Ils sont commerçants, artisans, professionnels de la santé, enseignants, travaillent dans les secteurs du public ou du privé. Ils sont de générations différentes, mais partagent un point commun : tous sont d’irréductibles anti-passe sanitaire et/ou anti-vaccins. Sarah, Fanny, Patrick, Olivier… rencontre avec ces irréductibles qui mettent leur combat avant tout, même leur métier et leur confort.
Collée sur la vitrine de ce restaurant morbihannais, une affichette avec un QR code barré d’un " doigt d’honneur ". Ici, le message est clair. Pas question de vérifier le statut sanitaire des clients.
Les deux gérantes, que nous appellerons Sarah et Barbara (nom d’emprunt), sont entrées en résistance depuis la mise en place de cette obligation faite à tous les restaurateurs. "Nous estimons que nous sommes un lieu de vie, un lieu où les gens viennent pour prendre du plaisir, pour se reposer, pour déguster et non pour qu’on les trie à l’entrée" affirme Sarah, la jeune cheffe en cuisine.
"Quand Emmanuel Macron a annoncé cette mesure, ça nous a fait mal. Ça venait du cœur. Moi et ma sœur, on s’est dit qu’on ne pouvait pas mettre cela en place" complète Barbara. "Ce n’est pas humain de trier les gens. Pour nous, ce n’est pas admissible" affirme-t-elle, avec de l’émotion dans la voix. Elle ajoute : "Lors de la réouverture après le premier confinement, on avait mis en place les jauges, les plexiglass, les masques, la distanciation sociale et du produit désinfectant… et pourtant, on a dû refermer en octobre 2020. On nous a accusé de tous les maux, nous les restaurateurs, et on nous a fait beaucoup de tort. Alors maintenant, on accepte tout le monde."
Sarah et Barbara sont entrées en résistance et savent qu’elles sont hors la loi. A tout moment, elles risquent une mise en demeure, puis la fermeture administrative. Voire, en cas de récidive, un an de prison assorti d’ une amende de 9000 euros.
Mais peu importe. Pour Barbara, les choses sont claires : “Si les forces de l’ordre nous trouvent, on aura un rappel à l’ordre. On s’est dit que si c’est la cas, on n’attendra pas la fermeture administrative pour réagir. On fera de la vente à emporter, en espérant avoir le soutien de notre clientèle. Mais on ne cèdera pas.”
L’objectif du collectif, c’est vraiment la protection des droits et des libertés des enfants
Comme Barbara et Sarah, ils sont environ 10 à 15 % de la population à être hostiles au pass sanitaire, mais aussi au vaccin contre la covid. Ils sont enseignants, ouvriers, commerçants, professionnel de santé, libéral ou non... de tous milieux et de tous âges.
Ce sont eux qui ont grossi les rangs des manifestations des samedis depuis l’été dernier. C’est le cas de Fanny Haroun. Elle et son mari ont fait le choix de fermer leur restaurant dans le Golfe du Morbihan, et d’investir dans l’achat d’un food truck pour de la vente à emporter de plats indiens.
Depuis, cette franco-canadienne est aussi entrée en résistance et a même créé le collectif “enfance et liberté”, un regroupement national de parents, réunissant des associations de toute la France comme Parents 21 ou Mamans-Louves.
Ce qui l’inquiète le plus, c’est le sort des enfants avec le port du masque.
“L’objectif du collectif, c’est vraiment la protection des droits et des libertés des enfants, des mineurs” affirme-t-elle. Le regard perçant, et la colère rentrée, elle assène : “ce ne sont pas les enfants qui vont descendre dans la rue pour protéger leurs droits…Nous on est là parce que les parents sont toujours là pour protéger leurs enfants.”
