Certains sont symboliquement venus en tracteurs, de Corlay, pour défendre leur collège en milieu rural auprès des élus qui siègent à Saint-Brieuc. Le Conseil départemental des Côtes-d'Armor veut fermer l'établissement à la rentrée 2024. Une décision que les habitants espèrent bien ne jamais voir votée.
"Donnons-nous tous la main, sortons-en tous sereins : laissez-nous notre collège !" Sur les pancartes qui parsèment la manifestation ce lundi midi devant le Conseil départemental des Côtes-d'Armor à Saint-Brieuc, le message est clair : "Touche pas à mon collège" / "Non à la fermeture de Pier An Dall / Pour des espaces ruraux, divers, dynamiques et vivants !"
C'est précisément pour marquer leur attachement à leur territoire rural que certains d'entre eux ont pris leurs tracteurs pour se rendre à Saint-Brieuc. Une trentaine de kilomètres séparent les deux villes. Les ruraux veulent se faire entendre dans la capitale départementale.
Un collège "trop petit" ?
Les manifestants ont appris le 23 mai dernier que le Conseil départemental souhaitait fermer l'établissement à la rentrée 2024. En cause : des effectifs trop peu élevés (73 collégiens actuellement) et des travaux de rénovation trop coûteux (le Conseil départemental a estimé à près de 6 millions d'euros les travaux de réflection et d'isolation notamment).
Lire aussi : Education. La fermeture du collège de Corlay provoque colère et incompréhension
Le Département préfère à terme regrouper les élèves de Corlay et de Saint-Nicolas-du-Pélem (deux communes distantes de 8 kilomètres et toutes deux équipées d'un collège) dans un seul et nouvel établissement : "Le collège de Saint-Nicolas-du-Pélem ne compte que 83 élèves. Tous pourraient être scolarisés dans un collège neuf et attractif qui serait construit d'ici 2028 sur site, à Saint-Nicolas-du-Pélem, pour un coût de 8 à 9 millions d'euros", nous a expliqué Jean-René Carfantan, le vice-président en charge de l'éducation et de l'éducation populaire.
Sauf que les arguments avancés ne convainquent pas du tout les premiers concernés...
Service public de proximité
"Cela fait des années qu'on évolue avec entre 60 et 80 élèves, s'insugent des parents. Cela n'a jamais posé de souci, au contraire..." Dans les rangs des manifestants ce lundi midi, tous vont dans le même sens, quelque soit l'âge :
Les enfants ravis d'apprendre dans un petit établissement : " Comme c'est petit, tout le monde se connaît, on s'entraide !" a déjà témoigné Nadège. Leurs parents, bien décidés à garder ce service de proximité, défendent aussi leurs arguments : "A Corlay, on veut y habiter et être scolarisé !" clament-ils sur leurs pancartes : "Laissez-nous le privilège de venir au collège à pied !" A leurs côtés d'anciens élèves ont aussi tenu à faire le déplacement. Le collège Pier An Dall de Corlay existe depuis 1947, beaucoup de générations s'y sont relayées.
L'argument avancé par le Département sur les effectifs "stables mais faibles selon les prospectives" (pour citer Jean-René Carfantan) ne passe décidement pas. Tout comme celui qui s'appuie sur les rénovations : "Il y a un dicton qui dit : "quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage" s'agace Olivier Allain, le maire de cette commune de près de 950 habitants : "On nous invente des chiffres. Les locaux du collège sont en très bon état. Il y a eu des petits investissements, en moyenne 20.000 euros depuis 8 ans, mais nous ne réclamons rien !" poursuit le maire de Corlay.
Un choix politique ?
L'élu est d'autant plus remonté, et suivi par une majorité des habitants, que la fermeture aurait des conséquences importantes pour Corlay. "Beaucoup sont venus ici parce qu'il y a des commerces, de nombreux professionnels de santé, des interlocuteurs publics et privés, deux écoles... Et le collège est évidemment un facteur d'attractivité !" insiste l'élu qui a compté que sur les 46 maisons à vendre en 2020, toutes ont été vendues. Ici aussi le confinement a attiré de nouveaux habitants.
Le choix du département a d'autant plus de mal à passer que le Conseil a basculé à gauche lors des dernières élections de juin 2021 : "J'ai (très) mal à ma gauche" scandent certains déçus. Ils ont du mal à s'expliquer une telle décision.
Certains émettent à demi-mots des raisons politiques et notent que Corlay, appartient à la communauté de communes de Loudéac Communauté-Bretagne Centre, alors que Saint-Nicolas-du-Pélem appartient à celle du Kreiz Breizh.
Le maire de Corlay Olivier Allain fait-il les frais de ses choix politiques ? L'actuel conseiller régional "Nous la Bretagne" a été vice-président de la Région Bretagne en charge de l’agriculture et de l’agroalimentaire sous la présidence de Jean-Yves Le Drian, puis il s'est présenté aux dernières élections législatives sous la bannière de Renaissance (ex-LREM) contre Marc Le Fur (LR) et Antoine Ravard (NUPES) battu au 2nd tour...
Une chose est sûre : la fermeture du collège de Corlay n'est pas encore actée. Ce lundi 5 juin, une délégation a été reçue par la présidence du Conseil départemental des Côtes-d'Armor : sans avancée. Les opposants se donnent à nouveau rendez-vous lundi 12 juin, devant la direction académique cette fois. Avant la prochaine grosse échéance : la présentation du plan pluriannuel d’investissement des collèges qui sera étudié le 3 juillet prochain au Conseil départemental.
(Avec Nathalie Rossignol)