Santé. "Cela nous permet de voir dans nos angles morts". Quand l’hôpital donne la parole aux patients

Depuis deux ans, l’hôpital de Saint-Brieuc invite régulièrement les patients à venir parler de la façon dont ils ont été pris en charge dans l’établissement. L’accès, le stationnement, le soin, mais aussi les repas, l’administratif… en quelques heures, tout le parcours de soin est décortiqué, analysé, pour évidemment tenter de l’améliorer.

"Vous savez, en général, on vient rarement à l’hôpital la fleur au fusil", commence Alain. Il y a quelques semaines, son cœur s’est emballé puis brutalement interrompu.

"La vie a failli partir deux fois pour moi, et les deux fois, la vie est restée. Pas uniquement grâce à moi, grâce à eux aussi et je leur en suis reconnaissant", poursuit-il.

Quelques jours après cet accident, Alain, rétabli est de retour à l’hôpital. Dans une salle de réunion cette fois pour raconter ce qu’il a vécu et comment il l’a vécu.

"Un patient, il a besoin de compétence, de disponibilité et d’empathie, explique-t-il, et ici, on reçoit les trois. Parce qu’on est dans des situations difficiles que la vie a créé, on danse sur un fil, et on a besoin de se raccrocher à quelque chose, et le seul endroit où on peut se raccrocher, c’est dans la médecine."

Du parking à la sortie, chaque instant est scruté

Dans la salle, Jacky et Evelyne acquiescent. Ils sont eux aussi patients du service de cardiologie et ont accepté de venir témoigner de leur ressenti. Gilles Lucas, représentant des usagers de l’hôpital de Saint-Brieuc mène la discussion. Il le sait depuis longtemps, le soin commence très longtemps avant d’entrer dans le bureau du médecin.

"Parfois, un simple mot sur la convocation peut tout changer, analyse-t-il. Un terme peut faire peur à un malade, en braquer un autre, et c’est toute la relation avec le soin qui est en danger."

Gilles Lucas balaye donc tout le parcours des patients. L’arrivée sur le parking, l’accueil, la signalétique pour atteindre le service.

"Moi, quand je suis arrivée en consultation en cardiologie, je suis tombée sur les lits et les chambres des malades, témoigne Evelyne. Il n’y a pas de séparation, et ça m’a fait un choc. Je me suis dit, dans quelques heures, je serai peut-être comme eux, allongée dans un lit. Je venais pour une consultation, ça m’a fait peur."

Le personnel de l’hôpital écoute attentivement. Christine Boisbras, cadre de santé dans le service de cardiologie cherche déjà une solution.

"Tout n’est pas parfait dans la prise en charge des patients, reconnait-elle, on fait parfois des erreurs, en écoutant les patients, on souhaite les corriger."

L’administration, les relations avec la médecine de ville, ce qu’il y a dans les assiettes, le soin est fait de milliers de détails. "Et chacun a son importance", confirme Gilles Lucas. "Si vous venez à l’hôpital pour des douleurs à l’épaule et que l’opération se passe bien, vous pourrez vous réjouir d’être capable de bouger à nouveau votre bras. Mais si vous avez souffert, que vous avez l’impression de ne pas avoir été entendu, vous conserverez un mauvais souvenir de ce séjour à l’hôpital."

Le vécu des patients entendu

Il n’y a pas si longtemps, les soignants savaient et les patients patientaient ! Mais petit à petit, les choses évoluent, constate Oana Ionesco, endocrinologue à l’hôpital de Saint-Brieuc. Quand elle a fait ses études de médecine, les choses étaient très verticales. Les praticiens étaient alors très directifs.

Et puis, les soignants se sont aperçus que s’ils étaient experts en maladies, les patients étaient, eux, experts du vécu avec la maladie. Autrement dit, les médecins ont l’expertise mais les malades ont l’expérience. 

"Il faut que l’on écoute ce qu’ils ont à nous dire, poursuit Oana Inesco, pour que l’on comprenne ce que le patient attend de nous. Le lien patient-soignant est très important si l’on veut qu’il y ait une alliance thérapeutique entre nous. Si le patient n’adhère pas, il va lâcher prise, ne suivra pas son traitement et nous serons confrontés à un échec."

Un autre regard

 Les doigts de Damien Oudot, le directeur de la communication de l’hôpital de Saint-Brieuc, courent sur le clavier de son ordinateur, il prend en note toutes les remarques des patients.  

'Je ne comprends pas que mon médecin traitant n’ait pas eu le compte-rendu de mon arrêt cardiaque,  s’étonne Alain. Cela fait trois semaines, il n’a pas les informations !'

"L’avantage de ces discussions, c’est que cela nous permet de voir dans nos angles morts", détaille Damien Oudot, nous on voit les choses avec nos yeux d’hospitaliers. "Le fait d’avoir la vision des patients, leur vécu, c’est une richesse qui nous permet d’avancer".

Premiers effets

L’an dernier, l’hôpital de jour de diabétologie avait organisé des réunions-patients. Plusieurs personnes avaient évoqué la salle d’attente du service : "un lieu de passage, un peu triste".

Des travaux ont été accomplis. Désormais, un petit salon coloré a remplacé l’ancienne salle. "Les malades s’y installent pour patienter mais aussi pour discuter entre eux de leurs pathologies, de leurs vies", constate Christelle Boitard, la cadre de santé de l’unité.

"Il faut que l’on apporte des soins techniques à nos usagers, décrit-elle, mais il faut aussi que l’on soigne leur moral. L’aspect psychologique est très important."

"L’hôpital, les malades et les soignants, tout le monde est gagnant, termine –t-elle. Les patients se sentent bien, ils acceptent plus facilement les soins et donc, ils devraient très vite, se porter mieux ! "

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