Un collectif de luttes citoyennes organise un contre-sommet des océans. Il dénonce un évènement qui n’est qu’une stratégie de communication et n’apportera aucune avancée. Au contraire il détournerait l’attention et occulterait les vrais problèmes.
« La question n’est pas de savoir ce qu’il va se passer pendant ce sommet mais qu’est-ce que cache ce sommet ? ». Pour Julien Traven, coorganisateur du contre-sommet, la réponse est claire: le One Ocean Summit n’est qu’une stratégie de communication qui n’apportera aucune avancée.
Le collectif, 'Soulèvements de la mer' organisateur du contre-sommet, estime, en effet, que ces chefs d’Etats, ONG et dirigeants de grandes entreprises se retrouvent, sous couvert de protection, pour discuter des futures opportunités économiques et écologiques offertes par les océans.
Ils dénoncent également un événement qui détourne l’attention des vrais problèmes. « L’évènement est ultra consensuel. Il évite totalement les sujets polémiques que sont notamment l’accaparement des océans par les multinationales, l’extraction minière ou la prospection gazière […] Ce sommet a été annoncé à la va vite par Emmanuel Macron alors que le sujet n’est jamais abordé dans les sommets officiels» note ce membre du collectif organisateur.
Quand la France lorgne sur les sous-sols marins
Julien Traven relève la situation paradoxale dans laquelle se trouve la France. « La France est dépendante des questions des minerais et de l’énergie et en même temps elle possède le deuxième domaine maritime mondial. Elle est donc potentiellement assise, non sur un tas d’or, mais sur un tas de nickel, de manganèse etc.
Selon le coorganisateur du contre-sommet, la France avance déjà sur ce dossier et explique qu'un rapprochement entre le ministère de la transition écologique et le ministère de l’économie a déjà commencé.
Un contre-sommet pour lutter contre l’accaparement des mers
Le collectif Les soulèvements de la mer, a donc décidé d’organiser un contre-sommet, du 4 au 6 février à Brest, où sont évoquées les questions éludées par l’évènement officiel.
Il y est question des nouveaux modes de conquête des espaces maritimes, de la surpêche industrielle, des élevages aquacoles, ou encore de pollution des océans par l’agro industrie, etc…
Catherine Le Gall, a participé aux échanges autour de la question de la privatisation des océans. Dans son livre « l’imposture océanique, le pillage “écologique“ des océans par les multinationales » la journaliste alerte sur le risque d’accaparement, qui selon elle, est double : accaparement économique et écologique.
Au niveau économique l’auteure estime que les industriels tendent à privatiser des zones entières pour y mener leurs activités comme l’extraction minière ou les énergies renouvelables. Cela amène des conflits d'usage et les pêcheurs se font écarter de leurs lieux d’activités traditionnelles, comme dans la baie de Saint-Brieuc et le projet d'éoliennes off-shore d'Iberdrola.
C’est une sorte de privatisation en faveur des multinationales
Catherine Le Gall, journaliste enquêtrice
« Mais y’a aussi des privatisations pour raisons écologiques, relève l’enquêtrice. A travers la création des aires marines protégées, qui vont exclure les activités de pêche et vont amener le développement de tourisme dit écologique il y’a privatisation d‘un espace en faveur de l’industrie touristique et à la défaveur de la pêche traditionnelle.
Les pêcheurs toujours accusés d'affaiblir la ressource contrairement aux pollutions, absentes des débats
Originaire de Penmarc'h (29), Catherine le Gall a pris pour point de départ de son enquête, ce qu’il se passe à côté de chez elle. « Les marins du Guilvinec sont jugés responsables par les ONG environnementales d’être les principaux responsables de la disparition de certaines espèces, et je me suis interrogée sur la réalité de ces accusations. [...] Bloom ou Sea Shepherd accusent les marins de capturer des dauphins et d’être à l'origine de leur disparition et de la détérioration des stocks halieutiques. Cela nous empêche de braquer les projecteurs ailleurs, notamment à terre. » raconte-t-elle sur le plateau d’Intelligence économique de France 24.
Dans son livre, Catherine Le Gall s’est notamment intéressée aux pesticides et montre la manière dont le modèle d’agriculture intensive a des répercussions sur l’écosystème marin. « Les pesticides ont un impact sur le plancton qui détériore leur qualité et favorise le développement de planton toxique. Les mammifères et les écosystèmes marins n’ont plus de quoi se nourrir donc cela a un impact sur le stock halieutique puisque le phytoplancton est à la base de la chaine alimentaire ».
Invitée de notre journal, samedi 5 février, la journaliste conclut « il faut réguler de manière plus forte les industries polluantes à terre, et réfléchir à nos modèles de production et de consommation pour protéger les océans. Il faut un débat démocratique sur le sujet ».
A voir sur le même sujet, le film documentaire Océans : la voix des invisibles de la réalisatrice Mathilde Jounot.