." Les guides touristiques sont élogieux sur ce petit coin de paradis des Côtes-d'Armor qui déchaîne les passions comme d'autres îles et presqu'îles bretonnes. La presqu'île du Toëno, à Trébeurden, est en effet le théâtre d'un bras de fer judiciaire entre une propriétaire de maison et l'association Avenir du Littoral.

Cette dernière a demandé ce jeudi 15 février 2024 à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes qui l'avait désavouée en avril 2022 dans une affaire d'autorisation de travaux de l'ancienne crêperie du Toëno obtenue soi-disant "par fraude".

Le permis de construire n'était pas "accessible" pendant les marées hautes...

La propriétaire de la maison avait été autorisée en novembre 2018 par le maire de l'époque, Alain Faivre, à installer des panneaux solaires et à isoler par l'extérieur sa maison de famille, construite en 1955 et qui a fait office de crêperie jusqu'en 1970.

Or, l'association de défense de l'environnement continue de réfuter que sa requête en justice était "tardive" : le permis de construire n'était pas "accessible" du grand public pendant une durée continue de deux mois, comme l'exige la loi, notamment lors des marées hautes.

Mais le rapporteur public lui a donné tort : le panneau était "bien visible" et affiché "à proximité d'un parking, sur un chemin accessible au public" puisqu'on voit "des bancs et des poubelles" sur les photos produites par la commune de Trébeurden. Elles montrent "clairement que des promeneurs pouvaient y accéder sans difficulté particulière : les marées hautes sont très ponctuelles", a souligné le magistrat nantais.

Une construction irrégulière ?

Avenir du Littoral estime de toute manière que Nathalie X a obtenu cette autorisation de travaux "par fraude puisqu'elle avait connaissance du caractère irrégulier de la construction existante" et qu'elle aurait "omis" de le préciser aux services instructeurs de la mairie. Elle n'avait pas non plus procédé au "changement de destination" de la bâtisse, qui avait eu par le passé une vocation "commerciale".

Mais là encore, le rapporteur public a rejeté cet argument : La propriétaire a "acquis cette propriété par donation-partage" en 2013, et l'acte notarié "ne montre pas que la maison aurait été bâtie sans autorisation".
"Le notaire a été dispensé de demander un certificat d'urbanisme",
a toutefois relevé le magistrat. "Peut-être que cette clause aurait dû inciter Madame
à la prudence, prudence dont elle n'a pas fait preuve... En dépit des doutes qui peuvent toujours subsister, l'association n'établit pas que Madame avait connaissance de ce caractère irrégulier."

"Rien au dossier"

"Rien au dossier" ne démontre par ailleurs que la maison faisait "encore l'objet d'une exploitation commerciale" à la date de l'autorisation litigieuse : "dans les années 80 ses occupants payaient une taxe d'habitation", a en effet fait remarquer le rapporteur public. Pour en avoir le cœur net, il a proposé aux juges nantais d'aller faire "une visite sur place" mais il y a "peu d'espoirs" de voir sa demande aboutir, a-t-il plaisanté.

"C'est regrettable que vous n'aviez pas diligenté une visite sur place", a souri pour sa part l'avocate d'Avenir du Littoral. "Je ne sais pas si vous connaissez la côte de Granit Rose, mais l'île Toëno, c'est une île particulièrement préservée, avec un cadre exceptionnel remarquable... C'est assez fou et assez extraordinaire qu'on puisse y créer une habitation."

Une presqu'île "source de nombreux contentieux"

"C'est par ailleurs une île, et non pas une presqu'île comme il est soutenu en défense : on y accède par l'estran, un cordon dunaire", a-t-elle dit aux juges nantais. "Cette route est empruntée uniquement par des touristes qui se permettent de se garer sur l'estran, alors que c'est interdit. Donc oui il y a un parking [près duquel a été apposée l'autorisation de travaux], mais c'est un parking sauvage !"

Mais "la presqu'île Toëno n'est tellement pas accessible que les caméras de Google Street View y viennent régulièrement", a raillé l'avocat de la commune de Trébeurden. Me Adrien Colas (Lexcap) a donc lui aussi, à son tour, invité les juges nantais à se rendre sur place car c'est une "source de nombreux contentieux". Le "changement de destination" de l'ancienne crêperie ne nécessitait par ailleurs "aucune formalité avant 1977".

"On parle uniquement d'une rénovation !"

Par ailleurs, pour l'association de défense de l'environnement, la propriétaire "ne peut feindre davantage l'ignorance sur le caractère irrégulier de ce bien familial. Le propriétaire précédent, c'était son propre père, a rappelé son avocate. Elle a dispensé volontairement le notaire de solliciter un certificat d'urbanisme car elle savait très bien qu'il allait être négatif ! À ce stade, ce n'est plus de l'imprudence."

"J'ai entendu le rapporteur public dire qu'il y aura toujours des doutes, mais en matière de fraude ça ne suffit pas : il faut des évidences... Or, dans ce dossier, il n'y a pas le début d'un commencement de preuve", a réagi Me Alan Saout, l'avocat de la propriétaire. "En outre, ce n'est pas un projet d'ampleur : on parle uniquement d'une rénovation ! Et il n'y avait pas de changement de destination à déclarer : ce n'était pas une crêperie à 100 % car la grand-mère de la cliente vendait simplement des crêpes aux touristes à titre accessoire." La cour administrative d'appel de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son arrêt dans un mois environ.

Avec PressPepper

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