La cour administrative d'appel de Nantes a débouté la mère et le frère d'un militaire de Moëlan-sur-Mer (Finistère), qui demandaient 600.000 € de dédommagements après la mort en 2008 de celui-ci, à l'âge de 36 ans, des suites d'un cancer qu'il aurait contracté sur les zones de combat.
Frédéric D. ,sous-officier qui a servi en ex-Yougoslavie, aux Emirats arabes unis, au Sénégal ou en Polynésie française, aurait en effet "inhalé des gaz et produits chimiques" sans être protégé par un masque, selon son avocat. Il l'aurait appris de son vivant, quatre ans avant sa mort, en lisant une "mention manuscrite" d'un médecin militaire dans son livret médical qui faisait état d'une "possible intoxication professionnelle"
Expertise autour d'une intoxication aux gaz
"Monsieur D. a été exposé directement à des armes chimiques et des émanations (...) de bombardements (...) dans les zones de combat, sans aucune protection ou avertissement", a donc répété l'avocat de sa famille devant les juges. "Sa pathologie a été diagnostiquée avec retard, alors qu'il avait des symptômes dès 1996."
Le dossier, d'abord examiné par le tribunal administratif de Rennes, avait conduit dans un premier temps à une expertise pour évaluer les préjudices des requérants afin d'avoir un avis sur le lien potentiel entre la maladie de Hodgkin du militaire et sa possible "intoxication".
Un dossier "caviardé", avec des traces de blanco
Mais ces experts mandatés par la justice avaient eu le plus grand mal à se faire communiquer les pièces du dossier, et s'en étaient plaints auprès de la juridiction rennaise : le dossier était "caviardé" par des "montages grossiers" et comportait des "traces de blanco", avait rappelé lors du procès en première instance Maître Ronan Garet, l'avocat de la mère et du frère du militaire de Moëlan-sur-Mer.
Le président du tribunal administratif de Rennes avait donc appelé lui-même le ministère des Armées pour lui rappeler ses obligations.Au final, les experts n'ont "jamais eu un dossier complet ou original", s'était agacée la rapporteure publique lors de l'audience devant le tribunal administratif de Rennes.
"Les experts nommés successivement par la juridiction des pensions puis par le tribunal administratif de Rennes n'ont pu, malgré leurs demandes, avoir accès au dossier médical détaillé (...) et n'ont pu prendre connaissance - comme au demeurant la cour - que de la seule copie du livret médical militaire", confirment les juges nantais.
Aucun lien entre la maladie et les gaz incriminés
Mais, pour le reste, "aucun lien n'a pu être établi" entre l'exposition aux gaz incriminés et le développement d'un lymphome de Hodgkin : les "multiples" expertises menées de 2008 à 2019 sont "concordantes" sur ce point, a souligné la cour administrative d'appel.
"L'exposition à de tels gaz est connue pour entraîner des problèmes aigus digestifs, cutanés, sanguins, des incidences respiratoires et des manifestations rénales, mais aucunement une surmortalité par cancer", a souligné la juridiction nantaise.
La cour administrative d'appel de Nantes écarte aussi tout "retard de diagnostic" dans la maladie du militaire. Sa famille expliquait pourtant qu'il avait été touché par des démangeaisons et un gonflement des ganglions plus de dix ans avant sa mort. Mais "ces deux manifestations, si elles peuvent avoir un lymphome comme origine, peuvent également être associées à de très nombreuses autres pathologies", ont conclu les juges nantais.