La polémique enfle depuis quelques jours. A compter de lundi, la grande distribution va pouvoir mettre sur le marché des millions de masques chirurgicaux, des masques jusqu’ici quasi introuvables. Du coté des professionnels de santé, c’est la consternation.
 


« Les masques tombent » : c’est le titre du communiqué publié jeudi par les Ordres des professions de santé.

Médecins, pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes, pédicures-podologues, tous  se sont indignés après l’annonce d’une arrivée massive de masques dans la grande distribution.

« Aujourd’hui, la consternation s’allie au dégoût, écrivent-ils. Toute guerre a ses profiteurs. C’est malheureusement une loi intangible de nos conflits. Comment s’expliquer que nos soignants n’aient pas pu être dotés de masques quand on annonce à grand renfort de communication tapageuse des chiffres sidérants de masques vendus au public par certains circuits de distribution. »

Comment nos patients, notamment les plus fragiles, à qui l’on expliquait jusqu’à hier qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection adaptée, vont-ils comprendre que ce qui n’existait pas hier tombe à profusion aujourd’hui. 100 millions par ici, 50 millions par là. Qui dit mieux ? C’est la surenchère de l’indécence. 


Une indignation que partage Jean-François Battala, président de l’Ordre des Pharmaciens de Bretagne : « Comment la grande distribution a-t ’elle pu s’approvisionner alors que l’Etat nous disait qu’il y avait pénurie ? » Lui-même comme l’ensemble des 1400 pharmacies bretonnes a passé commande, mais il ne sait pas encore quand il recevra les précieux masques : « à compter du 7 mai nous a-t-on dit, sans plus de précisions. Et nous serons de toute façon  limités à quelques centaines de pièces, jetables ou réutilisables dans un deuxième temps ».

 



Des masques à prix coûtant

Il faut dire que la polémique enfle, car depuis quelques jours, la grande distribution n’hésite pas à communiquer largement sur ces masques qu’elle va pouvoir mettre en vente dès lundi, à prix coûtant. Plusieurs centaines de millions de masques. C’est le cas notamment d’ Intermarché.

« Depuis le début de cette crise, Intermarché se mobilise pour faire en sorte que la vie continue. Dès le 4 mai, Intermarché mettra progressivement 100 millions de masques à usage unique à la disposition de tous ceux qui vont contribuer à la reprise économique, ou qui seront sur le chemin de l’école. Afin d’organiser cette distribution de façon responsable, les masques ne seront pas en rayon. Ils seront disponibles à l’accueil du magasin sous présentation de votre carte de fidélité et de votre bon de réservation. »

Le plafond fixé par l’Etat est de 0,95 cts d’euros


Ici, il s’agit de masques à usage unique vendus en boîte de 50 au prix de 29 euros 54 soit 0,59 euros le masque (le plafond fixé par l’Etat est de 0,95 cts d’euros). Des masques destinés pour l’instant aux seuls détenteurs de la carte de fidélité qui ont reçu un mail pour réserver leur boite. « Pour tous les autres, un système de réservation sera mis en place dès le 4 mai sur notre site internet  », précise l’enseigne.

Sur les pages Facebook  de l’enseigne, les réactions  des consommateurs sont mitigées. Si beaucoup de clients confient avoir déjà réservé leur masques, d’autres s’étonnent : 
 


D'autres s'interrogent sur la notion de "prix coûtant" mais pour Olivier Dauvers, spécialiste de la consommation et de la grande distribution, il n’y a aucun doute : « Si le prix est calculé sur des bases fausses, le risque pris par l’enseigne est disproportionné. Il y a deux mois, c’est vrai, un masque chirurgical était vendu autour de 10cts d’euros pièce mais depuis, le prix a été multiplié par 6. »
 

Un prix en hausse : la loi du marché


"Ce qui s’explique par la demande très forte actuellement mais aussi par  le fait que les masques fabriqués en Chine ne viennent plus par bateau, mais par avion et que « les Chinois se font surement du beurre », ajoute Olivier Dauvers.

Quant au fait que les détenteurs de la carte de fidélité soient les premiers bénéficiaires de l’offre, le spécialiste conso y voit plutôt une façon d’organiser et de rationner la distribution afin d’éviter des files interminables de clients, lundi matin devant les grandes surfaces.


La grande distribution se défend

Pour Olivier Dauvers, il ne faut pas tomber dans le jeu des professionnels de santé, et notamment « des pharmaciens qui s’aperçoivent qu’un produit qui leur tendait les bras est convoité par d’autres ». Ce n’est pas tant la grande distribution que  l’Etat qui les a autorisés à faire des stocks qui doit être questionné.

Le groupe Carrefour qui doit distribuer 225 millions de masques jetables et réutilisables a répondu aux critiques en précisant sur son compte twitter que les commandes de masques ont bien été effectuées « dès que la réquisition a été levée par le gouvernement, fin mars. "  

Même chose du côté du groupe Leclerc qui s’apprête à sécuriser 170 millions de masques. Sur sa page Facebook, Michel-Edouard Leclerc a tenu à répondre aux critiques :
 


Quoi qu’il en soit, une pétition circule désormais sur internet « pour qu’une enquête soit menée sur le scandale des masques médicaux ». Elle a déjà recueilli plus de 27 000 signatures.





 
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