Cinq mois sans eau potable au robinet. Le cauchemar de cette commune du Finistère

La commune de Berrien, dans le Finistère, vient de vivre cinq mois sans eau potable au robinet. Un véritable traumatisme pour les 900 habitants de cette commune des Monts-d'Arrée. Entre sursaut citoyen, prise de conscience et système D, une situation que personne ne veut revivre.

Cet hiver, il pleut sur la Bretagne. Il pleut sur le Finistère et sur la commune de Berrien. Ses habitants peuvent remplir leurs cuves, réservoirs et récupérateurs d’eau. Il faut dire qu’à Berrien, le sujet de l'eau est devenu sensible.  

L’eau, ce territoire rural en a manqué. Les 900 habitants de cette petite commune située sur les hauteurs des Monts-d’Arrée, viennent de vivre cinq mois sans pouvoir boire l’eau du robinet. Une expérience qui laisse des traces.

Pas d’eau potable au robinet de juillet à fin décembre 

Cette situation a été imposée par les services de l’Etat suite à un manque en eau potable disponible pour la commune entre le 28 juillet et le 23 décembre 2022. “La sécheresse, de l’hiver dernier, et de l’été avec ses très fortes chaleurs, a mis à sec les réserves de la ville. Nous avons été confrontés de plein fouet aux conséquences du réchauffement climatique” souffle Alexandre Masson, un père de famille habitant la commune.

“La commune a subi une conjonction de problèmes l’an dernier pour en arriver à la rupture en eau potable. La pire année de ma vie” assure Hubert Le Lann, maire de Berrien. “Habituellement, s’il y a un risque de manque en eau, nous pouvons nous appuyer sur la commune voisine" explique Hubert Le Lann, "mais l’été dernier, elle était également proche de la rupture. Nous nous sommes retrouvés dans une situation très limite. Nous n’avions plus assez d’eau”. 

Lire : Vidéo. A Berrien, les habitants privés d'eau potable depuis 4 mois. "On doit anticiper les prochaines pénuries"

Distribution en eau potable : 1,5 litre par jour et par habitant

La mairie a dû fournir de l’eau en bouteille à ses administrés. “Nous avons dû nous faire livrer des palettes de bouteilles d’eau potable, et mettre en place une distribution. Chaque habitant avait le droit à 1,5 litre d’eau par jour” précise le maire de Berrien, encore sous le choc. 

Les habitants de la commune ont dû se relever les manches. Pour récupérer les packs d’eau, les habitants devaient venir les chercher à la mairie. Des achats complémentaires d’eau en bouteille dans les commerces étaient possibles. 

Mais les citoyens de Berrien, et son maire, ont vu les problèmes en eau passer à l’échelon supérieur.

Car après la pénurie en eau potable due au stock quasi à sec, la commune a dû faire face à la pollution d’un point d’eau qu’elle espérait pouvoir utiliser.

Un nouveau point d’eau… pollué 

“Quand l’eau a manqué au robinet, la ville a puisé de l’eau dans une ancienne carrière. Manque de chance, elle contenait trop de arsenic” explique Alexandre Masson, par ailleurs membre du collectif citoyen créé après cet épisode. 

Effectivement, le point de puisage mis en place en urgence n’a pas permis aux habitants d’avoir accès à de l’eau potable. “Après trois jours d’une eau trop riche en arsenic, nous avons mis en place un nouveau point de puisage qui a permis de revenir sous le seuil limite en arsenic. Mais cette fois, l’eau contenait bien trop de pollution bactériologique pour être potable” précise le maire de Berrien. 

La police de l’eau du Finistère confirme cet épisode qui a imposé de ne pas pouvoir boire l’eau du robinet sur cette longue période de cinq mois.

“Cette solution de puiser l’eau dans l’ancienne carrière a été mise en place en urgence. C’était une solution de secours. L’usage de la boire a été proscrit immédiatement au vu des analyses faites en lien avec l’ARS.”

Un point de captage à sec, un autre contaminé, les communes voisines en restriction, et les finances de la commune qui ne peuvent se permettre d’acheter des gros volumes d’eau… La population a dû être résiliente. “Il a fallu faire avec ce que l’on avait, nous avons fait comme les anciens” analyse avec philosophie Alexandre Masson. 

