Violences conjugales. A Saint-Brieuc, la Justice trouve un relais

A Saint-Brieuc, depuis septembre 2021, un centre de prise en charge pour les auteurs de violences conjugales offre une alternative à la Justice pour éviter le recours systématique aux sanctions… et surtout éviter la récidive.

Sur le parvis du palais de justice de Saint-Brieuc, un vieil homme traîne sa colère. "La Justice est foutue dans ce pays". L'objet de son courroux? Son petit-fils de vingt a été condamné à de la prison ferme pour coups et blessures sur sa compagne. 
"Aujourd'hui, le moindre coup d'un homme sur une femme se finit en prison. Quand deux hommes se tapent dessus, ça en reste là..."

On passera sur le bien-fondé des propos de ce monsieur emporté par l'aigreur. Mais ces propos nous ont amenés à pousser la porte de l'ADAJ, l’Association départementales des alternatives judiciaires, située à quelques minutes à pied du palais de justice. 

Eviter de passer par la case prison

Depuis septembre 2021, le CPCA (Centre de prise en charge des auteurs) propose d'accompagner les auteurs de violences conjugales, sur une durée de trois mois (renouvelable une fois), tant sur le plan socio-éducatif que psychologique.
L'idée est d'éviter de passer par la case "prison". 

Une alternative aux condamnations pénales

C’est un outil de plus à disposition de la Justice, qui travaille main dans la main avec l’ADAJ. "Il ne faut pas qu'il y ait un recours systématique à la condamnation, explique Marine Serrand, éducatrice sociale et l'une des dix personnes qui travaillent à l'ADAJ. Elle insiste sur le fait de porter l’effort sur l’accompagnement. D’ailleurs, cette assistance n’est pas imposée mais proposée par le procureur de la République.

"Il faut que l’auteur des violences reconnaisse les faits, appuie Aurélie Gendron, psychologue et directrice de l’ADAJ. Mais au-delà, il faut qu’il soit volontaire, il faut qu’il y ait une prise de conscience".

Dans la pratique, les personnes concernées, volontaires donc pour cet accompagnement, bénéficient de points hebdomadaires et de stages, tout au long des trois mois.

Pas de profil type

Il y a tous les âges, toutes les catégories socio-professionnelles, des chômeurs, des retraités, quelques femmes aussi. "Il n’y a pas de profil-type de ces auteurs de violences, constate Aurélie Gendron, si ce n’est que ce sont des personnes qui gèrent mal leur émotion".

Il faut les sortir de leur conviction qu’ils sont eux-même victimes. Eux pensent toujours que c’est « l’autre » qui a provoqué leur propre violence. « Vous vous rendez compte de ce qu’elle m’a fait subir ? », c’est une phrase qui revient souvent lors de nos entretiens.

Aurélie Gendron, psychologue et directrice de l’ADAJ à Saint-Brieuc

Marine Serrand estime qu’il faut commencer cet accompagnement de 4 à 6 mois après les faits. "Avant, c’est trop à chaud, ce ne sera pas efficace. Après, c’est trop loin, les auteurs de violences veulent passer à autre chose".
Cette question n’est pas qu’une simple affaire de calendrier. "Comment est-ce qu’on arrête la machine suffisamment tôt pour qu’elle ne s’emballe pas ?", appuie Aurélie Gendron.
Sur le plan social, l’ADAJ est aussi en contact avec Pôle-emploi pour accompagner les auteurs de violences conjugales par un autre biais, quand cela est nécessaire. Cette aide peut aussi concerner le logement, la parentalité, les démarches administratives.

La violence conjugale, ça se soigne

Depuis 2017, l’ADAJ propose déjà des stages de deux jours pour conjoints violents. Des stages qui font le plus souvent partie d’une composition pénale proposée par le procureur de Saint-Brieuc, Nicolas Heitz.
Là aussi, il faut que les auteurs soient volontaires. "C’est important qu’il y ait une prise de conscience, affirme Aurélie Gendron. Souvent, l’auteur est guidé par la peur, soit que son ou sa conjointe le quitte, soit d’une sanction pénale".

Un groupe de parole

D’ailleurs, le stage de deux jours est payant, 250 euros, à la charge du justiciable. Pendant ces deux jours, 8 à 10 personnes vont se réunir dans un groupe de parole. 

Ça fait du bien de ne pas se sentir seul.

un auteur de violences conjugales

C’est une phrase souvent entendue lors de ces stages, encadrées par une addictologue (60% des faits sont commis sous emprise d’alcool), une socio-éducatrice et une psychologue, qui met l’accent sur la communication dans le couple.
Ils vont alors se mettre à nu, raconter leur vie, leurs blessures, leur passage à l’acte. "La violence conjugale est généralement un débordement d’émotion. Le fait d’en parler peut éviter les récidives", explique Marine Serrand.

Après un premier tour de table, les « stagiaires » se sentent mieux car ils se rendent compte que les autres ont les mêmes difficultés. Les langues se délient. Difficile d’avoir des chiffres mais il semble que cette alternative porte ses fruits en limitant la récidive.

Des chiffres de violences conjugales en hausse dans les Côtes d'Armor

Pourtant, malgré ces efforts et ces solutions, les chiffres sont inquiétants.
Dans les Côtes d’Armor, 1500 cas ont été recensés dans le département en 2021. Un chiffre qui a doublé en trois ans.
Le département est l'un des plus touchés en France par ce fléau.

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