Elle tient à nous citer les informations qui remontent du collectif national. “On nous a rapporté que des masques avaient été scotchés sur le visage de certains enfants. Il y a eu aussi des mots, des lignes, des punitions parce que les enfants ne portaient pas correctement le masque" affirme-t-elle. Et de citer l'exemple des cerceaux. "Les enfants avaient le droit d’enlever leur masque seulement dans les cerceaux. Fondamentalement, c’est grave, c’est très grave.”
Fanny est une mère déterminée à faire mentir certains élus. “J'ai un député qui m’a dit que notre existence allait être très très difficile. J’ai un maire qui m’a lancé que nous étions un épiphénomène. Moi, je ne comprends pas ce langage.”
Des soignants entre deux maux
Marie, elle non plus, ne comprend pas l’obligation du port du masque pour les enfants. Elle a fait le choix de ne pas se faire vacciner. Conséquence : elle a été suspendue, le 15 septembre, de son poste dans un centre de rééducation en secteur pédiatrique. Depuis, elle enchaîne les remplacements en intérim comme éducatrice spécialisée, dans les institutions de santé où le pass n'est pas obligatoire.
Pour Marie*, le port du masque par les enfants était devenu insoutenable. En évoquant son parcours, elle finit par craquer et pleurer. “Ce n’est pas humain, ce n’est pas possible. Je ne comprends pas qu’on puisse faire ça. Au travail, j’ai fait un burn-out à cause de cela. Car au boulot, voir les enfants masqués, ne plus voir leur sourire, pour moi ce n’est pas cela la vie…” Comme Marie, Rachel*, psychologue en hôpital, a été suspendue mi-septembre de ses fonctions dans le secteur de la santé. Mais elle tient à préciser : “je ne suis pas entrée en résistance. Je suis juste en accord avec moi-même.”
Mais sa suspension professionnelle reste, pour elle un traumatisme. “J’ai été sidérée… Je pensais que ma direction allait revenir vers moi en disant qu’ils avaient besoin de nous.” Elle enfonce le clou. “Qu’est ce que c’est que cette société qui, en pleine pandémie se sépare de ses soignants et ferme des lits d’hôpital. Est-ce-que si on avait un incendie général, on dirait aux pompiers de rester chez eux ?”
Rachel refuse qu'on la voie comme une "antivax" radicale, et encore moins comme une complotiste. Elle dit avoir même recommandé à des proches de se faire vacciner. “Je me bats tous les jours avec mes enfants pour leur apprendre ce qu’est le consentement. Je me bats contre le chantage à la maison. Et je ne me voyais pas répondre à ce chantage et aller me faire vacciner alors que je ne suis pas consentante.” Rachel insiste : “au vu de mon état de santé, de mes antécédents, mon choix est d’aller vers une immunité naturelle.”
Je suis vaccinée contre mon gré, donc en mon fort intérieur, je me considère toujours comme une non-vaccinée
Il y a quelques semaines, c'est le cas de Christine Hochard qui a fait les gros titres de l'actualité. Ce médecin de l'île aux Moines, dans le golfe du Morbihan, avait défrayé la chronique lorsqu'elle avait fait part de son refus de se faire vacciner. Au risque de priver l'île de son unique docteur, que l'on avait déjà eu du mal à faire venir.
Depuis, elle a reçu les deux doses pour, dit-elle, ne plus être harcelée. "Je suis vaccinée contre mon gré, donc en mon fort intérieur, je me considère toujours comme une non-vaccinée justifie-t-elle, je ne me suis pas vaccinée pour un souci de santé mais pour avoir la tranquillité.”
Aujourd'hui, son combat est destiné à soutenir les professionnels de santé qui ont été suspendus et qui, du coup, n'ont plus de revenus. “Il y a dix-huit mois, on les applaudissait. Ils allaient travailler avec des sacs poubelles" rappelle-t-elle avec des nœuds dans la gorge. "Et maintenant qu’ils restent fidèles à leurs opinions, on les méprise, on ne va pas leur donner le RSA, on ne va pas leur donner leur droit. Ce n’est pas normal.”