"Cela fait prendre conscience de la chance d’avoir de l’eau au robinet” lâche-t-il. “Sans eau, on meurt. Avec de l’eau polluée, on meurt… Cela fait réfléchir sur ses pratiques”

Certains ont très mal vécu la situation. Cela a été un choc.

Alexandre Masson

Pendant ces cinq mois, les habitants pouvaient utiliser l’eau non potable du robinet pour la douche, les toilettes et le linge. “Heureusement nous avons toujours eu un peu d’eau, mais fallait mieux éviter de se laver les dents avec” précise le père de famille.

Comme beaucoup, avec ses voisins, Alexandre Masson a mis en place des solutions de débrouille. “Nous avons utilisé des récupérateurs d’eau de pluie depuis notre toiture. Il a fallu utiliser des filtres pour cette eau, afin de la rendre potable”. 

Cette expérience a été violente pour de nombreux résidents de la commune. “Au début de la restriction en eau, certains ont très mal vécu la situation. Cela a été un choc” raconte Alexandre Masson. Hubert Le Lann confirme. Il a en outre dû faire face à des critiques virulentes. “J’ai été traité de tous les noms par certains. Cela sert aussi à cela un maire”. 

“Le rationnement en eau n’était simple pour personne. Cette situation était très pénible pour des professions comme les infirmiers, ou pour les personnes âgées ou les enfants” se remémore Alexandre Masson.

“Mais très vite, une forte solidarité s'est mise en place” sourit le maire. “Le collectif citoyen a apporté son regard constructif, et chacun a fait des gestes pour économiser la ressource en eau de la commune”. Les habitants trouvaient des solutions individuelles, avec des récupérateurs d’eau. Les agriculteurs de la commune ont accepté de faire boire leurs bêtes sur une réserve d’eau d’une commune voisine. “Cela n’a pas été simple pour les éleveurs, mais ils ont vraiment aidé. En faisant boire de l’eau d’une commune voisine à leurs animaux, cela a préservé la ressource pour les citoyens”.

Une situation géographique particulière

Le manque d’eau, dans cette partie du Finistère, vient de sa situation géographique. La commune de Berrien est située dans les hauteurs des Monts d’Arrée. “Quand la pluie tombe, elle ne reste pas. Le sol ne retient pas l’eau. Les précipitations ne s’enfoncent pas assez dans les nappes phréatiques” détaille Alexandre Masson, qui suite aux difficultés d’approvisionnement en eau, fait partie du collectif citoyen sur la commune pour trouver des solutions durables.

“C’est un problème général en Bretagne. Quand au niveau national, les réserves en eau sont dues à 70% aux nappes phréatiques, et à 30 % aux rivières, en Bretagne c’est l’inverse” soupire Alexandre Masson. “Et avec les épisodes de sécheresse durant l’hiver 2022 et jusqu’à l’été 2022, l’eau des rivières et du captage communal a fondu comme neige au soleil”.

Pour protéger la ressource, chaque geste compte.

Hubert Le Lann, maire de Berrien

Pour l’élu, la commune sort de cette épreuve plus soudée et avec une prise de conscience très vive sur la ressource en eau. “Il faut économiser l’eau, c’est une priorité” assure le maire de la commune, “chaque geste compte, il faut être conscient que c’est un problème de premier plan.”    

Face à cette pénurie d’une ressource vitale, les habitants de Berrien se font lanceurs d’alerte. “Le collectif de citoyens travaille avec la mairie pour trouver des solutions concrètes pour les habitants : achats groupés de citernes pour récupérer l’eau de pluie, faire du stockage individuel. Multiplier les solutions en fonction des situations” assure Alexandre Masson. 

En lien avec la préfecture et le département du Finistère, des solutions se mettent en place pour que la commune ne subisse plus une telle situation. 

L’hiver 2023, avec son bon niveau de pluie, rassure les habitants. Et selon les services spécialisés dans la ressource en eau potable sur le Finistère : “La pluie des derniers mois a correctement rechargé les nappes de la région des Monts d’Arrée”.

Et d’ajouter : “Cependant cette période de recharge n’est pas terminée, et des pluies seront sans doute nécessaires pour maintenir un bon niveau des nappes pour l’été” temporise ce service officiel, qui sort le parapluie.

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