Législatives 2024. "Les vieux, ils ont peur pour leur pension", des retraités entre inquiétude et exaspération, tentés par le RN

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La santé, le pouvoir d'achat, le déclassement et une exaspération des politiques. Les retraités bretons sont bien loin des préoccupations des grandes métropoles qui votent Rassemblement national pour des questions de sécurité et d'immigration. Rencontre dans le Morbihan, où le RN a fait ses meilleurs scores en 2022.

"La politique ? Pff !" Chantal n'y croit plus. Cette jeune retraitée habite Auray dans le Morbihan. Ce matin, elle est sortie acheter trois tomates pour son déjeuner. Un peu pressée, elle accepte de répondre à nos questions. Si elle est allée voter pour les européennes "sans y croire", elle ne se déplacera pas pour les législatives du 30 juin et 7 juillet. "Du pain et des jeux. Les politiques ne représentent que leurs intérêts, les sujets importants comme la pédocriminalité, l'inceste ou encore la dette abyssale, personne n'en parle."

Comme elle, de nombreux retraités croisés ce matin semblent avoir perdu la foi. La foi en la politique, les médias, l'économie, les services publics. "Vous savez, les gens en ont marre." Cette petite phrase revient sans cesse.

"Je ne crois plus aux miracles depuis longtemps"

Un peu plus loin, Soazic sort des vieux livres de son cabas pour les mettre dans la boîte à livres en face de l'église Saint-Gildas d'Auray.  Elle aime lire et son mari regarde Cnews toute la journée. "Moi pas, mais c'est inquiétant quand même." L'immigration ? "Oui l'immigration mais les politiques surtout. Ce sont tous les mêmes. Ils promettent du changement mais c'est toujours la même chose. Des promesses, des promesses mais ils ne disent jamais comment ils vont les financer."

"Vous savez, je ne crois plus aux miracles depuis longtemps, renchérit Camille, 94 ans. Alors les promesses des différents candidats..." Il n'est plus inquiet pour son avenir. S’il entend les inquiétudes des plus jeunes, il ne comprend pas qu'ils puissent "se tourner vers les extrêmes et surtout l'extrême droite."

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De 20 à 40%, la géographie du RN

Auray est une commune de 14 000 habitants. C'est l'une des rares villes morbihannaises où le Rassemblement national n'a pas terminé en tête des suffrages exprimés. Ici, c'est le Parti socialiste (PS) qui est en tête de peu avec 21,8%. Le RN est juste derrière à 21,4%, suivi du parti présidentiel. Dans le coin, seules les communes du Golfe du Morbihan, plus aisées que le reste du département, ont résisté à la déferlante de l'extrême droite.

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Plus on monte au nord dans les terres, plus le parti de Marine Le Pen et Jordan Bardella grimpe en flèche. 21% à Auray, 27% à Brec'h, 34% à Pluvigner pour atteindre 40%, voire plus, dans certaines communes du Centre Bretagne.

"L'immigration, la sécurité ? On n'en parle jamais !"

"Vous avez vu les loyers ? Demande Annick. Même ici, à Pluvigner, les jeunes ne peuvent plus se loger. Et les vieux, ils ont peur pour leur pension." L'inquiétude pour elle c'est de voir le Rassemblement national à 34%. Plus du double du parti présidentiel Renaissance  avec 15,3% et des socialistes (14,3%). "Impensable. Les gens n'y croient plus. Il y a une morosité ambiante..."

René sort du Bar tabac, la clope au bec. Les sujets d'inquiétude à Pluvigner ? "On parle surtout des travaux et des places de parking qui vont disparaître." Et en dehors de cette discussion locale ? "Les gens sont inquiets pour leur fin de mois. Ça parle des loyers élevés, des prix de l’énergie. Ça, on en parle." Et l'immigration ? La sécurité ? "Jamais !"

Le pouvoir d'achat et cette vie "de plus en plus cher". C'est LE sujet d'inquiétude des personnes rencontrées à Pluvigner, Baud ou encore Brec'h.

"C'était plus simple de mon temps"

"Tout augmente, constate Denise, une autre retraitée de 70 ans. L'électricité et le gaz qui augmentent. Et puis on voit les loyers impossibles pour les jeunes. Cela devient vraiment difficile de se loger." Est-elle étonnée des résultats du RN à Pluvigner ? "Je ne suis pas surprise du tout. Les gens en ont marre." Ils votent pour protester sans croire aux promesses de Jordan Bardella, selon elle.

Un ras-le-bol constaté par Joël également. Tout jeune retraité, la baguette sous le bras, il discute avec les passants qu'il croise. "On n'arrive plus à joindre les deux bouts. On a des retraites pas plus hautes que le Smic. Les travailleurs ne partent plus en vacances et il n'y aura bientôt plus de classe moyenne. C'était plus simple de mon temps."

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La santé et les services publics

Le déclassement, le pouvoir d'achat et les services publics qui s'étiolent. Les retraités rencontrés sont sensibles à cette actualité régionale qui parle régulièrement des services hospitaliers à l'arrêt - ou régulés. À cela s'ajoutent les déserts médicaux, ou l'incapacité à trouver des aides à domicile.

Dans le pays d'Auray, comme ailleurs en Bretagne, les médecins généralistes ne prennent plus de nouveaux patients. Les spécialistes n'en prenaient déjà plus depuis longtemps et il faut attendre 9 à 12 mois pour un rendez-vous de dentiste.

"Une des principales difficultés que rencontrent nos aînés, c'est la perte d'autonomie", explique Fabrice Robelet, le maire de Brec'h et le président de l'association des maires du Morbihan. Les babyboomers arrivent à des âges avancés et ils tombent dans la dépendance." Pour lui, il y a un manque d'attractivité des métiers du "prendre soin" et un manque de personnel pour s'occuper des séniors. Le véritable enjeu des années à venir...

"On n’a pas les mêmes préoccupations dans nos zones rurales"

"On n’a pas les mêmes ressentis ni les mêmes préoccupations dans nos zones rurales par rapport aux grandes métropoles, développe le maire. L'Immigration, ce n'est pas un sujet ici. On ne peut pas se comparer aux grandes villes."

Pour lui, la crise des gilets jaunes avait déjà révélé les inquiétudes de la ruralité notamment sur "le désengagement des services de l'état. Les candidats du RN jouent sur cette tendance-là. Le manque de service de l'état, le pouvoir d'achat, le passage de la réforme des retraites." Le score du RN sur sa commune ? "Préoccupant mais on l'a vu venir."

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