Depuis le 17 mars, les propriétaires bretons de locations saisonnières ne sont plus autorisés à accueillir de vacanciers. Mais à partir du déconfinement, le 11 mai, que va-t-il se passer ? Quelles conditions sanitaires, quelles autorisations ? Pour tous, c’est le flou et l’inquiétude.
Armelle Lec'hvien possède cinq gîtes sur la commune de Ploubazlanec, à quelques encablures de Paimpol, et de l’embarcadère pour l’île de Bréhat. Cela fait 30 ans tout juste que ces locations complètent le revenu de ce couple d’agriculteurs désormais en retraite. Mais évidemment, depuis le mois de mars, les annulations s’enchaînent.
Le printemps d’habitude, c’est le quart de notre chiffre d’affaires.
Même constat, à l’est du département des Côtes d’Armor, à Saint-Alban. Anne-Marie Crolais et sa fille gèrent douze gîtes autour de leur exploitation agricole. « Quand vous m’avez appelé, j’ai cru que c’était encore une annulation », m’avoue-t-elle. « Notre mois d’avril était complet, les week-ends de mai aussi, et presque juin. Le printemps d’habitude, c’est le quart de notre chiffre d’affaires ».
Véronique Le Droguen est elle-même très inquiète. Ce sont les loyers de leurs quatre gîtes qui permettent de rembourser l’emprunt contracté lors de la rénovation de ces logements situés autour de leur maison, dans un hameau sur la commune de Sulniac (56). Habituellement, les réservations estivales se confirment à partir du mois de mars. Le confinement a tout stoppé. « Nous avons obtenu un report de crédit pendant six mois, mais est-ce que cela va suffire ? » s’interroge-t-elle, angoissée.
Quel calendrier de réouverture?
Les incertitudes s’accumulent pour ces propriétaires qui, surtout, ignorent à partir de quel moment ils pourront de nouveau accueillir du public. "Nous ne savons pas quand les gens vont pouvoir revenir, ni quand ils voudront revenir. Car outre les contraintes gouvernementales, il y a aussi la peur" analyse Valérie Bergeron, propriétaire depuis quelques mois du phare de Kerbel sur la commune de Riantec (56). Sa location très haut de gamme, insolite et inédite, est d'habitude réservée la totalité de l'année ou presque. "Certains clients de proximité ont maintenu leur réservation même mi-mai, en espérant pouvoir venir. Mais d'autres ont déjà annulé des séjours fin août car leurs congés ont été avancés au printemps."
« Est-ce qu’après le 11 mai, les personnes habitant à moins de 100km pourront venir ? On n'en sait rien » se désole Anne-Marie Crolais, adhérente aux Gîtes de France. Les derniers appels qu’elle a reçu provenaient justement de résidents d’Ille-et-Vilaine. « Est-ce que comme nous sommes en zone verte, nous pourrons louer sans restriction à partir du 2 juin ? »
Le problème, c’est qu’on navigue à vue, car nous aussi nous attendons des précisions
Autant de questions sans réponse. Yann Bochet, responsable du pôle relations professionnelles de Dinan Cap Fréhel Tourisme, basé à Plancoët (22), s’attend à de nombreux appels cette semaine, juste avant le déconfinement. Les équipes en télétravail ont d’ailleurs été renforcées pour pouvoir répondre à chacun : aux candidats à un séjour sur la côte d’Emeraude, comme aux professionnels qui attendent des consignes. « Le problème, c’est qu’on navigue à vue, car nous aussi nous attendons des précisions. Comment conseiller nos professionnels quand nous n’avons, nous-même, pas les réponses. A priori, j’imagine qu’à partir du 11 mai, les locations pourront reprendre, mais dans quelles conditions ? »
Quelle charte sanitaire?
Et outre le calendrier de la reprise, l’autre question qui se pose effectivement, c’est celle du protocole sanitaire qui devra s’appliquer. Le point fort de la location de Véronique Le Droguen, c’est une piscine couverte. A 20km du golfe du Morbihan, voilà un véritable atout pour attirer les réservations. « Pourra-t-on ouvrir la piscine ? On ne sait pas. Du coup, on ne préfère pas mentir. La personne qui hier souhaitait éventuellement réserver pour cet été ne m’a pas rappelée. »
«On va garder nos distances et faire très attention. J’ai acheté des produits bactéricides. J’ai prévu d’être stricte sur les heures de départ et d’arrivée pour m’assurer d’avoir suffisamment de temps pour nettoyer chaque logement », précise Anne-Marie Crolais.
Je ne veux pas me rendre esclave si les conditions sont trop strictes
Armelle Lec'hvien attend de son côté les consignes de la plateforme dont elle dépend, Clévacances. « Que va-t-on exiger de nous ? Je ne veux pas me rendre esclave si les conditions sont trop strictes. Mais que se passerait-il si jamais un client attrapait le Covid ici ? » Anxieuse, Armelle Lec'hvien envisage même de rembourser ses éventuels locataires si les règles étaient trop draconiennes et inapplicables. « Je préfère ne pas prendre de risque et faire une année zéro. »
Y'aura-t-il des aides financières?
Anne Gallo, directrice du Comité régional du tourisme de Bretagne espère des éclaircissements d’ici la fin mai, avec la même inquiétude que les propriétaires de gîte : « Auront-ils les moyens de mettre en place les chartes sanitaires ? » Sollicitée par une centrale de réservation, elle doit faire remonter une question cruciale: « y’aura-t-il des aides financières pour ces propriétaires ? En Bretagne, c’est l’une des particularités de notre territoire, ils sont très nombreux ». La variété des statuts existants devrait rendre l’exercice très difficile.
Reste une seule certitude d’après ces propriétaires, tous ceux qui ont été confinés dans des espaces réduits aspirent aux vacances et à l’espace. « Si nous on ferme, et que les voyages à l’étranger ne sont pas autorisés, où vont-ils prendre l’air ? Il faut être solidaires ! » affirme Anne-Marie Crolais.
En attendant le retour des vacanciers, le phare de Kerbel se refait une beauté. Valérie Bergeron et sa famille ont décidé de s'y confiner, histoire d'en profiter pour y mener quelques travaux.
Nathalie Rossignol