C'est une étude dont le résultat ne passe pas inaperçu : l'océan stockerait plus de CO2 que prévu par le biais du phytoplancton. 15 milliards de tonnes de carbone par an seraient ainsi absorbées, révèle le chercheur breton qui a participé à ce travail réunissant également des scientifiques chinois et américains.
Depuis la publication de l'étude scientifique dont il est le coauteur, Frédéric Le Moigne passe beaucoup de temps au téléphone pour expliquer comment et pourquoi l'océan stocke, par le biais du phytoplancton, plus de carbone que ce qui avait été jusqu'à présent estimé. "On est à 15 gigatonnes par an, indique le biologiste marin. Le dernier rapport du Giec (groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, NDLR) tablait sur environ 11 gigatonnes".
15 gigatonnes représentent 15 milliards de tonnes soit l'équivalent de la production de CO2 de la Chine et des Etats-Unis réunis.
Neige marine
Le chercheur du LEMAR, le laboratoire des sciences de l'environnement marin de Plouzané, près de Brest, a participé à ce travail de recherche aux côtés de scientifiques chinois et américains. Les résultats, qui viennent d'être publiés dans la revue Nature, sonnent comme "une avancée solide" car, précise Frédéric Le Moigne, "les estimations manquaient de précisions".
Le phytoplancton, qui vit à la surface des mers, capte le CO2 qu'il transforme en matière organique par photosynthèse. Une partie de ce phytoplancton meurt et coule vers le fond de l'océan sous forme de neige marine riche en carbone. Celle-ci va se sédimenter et séquestrer le CO2 "pour des dizaines de milliers d'années". C'est ce qu'on appelle la pompe à carbone biologique.
Ce long et lent processus ne contrebalance toutefois pas l'augmentation des émissions de CO2, ainsi que l'explique le biologiste brestois. "Mais, dit-il, cette étude renforce l'importance de l'écosystème océanique. Dans un contexte de réchauffement climatique, cette pompe à carbone biologique liée au phytoplancton pourrait ne plus remplir son rôle. On aimerait que les courbes d'émissions de CO2 descendent, mais elles ne descendent pas. On n'en prend malheureusement pas le chemin au niveau mondial".
Prochaine étape : les grandes profondeurs
Pour mesurer et estimer des flux de neige marine, l'équipe de chercheurs s'est appuyée sur les données collectées par les navires océanographiques. Frédéric Le Moigne s'est plongé dans cette immense banque d'information sur la concentration de carbone dans les océans que des mathématiciens chinois et américains ont ensuite passé à la moulinette d'un simulateur numérique. "Ce qui a permis de reconstruire les flux de manière globale et d'établir des prédictions, détaille le chercheur du LEMAR. Ce qui est intéressant, avec ce procédé de simulation, c'est que l'on a pu couvrir des régions où les mesures étaient imprécises".
Les flux de neige marine ont été évalués sur quelques centaines de mètres. La profondeur moyenne de l'océan étant de 3.800 mètres, que se passe-t-il après ? Quelle quantité de carbone arrive réellement jusque-là ? "D'autant que la neige marine est tout bêtement consommée par les poissons et autres organismes marins, rappelle le biologiste. On n'a pas encore la technologie pour estimer les grandes profondeurs. Ce sera la prochaine étape" ajoute-t-il.