La cour administrative d'appel de Nantes a revu à la hausse l'indemnisation que le centre hospitalier de Lannion devra verser à la veuve et aux enfants d'un patient décédé en 2015, après des complications médicales.
Le juge des référés du tribunal administratif de Rennes avait octroyé à la famille des sommes qu'elle jugeait insuffisantes, dans une ordonnance en date du 3 mai 2023 : 45.000 euros pour le centre hospitalier de Lannion et 9.800 euros pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
La veuve et les enfants de ce patient décédé en janvier 2015, après des complications médicales, ont donc saisi la cour d'appel administrative de Nantes pour porter cette indemnisation à 540.000 euros.
L'expert reconnaît la faute de l'hôpital
Tout commence au lendemain de Noël 2014 : le père de famille, qui est employé des pompes funèbres, est hospitalisé pour "une douleur thoracique". Les examens concluent à une "origine biliaire". Une ablation de la vésicule biliaire est donc programmée pour janvier 2015.
Cet homme de 59 ans regagne son domicile le 28 décembre mais il est de nouveau admis à l'hôpital ce jour-là, en raison de "douleurs abdominales". L'ablation de la vésicule biliaire est alors fixée au lendemain. Or, le patient continue de ressentir "un syndrome douloureux abdominal, un état nauséeux, une absence de reprise du transit et un syndrome occlusif" relate le juge.
Le 9 janvier 2015, une nouvelle opération est réalisée, mais les "douleurs importantes" persistent et un "syndrome inflammatoire de plus en plus important" apparaît. Le lendemain, soit quinze jours après son admission initiale au centre hospitalier de Lannion, c'est une "pancréatite aiguë" qui est finalement diagnostiquée.
Le quinquagénaire, qui a par la suite souffert d'insuffisance rénale, d'une "altération du bilan hépatique" et d'un syndrome inflammatoire "important", décédera dans la nuit.
Une expertise judiciaire, menée dans le cadre de la procédure, conclut que son décès est dû à "90 % aux fautes commises" par l'hôpital de Lannion et "10 % à un accident médical" indemnisable par l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM).
"Prise en charge tardive et inadaptée"
"Le juge des référés est le juge de l'évidence : il ne peut allouer aux requérants que des sommes qui leur reviennent de façon incontestable" rappelle, lors de l'audience du jeudi 25 janvier 2024, le rapporteur public à la cour administrative d'appel de Nantes. En l'occurrence, "il n'est pas contesté" que cet homme a été "victime de deux accidents médicaux aggravés par la prise en charge tardive et inadaptée" de l'hôpital.
Il est donc proposé de réévaluer les indemnisations de la veuve pour son "préjudice économique". Le défunt a en effet "collaboré de façon bénévole" au commerce de détail de son épouse avant que celle-ci ne devienne aide-ménagère auprès d'une collectivité. Juste avant son décès, cet agent funéraire parvenait aussi à "compléter ses revenus avec des travaux chez des particuliers" et des "subsides de Pôle emploi".
Surtout, les "souffrances" de ce patient ont été évaluées "à 6" sur une échelle de 1 à 7 : à partir de midi, ce 10 janvier 2015, il a présenté "une tachycardie" et "une désaturation" avant que ne soit posé le diagnostic, relève la cour administrative d'appel de Nantes dans un arrêt en date du 9 février 2024 qui vient d'être rendu public. La veille de son décès, "il avait un teint grisâtre, des doigts cyanosés et des sueurs froides" détaillent les magistrats.
Un décès annoncé "avec 10 h de retard"
L'état de santé de ce père de famille s'est "détérioré de manière foudroyante" : il était "perturbé", ne s'alimentait plus, dormait mal et souffrait "de douleurs persistantes dont certaines paroxystiques" relate la cour administrative d'appel de Nantes. Elles "n'ont pu être soulagées malgré les traitements antalgiques".
L'anxiété du malade est "prise en charge par une écoute" et "des explications données par un médecin". Le traitement "par Atarax" se révélera "peu efficace". Pour les juges nantais, cet homme a donc également "éprouvé une douleur morale du fait de la conscience d'une espérance de vie réduite".
"Lors du constat du décès à 5h50, sa famille n'a pas été prévenue" font par ailleurs observer les magistrats. Ce n'est qu'à 15h, lors d'un appel téléphonique, que son épouse est avertie d'une dégradation de l'état de santé de son mari et invitée à rejoindre l'établissement.
Le décès lui est alors "annoncé sans ménagement" lors de son arrivée à l'hôpital. Elle a "nécessairement éprouvé, du fait du caractère tardif et abrupt de cette annonce, une souffrance morale distincte de son préjudice d'affection" en déduit la cour.
89.400 euros d'indemnisation
Ironie de l'histoire, le centre hospitalier de Lannion avait aussi refusé d'indemniser les "frais d'obsèques" de ce "maître de cérémonies" d'une entreprise de pompes funèbres. Mais la facture produite par sa veuve démontre qu'ils sont "en lien strict avec le décès et l'inhumation" et qu'ils ne présentent "pas un caractère somptuaire ou excessif".
La cour administrative d'appel de Nantes a condamné le centre hospitalier de Lannion à verser 65.400 euros à cette femme pour l'ensemble de ses préjudices et l'ONIAM à 7.100 euros.
L'hôpital devra verser 24.000 euros de provision à ses deux fils, tandis que l'ONIAM leur versera 2.700 euros. Ils devront aussi prendre en charge les frais de justice à hauteur de 2.000 euros.
Pour rappel, la question de l'indemnisation définitive de la famille n'est pas encore d'actualité puisque la "requête au fond" n'a toujours pas été examinée par le tribunal administratif de Rennes, a fait savoir l'avocate de la famille lors de l'audience à Nantes.