Le tribunal administratif de Rennes va examiner, le 27 octobre 2022, l'affaire de ce joggeur retrouvé mort, en 2016, dans une vasière infestée d'algues vertes en décomposition, à Hillion. La famille pointe la responsabilité des autorités publiques et souhaite que le lien entre les algues vertes et la mort de cet homme de 50 ans soit reconnu.
"On a envie de comprendre. On attend depuis six ans. On n'a jamais eu de réponses et tout a été fait pour qu'il n'y en ait pas". A la veille de l'audience prévue ce 27 octobre 2022 au tribunal administratif de Rennes, Yann Auffray n'espère qu'une chose : que le lien entre le décès de son père et les algues vertes soit établi.
Le 8 septembre 2016, Jean-René Auffray est retrouvé mort dans l'estuaire du Gouessant à Hillion, en baie de Saint-Brieuc. L'homme, âgé de 50 ans, était parti courir, comme chaque jour. "Ce sont mes soeurs et ma mère qui l'ont découvert dans cette vasière, relate le fils. C'est un site où les algues vertes se décomposent et produisent du gaz. Il était dans cet amas de vase".
Toutefois, la famille ne fait pas le lien tout de suite. "On était dans notre chagrin, on n'a pas cherché les causes du décès" relate Yann.
"Un lieu gorgé d'algues vertes en putréfaction"
L'épouse du joggeur finit par saisir la justice, trois ans après le drame, pour faire reconnaître la responsabilité des pouvoirs publics. Trois ans, "un temps nécessaire pour nous retrouver. Rien n'était clair dans nos têtes" estime Rosy Auffray qui dit "regretter de ne pas avoir pris la décision de faire pratiquer l'autopsie immédiatement". Celle-ci a été réalisée 19 jours après la mort de son mari.
L'avocat de la famille, Me François Lafforgue, entend bien s'appuyer sur "un faisceau d'indices pour démontrer que les algues vertes sont bien à l'origine de la mort" du joggeur. "Des analyses ont été réalisées peu après au même endroit, explique-t-il. Elles démontrent que ce lieu était gorgé d'algues vertes en putréfaction et de rejets d'hydrogène sulfuré à des taux élevés". Il cite également "la mort de chiens ou de sangliers dans cette zone quelques années auparavant qui nous amène à demander que ce lien soit reconnu".
"Responsabilité des autorités publiques"
Autant d'éléments versés au dossier qui seront examinés par le tribunal administratif de Rennes. De même que sera pointée "la responsabilité des autorités publiques, indique Me Lafforgue. L'Etat n'a pas pris les mesures pour lutter efficacement contre la prolifération des algues vertes. La communauté d'agglomération et la mairie d'Hillion n'ont pas interdit l'accès à certaines zones infestées".
Un point que conteste le maire de l'époque. Mickaël Cosson estime qu'il n'y a "aucun manquement de la part de la commune". "Des mesures, nous en avons prises, affirme-t-il. L'affichage était présent et n'aurait malheureusement pas évité ce drame. Je vous rappelle que j'ai été le premier maire à fermer des plages en 2017, ainsi qu'en 2019, 2021 et 2022".
"Un pansement sur une hémorragie"
Yann Auffray, lui, attend de la justice qu'elle reconnaisse "la faute des pouvoirs publics". "Ce serait une victoire pour nous et pour tous ceux qui se battent depuis des années. Une victoire pour la vie" confie le jeune homme. Lequel dit encore que le décès de son père l'a amené à s'intéresser de plus près aux algues vertes. "Evidemment, je connaissais le problème. J'ai grandi ici, j'ai toujours vu des algues vertes, souligne-t-il. Le danger de mort, je n'en avais pas conscience puisque, dans les cas de décès d'animaux, par exemple, tout a été mis en oeuvre pour que le lien ne soit pas fait. La mort de mon père nous a obligés à regarder le problème en face".
Il veut aussi que "ce procès fasse du bruit" et mette sur la table et au grand jour "les origines de la prolifération des algues vertes". "Tant qu'on n'ira pas régler le problème à la source, il y aura toujours des algues vertes, note-t-il. Dépenser des millions pour les ramasser, c'est mettre un pansement sur une hémorragie. Cela ne sert à rien. Tout le monde le sait. Face à un système agro-alimentaire qui pèse des milliards, comment on peut lutter ?".