A Brest, bastion socialiste depuis 35 ans, des électeurs de gauche disent leur ras le bol de voir Jean- Luc Mélenchon prendre la parole et se mettre en avant. Et gênés aux entournures par la chef de file des Insoumis, ils sont prêts à voter LFI, malgré tout. Quant au maire socialiste, François Cuillandre, il ne s'est pas exprimé sur le sujet, depuis la dissolution....
"Qui ne râle pas contre Mélenchon aujourd'hui?", sourit Julie Le Goïc-Auffret en distribuant des tracts pour le candidat LFI sur un marché de Brest. Dans cette ville socialiste, les électeurs de gauche ne cachent pas leur aversion pour le leader insoumis. Mais le barrage au RN semble l'emporter.
Dans les échanges entre passants et militants, la figure clivante de Jean-Luc Mélenchon revient sans cesse, ce dimanche au marché Saint-Louis de Brest, municipalité dirigée par les socialistes depuis 35 ans. "Sur la profession de foi de Pierre-Yves (Cadalen, candidat LFI investi par le Nouveau Front populaire), il y a la photo de Mélenchon, alors ça fait râler", reconnaît Mme Le Goïc-Auffret, qui préférerait elle aussi que l'ancien candidat à la présidentielle "se taise".
On peut retirer sa photo [de Jean-Luc Mélenchon] pour le deuxième tour?
Pauline, militante socialiste
Géraldine, une fonctionnaire de 55 ans, se met en travers de la route du candidat LFI. "Je voterai bien évidemment pour vous", lui glisse-t-elle. "Mais on aimerait bien des gens plus modérés et plus neufs, comme un (François) Ruffin." Son bouquet de pivoines roses aux bras, la quinquagénaire assure que Jean-Luc Mélenchon est "quelqu'un de très bien" mais qu'il "dessert la campagne". "Vu la période, j'aurais trouvé normal qu'il se taise", dit-elle. "Dans les quartiers populaires, c'est plutôt un atout", réplique M. Cadalen.
"C'est un dictateur de gauche", s'emporte un peu plus loin Brigitte, 64 ans, un cabas à la main. "J'ai toujours été une électrice de gauche mais je peux pas blairer Mélenchon", enfonce la retraitée, qui assure avoir été "de ceux qui ont fêté la victoire de Mitterrand en 1981".
On s'en fout de Mélenchon! L'heure est trop grave
David Rioualen, militant LFI de 53 ans, un paquet de tracts à la main
"Je vais voter (Nouveau Front populaire) mais le coeur gros", finit par concéder Brigitte, avant de reprendre ses emplettes.
"Pas les extrêmes"
Dans cette circonscription qui a porté Raphaël Glucksmann en tête aux européennes (22,44%), les passants réservent un accueil généralement positif au candidat LFI, même si certains hésitent encore sur leur vote. "Avec mon mari, on ne sait pas pour quoi voter", lâche Jeanne, 72 ans, l'air grave, qui refuse de choisir entre "les extrêmes".
Je ne suis pas d'extrême gauche. Mon programme n'est pas plus à gauche que celui de Mitterrand en 1981
Pierre-Yves Cadalen, candidat Nouveau Front Populaire
Partie divisée aux dernières législatives, la gauche avait échoué à conquérir cette 2ème circonscription du Finistère à 118 voix près en 2022, face au député sortant Jean-Charles Larsonneur (non inscrit, divers centre). Cette fois, "on fait une campagne vraiment conjointe, toutes les forces de gauche sont impliquées", souligne Eugénie Cazaux, responsable de la campagne de Pierre-Yves Cadalen, en mettant en avant la présence d'élus socialistes dimanche, telle que la vice-présidente de la métropole Frédérique Bonnard-Le Floc'h. "On est là pour dire qu'il faut élire le candidat le mieux placé à gauche", explique cette dernière, des tracts à la main.
"LFI et le RN, c'est pas la même chose. L'extrême droite devrait être notre seul ennemi", appuie le conseiller départemental (PS) Kevin Faure, tout en reconnaissant une "certaine amertume" chez les socialistes bretons quant à la répartition des circonscriptions.
Le maire de Brest aux abonnés absents
Symbole de cette amertume? Le maire socialiste de Brest François Cuillandre ne s'est pas exprimé depuis la formation du Nouveau Front populaire. "Il n'y a pas de mauvaise volonté de sa part mais il a un agenda très, très chargé", avance son entourage.
(Avec AFP)