Leur fils s'est donné la mort au "mitard", à 18 ans, à la maison d'arrêt de Saint-Brieuc, soulignant la fragilité des jeunes détenus. Ses parents, qui veulent comprendre, s'apprêtent à saisir la justice une nouvelle fois, un an après le drame.
"Sacha n'aurait jamais dû mourir, jamais", lâche sa mère, Loriane Ait Hammou, dans la maison familiale, à Saint-Gilles-du-Mené (Côtes d'Armor), où trône en évidence sur le buffet, au milieu de peluches, le visage souriant d'un adolescent blond.
Ce dimanche 1er mai, la famille organise une marche blanche à Saint-Brieuc pour le premier anniversaire de sa disparition, entre trois lieux symboliques : la préfecture, le palais de justice et la prison où les participants procèderont à un lâcher de ballons.
Jugé en comparution immédiate en janvier 2021, le jeune homme avait été condamné à six mois de prison ferme pour "des faits de vol" commis seul et sans violences. Confronté pour la première fois à la prison pour adultes après un bref séjour dans un établissement pour mineurs, le jeune détenu devait retrouver la liberté fin juillet, selon l'avocat de la famille, Maître Etienne Noël, du barreau de Rouen.
Une lettre restée sans suite
L'avocat s'apprête à déposer dans les prochains jours une plainte contre X, avec constitution de partie civile, a-t-il indiqué à l'AFP. "Nous avons un certain nombre de griefs par rapport aux mesures qu'aurait dû prendre l'administration pénitentiaire (...) Il avait notamment été demandé qu'il soit placé sous surveillance spéciale et ça n'a pas été mis en œuvre", fait valoir l'homme de loi, engagé de longue date dans la défense des détenus.
Avant de passer à l'acte avec un liseré de couverture et un lacet, quelques jours après une première tentative de suicide, le jeune homme avait adressé une lettre au responsable de la maison d'arrêt, le "suppliant" de fractionner la peine de 21 jours de "quartier disciplinaire" (QD), la dénomination officielle du mitard, qui lui avait été infligée, selon l'avocat, pour des incidents avec ses codétenus.
Non assistance à personne en danger
"Je suis à bout, au bord du gouffre, et au bord du suicide (...) Je suis fragile d'esprit, et, là, c'est trop pour moi", écrivait-il dans son courrier que l'AFP a pu consulter. Il avait également demandé sans succès à rencontrer un psychologue. "C'est une situation de non assistance à personne en danger", accusent les parents.
"L'histoire de Sacha pose la question du placement au QD de personnes fragiles psychologiquement, a fortiori quand elles ont récemment fait une tentative de suicide", relève-t-on à l'Observatoire international des prisons (OIP).
"Le taux de suicide au QD est sept fois plus important qu'en détention normale, rappelle l'OIP, sachant que le taux de suicide moyen en détention est lui-même six fois plus important qu'en population générale".
Une enfance chahutée
Le parquet de Saint-Brieuc confirme le classement sans suite, en novembre dernier, de la première plainte, "pour infraction insuffisamment caractérisée". "A l'issue de l'enquête, aucun manquement au niveau pénal n'a été imputé à l'établissement pénitentiaire", précise le parquet.
Après une enfance chahutée, Sacha "se cherchait", raconte sa mère. Cinquième d'une fratrie recomposée de six enfants, l'enfant avait du mal à trouver sa place à l'école, puis dans la société. A tel point que ses parents avaient sollicité le juge pour enfants "vers ses 12/13 ans" pour les accompagner dans son éducation.
Alternant les allers-retours entre la maison familiale et des structures spécialisées jusqu'à sa majorité, début novembre 2020, il s'était lancé dans une formation de cuisinier et nourrissait un rêve, ouvrir son propre restaurant.