Patrick* lui aussi a embrassé la carrière médicale. Aujourd’hui à la retraite, cet ancien généraliste a travaillé pendant huit ans dans le service de réanimation d’un hôpital des Pays de la Loire. Il vient de rejoindre les effectifs morbihannais du collectif Réinfocovid. C'est un collectif national de soignants, médecins et scientifiques universitaires, rejoints depuis quelques mois par des citoyens. Tous affirment militer pour la mise en place "d'une autre politique sanitaire, plus juste et proportionnée” précise Patrick, qui tient à rappeler des “évidences”.
“En 2020, on n’a plus entendu parler de la grippe car il n’y avait plus que le covid. Mais de la grippe, il y en avait et on ne les a pas fuis comme si ces personnes avaient la peste noire.” Le médecin est révolté par la situation actuelle. “Aujourd’hui, la vaccination est devenue un dogme. On ne peut plus la remettre en cause ni même les médecins qui disent que c’est innocent le vaccin. Mais ça ne l’est pas.”
Il tient une position qu’il répète à l’envie. “Vacciner des personnes qui ont des comorbidités avec de vrais vaccins, qui stimulent l’immunité, je trouve cela parfaitement justifié. Mais vacciner tout le monde sans discernement, non.”
La justice en arbitre
Ces "résistants" l'affirment, ils ne rentreront pas dans le rang. Quoi qu’il en coûte. C’est le cas d’Olivier Lambert. Depuis 11 ans, il est le propriétaire du Titi, une discothèque lorientaise. Lui refuse toute injection, tout comme la mise en place du pass sanitaire. Alors depuis mars 2020, il a choisi de laisser son établissement fermé.
Plus de chiffre d’affaires ni de revenus et des frais de fonctionnement qui continuent de tomber. Mais il est déterminé. “Je ne rouvrirai pas tant qu’il y aura le pass sanitaire, quitte à perdre l’établissement" assène-t-il. "J’irai jusqu’au bout. C’est ma façon d’être, de me battre.” Comme d’autres, il a décidé d’utiliser tous les recours possibles, notamment sur le terrain de la justice.
Ce terrain, Christine* le connait bien. Cette ancienne magistrate, qui a travaillé dans les principaux tribunaux bretons, a décidé de s'investir contre la loi sanitaire qu'elle considère comme une atteinte à la liberté.
D’une voix claire et déterminée, la juriste ne cache pas son optimisme. “Je suis contente de voir déjà des débuts de résultats dans certains conseils des prudhommes" constate-elle, "ce sont des procès qui, sur le fond, seront longs. On sait qu’on n’aura pas de résultats tout de suite.”
Avec d’autres spécialistes du droit, elle travaille les dossiers pour poursuivre le combat, espérant que "les grands principes du droit seront reconnus par la Cour Européenne des droits de l’homme”. Devant le juge pénal, ajoute-t-elle, "on pourra invoquer la non-conformité des textes de loi français vis à vis des textes internationaux.”
Une stratégie judiciaire que défend Bertrand Deléon, plusieurs fois candidats aux élections locales en Bretagne. Il a été aussi celui qui a lancé les manifestations anti pass sanitaire à Vannes. “De nombreuses plaintes en justice ont été déposées à titre individuel et collectif”, fait-il remarquer, en appelant "les personnes à ne pas hésiter à écrire aux procureurs. Quand la justice est saturée, c’est qu’il y a un problème.”
Si, au tribunal administratif, certains plaignants qui avaient été suspendus de leurs fonctions ont obtenu gain de cause. L'issue judiciaire reste incertaine. Ainsi, à la mi-novembre, le tribunal administratif de Rennes décidait de geler la suspension de fonctions de deux agents de l'hôpital de Quimper, tout en indiquant que la prudence était de mise : le Conseil d'Etat pourrait tout aussi bien voir les choses différemment, et faire jurisprudence.