Elevage. Pourquoi y a-t-il trop de lait bio

Les éleveurs laitiers produisent beaucoup et plus que le marché du lait ne peut en absorber. Ce trop-plein crée un déséquilibre et a des répercussions sur la rémunération des agriculteurs. La Bretagne n'est pas épargnée.

Alors que le Congrès mondial de la Bio vient de se terminer à Rennes et que son parrain, Nicolas Hulot, a prôné l'inversion du modèle agricole, pour une agriculture 100% biologique, le secteur du lait bio est sous pression.

La preuve : depuis le mois dernier, la coopérative Sodiaal paye 10% du lait bio qu'elle collecte au même prix que le lait conventionnel non-OGM. Dans un courrier adressé à ses éleveurs, elle a écrit que "la ressource en lait bio a largement dépassé le cadre prévu : c'est plus de 15 millions de litres qui ont été collectés au-delà du budget". Elle a donc décidé de déclasser son lait bio et de le payer selon la grille tarifaire, entre 357 et 387 euros les 1 000 litres, au lieu de 470 à 500 euros. 

"Ce qui représente une sacrée perte financière pour tous les agriculteurs en biologique" s’alarment les Jeunes agriculteurs du Grand Ouest, dans un communiqué diffusé le 9 septembre.

 


C'est ce qui est arrivé à Christian Hascoët du Gaec du Stang, à Guengat près de Quimper. Ils sont trois associés et deux salariés, ils ont 160 vaches. Depuis cet été, il vend 10% de son lait bio au même prix que le lait conventionnel non-OGM. Pour lui, Sodiaal n'a pas le marché correspondant au volume. Il a perdu 13 euros pour 1.000 litres. Il craint que Sodiaal passe à 20% de lait bio déclassé, "c'est un bruit de couloir" dit-il. 

A la coopérative Biolait, les éleveurs ont été encouragés à réduire leur production. Parce que c'est bien le problème : aujourd'hui, l'offre est trop abondante pour les besoins du marché.

C'est le cas de la ferme de Yvon Cras. Biolait a payé 340 euros les 1.000 litres en avril, mai et juin. "La coopérative nous a demandé de maîtriser la production, explique-t-il. Nous avons le droit de maintenir, car nous sommes passés de deux associés à trois". Son fils de 29 ans a effectivement décidé de s’installer avec eux. L’an dernier, ils ont produit 180 000 litres, cette année ils devraient en produire 210 000 sur 12 mois. Ils ont 50 vaches.

Une production à la hausse difficile à absorber

S’il y a plus de lait bio, c’est parce qu’il y a plus d’exploitations à en produire. En Bretagne, il y a 730 exploitations bovines laitières bio, selon les chiffres publiés en 2020 par la Fédération nationale des producteurs de lait (FNPL). Elles ont livré 237 millions de litres de lait en 2020. Et, depuis janvier 2021, la collecte bio a progressé de 15,4%.

Cette hausse est peut-être conjoncturelle, selon plusieurs éleveurs de la région Bretagne. "Nous avons eu un climat exceptionnel pour l’herbe, de la douceur et de l’humidité tout l’été" explique Yannick Jestin, producteur de lait à Lanmeur et représentant de la FRAB (la Fédération régionale de l'agriculture bio). 

Une consommation en baisse

Christian Hascoët rappelle que le marché du lait bio est un petit marché : "il représente 1,1 milliard de litres de lait contre 24 milliards de litres de lait pour les conventionnels, c’est à peu près 4 à 5 % de la collecte française c’est donc un tout petit milieu". Pour lui, les fermes qui font de la bio sont plus grandes aujourd’hui, elles sont plus "dimensionnées, souligne-t-il, c’est une nouvelle génération de producteurs plus pragmatiques. Ce sont souvent des gens qui ont fait le tour du lait conventionnel, qui ont la compétence technique et qui ont décidé de passer à l’agriculture bio, ce qui explique les volume plus importants aujourd’hui. Le marché doit absorber tout ça."

Et dans le même temps, la consommation baisse en France. Les ventes de fromages bio ont reculé de plus de 4 %, les crèmes bio de 9,6 % et le lait bio de 8,6 % au premier semestre.

Nouvelles catégories de lait qui brouillent le consommateur

Dire que les consommateurs boudent le bio, n'est pas d'actualité. Mais de nouvelles catégories de lait ont fait leur apparition : elles grignotent le marché du bio et brouillent la communication. Des labels sont apparus ces dernières années comme le lait de pâturage, le lait de vache sans OGM, le lait équitable, les marques régionales comme Laitik ou encore le label HVE (Haute valeur environnementale). "Les cahiers des charges ne sont pas les mêmes. Dans celui de la HVE, il n'y a pas de contraintes et les produits sont moins chers" regrette Yannick Jestin. 

Les producteurs de lait bio voudraient que le marché soit régulé. "Nous sommes la danseuse des coopératives, explique Christian Hascöet. Je pense qu’il faut réguler le marché, c’est indispensable sinon chaque acteur fera ce qu’il veut".

Tous sont inquiets pour la suite. 40% des producteurs de lait bio vont arrêter dans les dix ans. Pour Christian Hascoët, le message que les coopératives font passer est très négatif auprès des jeunes.
Même son de cloche du côté du groupement de producteurs, le GAB des Côtes-d’Armor. "En 2017 et 2018, on avait plusieurs coups de téléphone d’agriculteurs qui voulaient se convertir ou s’installer en bio, en ce moment, nous en avons un... par mois" nous explique-t-on.

Aujourd'hui, Sodiaal comme Lactalis ne prennent plus de nouveaux producteurs de lait bio.

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