Festivals annulés : un coup dur psychologique et économique

Vieilles Charrues, Bobital, Art Rock, Cornouaille, mais aussi la Fête du Bruit, Kann al Loar, la liste des festivals annulés n'a sans doute pas fini de s'allonger. Un coup dur pour les organisateurs et pour les artistes mais aussi des répercussions économiques importantes dans toute la Bretagne.

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Des concerts mémorables, des délires d'artistes survoltés, la communion de milliers de festivaliers, des découvertes musicales qui font voyager, des moments joyeux de retrouvailles et de partage entre amis, des rencontres inopinées... C'est tout cela les festivals de l'été. Et cela va nous manquer...
 

Un crève-coeur


Mais pour certains, c'est surtout le fruit de longs mois de travail, d'investissement sans relâche, pour peaufiner l'organisation, concocter la programmation, étonner, enthousiasmer le public... Un crève coeur de tirer un trait, dans des conditions réglementaires et sanitaires assez floues. Avec malgré tout, un leitmotiv dans les communiqués d'annulation : la santé d'abord, la vie d'abord.

Malgré les tensions des derniers mois entre la mairie de Carhaix et les organisateurs des Vieilles Charrues, Christian Troadec a été parmi les premiers à saluer "une décision courageuse". Mais le maire de la capitale du Poher et cofondateur du festival mesure le coup dur économique que cela représente pour le Centre-Bretagne. Depuis ses débuts, il y a près de 30 ans, le festival a eu à coeur de faire travailler les entreprises locales. C'était même une des motivations des fondateurs.
 

Des répercussions économiques indéniables


Parmi les entreprises directement impactées, le brasseur carhaisien Coreff qui vend deux tiers de sa production dans les bars et dans les festivals bretons. Mais aussi des dizaines de petites PME, prestataires ou fournisseurs des Vieilles Charrues.

Deux exemples parmi d'autres :
Bret Even Services, basée à Plonevez du Faou, loue barnums et chapiteaux. "Dès le mois de juin, nous installons sur le site de Kerampuilh 10 km linéaires de bars et autres stands qui servent à la restauration et à tout le merchandising, puis il y a le démontage. Cela représente un mois de travail pour une douzaine de personnes" nous explique Jean-Christophe Coacolou l'un des gérants.

On est déjà très lourdement impactés par toutes les annulations de mariages et de réceptions, c'est vraiment dur, très dur.


Même conséquences pour le traiteur carhaisien Philippe Le Manac'h : "Notre entreprise familiale a grandi avec le festival depuis 27 ans. On sert tout l'espace VIP, cela représente environ 5000 repas sur quatre jours. Les Charrues, c'est 50 % d'un mois de juillet normal".

Mais cette année, le mois de juillet ne sera pas normal : depuis mars le traiteur a perdu 90% de son activité. "Plus que quelques plats à emporter dans notre boutique du centre-ville, le reste, les réceptions, les repas de famille, tout est annulé".
 
 

Le poids économique des Vieilles Charrues


L'association des Vieilles Charrues a fait réaliser l'an dernier par le cabinet breton GECE une étude sur l’impact économique du festival sur son territoire. Les retombées représentent plus de 18M€, un chiffre qui correspond à l’ensemble des dépenses réalisées sur le territoire, aussi bien par les festivaliers que par l’organisateur.

Le festival dépense 2M€ auprès de 261 fournisseurs locaux et les festivaliers extérieurs venus spécialement pour les Vieilles Charrues plus de 2M€ dans les commerces du Poher. Enfin, les Vieilles Charrues ont employé plus de 700 personnes dans le cadre de l’édition 2019 du festival, soit 46,7 emplois ETP dont 17,1 du Centre Ouest Bretagne. Au regard de ces chiffres, on mesure en négatif, l'impact inévitable de la crise actuelle.


Outils de cohésion sociale et de solidarité


Le Conseil Culturel de Bretagne a publié en 2016 une étude plus générale sur le poids économique de la culture en Bretagne. On y apprend, qu'avec 136 festivals, la Bretagne est la région française la plus "festive" avec un festival pour 20000 à 25000 habitants.

"Ce type de manifestations constitue la première source de revenus pour les créateurs (6,3 millions d’euros de droits, soit 29,4% du total des collectes en 2015 en Bretagne)" peut-on lire également dans ce rapport. La culture, c'est avant tout des femmes et des hommes, inspirés et généreux, qui vont être privés de tous ces moments d'expression et de partage.

Le  "Collectif des festivals" qui regroupe 20 festivals bretons a calculé un budget global de 18 Millions d'euros et recensé 69 emplois et 9 000 bénévoles en 2012. La participation de milliers de bénévoles, qui s'investissent au bénéfice de leurs associations respectives, est particulièrement développée en Bretagne. Cet été 2020 va donc représenter un manque à gagner conséquent pour les associations culturelles et sportives locales ou régionales. Et au delà du manque à gagner, ce sera un vide énorme au niveau de la cohésion sociale.
 

"Se serrer les coudes"


Inquiets de tous ces manques annoncés, le Président de la Région Bretagne Loïg Chesnais-Girard et celui du Conseil Culturel de Bretagne, Bernez Rouz, ont écrit au Ministre de la Culture Franck Riester pour lui demander "de clarifier la réglementation pour sortir de cette période d'indécision paralysante qui peut être dramatique pour les finances des acteurs culturels".

La Région a par ailleurs annoncé la création d’un fonds exceptionnel pour la vie associative, doté de 5M€, en lien avec les autres collectivités bretonnes. À Carhaix, le maire Christian Troadec a annoncé ce jeudi 16 avril que la collectivité compenserait au mieux les pertes du tissu associatif dues à l'annulation des Vieilles Charrues : "Il faut se serrer les coudes, la solidarité, c'est le maître mot, aujourd'hui, plus que jamais".
 
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