La pauvreté s'aggrave et ce sont les femmes qui trinquent le plus, alerte le Secours catholique dans son rapport annuel publié ce mardi 14 novembre 2023. Les trois quarts des bénéficiaires de l'aide du Secours catholique sont des ménages composés d'un seul adulte, surtout des mères isolées. Le point en Bretagne.
Le Secours catholique a accompagné plus d’1 million de personnes en précarité en 2022, dont plus de 400.000 enfants. En publiant son rapport annuel 2023 ce mardi 14 novembre 2023, il met en exergue un phénomène marquant : l'intensification de la pauvreté.
95% des personnes rencontrées vivent sous le seuil de pauvreté et 74 % en situation d’extrême pauvreté. Les personnes les plus impactées sont les familles monoparentales, surtout des mères isolées (à l'échelle nationale, les femmes représentent désormais 57,5 % des personnes rencontrées par l'association, contre 52,6 % en 1999). La précarité féminine a régulièrement augmenté ces dernières décennies, alors que jusqu'au début des années 2000, la pauvreté touchait de façon égale hommes et femmes.
La fréquentation à l'accueil de jour de Rennes a doublé
Un constat partagé par toutes les équipes locales et notamment à l'accueil de jour de Rennes, où la fréquentation a doublé. Au Secours catholique d'Ille-et-Vilaine, 1 personne accueillie sur 2 est une femme.
Parmi elles, 20,1% sont des femmes seules (+ 2%) et 26,1% sont des mères isolées (+ 8%). Les premières victimes de la pauvreté sont donc désormais les femmes, surtout les femmes avec enfants, et ce, tout au long de leur vie : qu’elles soient jeunes, travailleuses précaires, cheffes de famille ou encore femmes âgées.
L’effet du temps partiel, du non-accès à l’emploi et celui des carrières moins souvent complètes les pénalisent particulièrement. Et si le fait d’avoir des enfants limite le risque de vivre sans aucune ressource, il augmente celui d’être en situation d’extrême pauvreté.
Les femmes battues sont même parfois contraintes de rester dans le logement avec leur compagnon violent, faute de pouvoir se reloger ou d'avoir accès à un logement de mise en sécurité.
La précarité féminine a régulièrement augmenté ces dernières décennies, alors que jusqu'au début des années 2000, la pauvreté touchait de façon égale hommes et femmes
Le Secours catholique
À Rennes, une augmentation importante du nombre de personnes à la rue est pointée par le rapport. Le contexte de guerre dans l'Europe de l'Est et les conflits dans le reste du monde poussent des populations à s'exiler.
85% des 15-25 ans vivent sous le seuil d’extrême pauvreté
La jeunesse souffre également. 85% des 15-25 ans vivent dans un ménage sous le seuil d’extrême pauvreté. Les étudiants rencontrent des difficultés pour se loger. En situation de grande fragilité, beaucoup dorment dans des campings, des vans aménagés ou finissent même par renoncer à leurs études.
LIRE : "On ne peut plus se loger, se nourrir, se soigner". À Brest, la précarité étudiante en augmentation
Une jeune femme, croisée en train de faire ses courses dans les locaux de l'épicerie sociale brestoise du Secours catholique, témoigne : "Même en travaillant, je n'arrive pas à subvenir à mes besoins alimentaires parce que je ne gagne pas tant que ça, explique-t-elle. Avec mon travail d'aide à domicile, je gagne 700 euros par mois. Alors avec le loyer, l'assurance, les factures, le téléphone, Internet, c'est juste. C'est hyperanxiogène parce qu'on pense tout le temps à ça. Mes courses, avant, j'en avais pour 40 euros à chaque fois, maintenant c'est 80 euros. C'est démoralisant mais j'essaie de ne pas être trop négative" conclut-elle.
Très impactées aussi, les personnes à la campagne, comme les personnes âgées. Ces dernières sont fortement touchées par la crise énergétique, surtout celles qui ont de vieilles maisons avec une mauvaise isolation.
18 euros par jour pour vivre
Le Secours catholique constate que le revenu médian des bénéficiaires a diminué, tombant à 538 euros par mois en 2022. Ce montant correspond à moins de la moitié du seuil de pauvreté, estimé par l'association à 1.211 euros.
François Mandil, le délégué départemental du Secours catholique du Finistère précise : "Si le niveau de vie médian des personnes que nous suivons reste supérieur à la moyenne nationale, il diminue plus rapidement. En 10 ans, dans le Finistère, on est passé de 632 à 558 euros. (-74 euros) contre 594 à 538 au niveau national. (-56 euros)".
Avec un tel budget, les bénéficiaires disposent de seulement 18 euros par jour pour subvenir à l'ensemble des besoins du ménage, alerte l'association. Surtout, en tenant compte de l'inflation, qui affecte particulièrement les prix des produits alimentaires et de l'énergie, cela représente un recul de 7,6 % de revenus. Du fait de l'inflation, les privations portent sur des choses moins visibles, comme le chauffage ou l'alimentation.
Des arbitrages entre se nourrir ou payer ses factures
"Proportionnellement, les personnes que nous recevons dans le Finistère ont plus souvent un logement stable (73% contre 67% à l'échelle nationale), notamment parce que nous avons de plus en plus un public de personnes âgées propriétaires de logements mal isolés qui payent leurs factures et se retrouvent ensuite à ne plus pouvoir se nourrir correctement, constate François Mandil. Notre objectif est justement de pouvoir les aider sur les dettes et de les accompagner sur la réduction des charges plutôt que d'intervenir sur du distributif alimentaire".
Selon l'association, dans le Finistère, les demandes pour de l'écoute, du conseil et de l'accompagnement sont particulièrement fortes : 70% contre 55% à l'échelle nationale. On note également plus de demandes pour des aides à la mobilité (15% contre 10% à l'échelle nationale).
Les demandeurs d'emploi et travailleurs précaires sont également plus présents dans le Finistère : 37% contre 30% à l'échelle nationale. Deux éléments d'explications : moins de personnes exilées privées de droit (notamment de travailler) et plus de travailleurs et surtout travailleuses précaires en zone rurale.
(Avec Claire Louet)