Les agriculteurs Bretons expriment leur détresse et frustration face au manque de clarté concernant les règles d'indemnisation et la lenteur administrative. “Nous sommes sans réponses, c’est terrible de rien savoir” lâche un exploitant du Finistère.
Cela devait être réglé “au plus vite” avait promis le président Macron lors de sa visite dans le Finistère au lendemain de la tempête Ciaran. “Pas de trou dans la raquette pour l'indemnisation” avait assuré le ministre de l’agriculteur en constatant les dégâts importants. Plus d'un mois après les promesses, pour les agriculteurs Bretons, le compte n’y est pas.
“Ce n’est pas un trou dans la raquette, c’est que la raquette elle n’a pas de tamis !”
Jean-Hervé Caugant. Agriculteur bio et président de la chambre d'agriculture du FInistère
“Ce n’est pas un trou dans la raquette, c’est que la raquette elle n’a pas de tamis !” essaie de sourire Jean-Hervé Caugant. L’agriculteur bio installé à l’entrée de Crozon fait partie des 2154 exploitants agricoles de Bretagne dans l’attente d’une réponse sur les aides promises par le Président et le ministre de l’agriculture. L’annonce a été faite le 15 novembre, un fonds de 80 millions d’euros pour les agriculteurs sinistrés en Bretagne, Normandie et Hauts-de-France est promise.
“Nous sommes à bientôt deux mois après la tempête et je ne sais toujours rien sur cette aide, c’est terrible de ne pas savoir” s’alarme l’agriculteur qui tient l’exploitation avec son fils. Ce 11 décembre, Jean-Hervé attend un expert pour les dégâts causés par les vents violents sur son hangar. “Il a implosé. Toute la charpente est à changer”. Les frais sont estimés entre 170.000 et 200.000 euros. L’expert va étudier la vétusté du bâtiment pour savoir combien l’assurance va prendre en charge. “On va savoir si on doit mettre 150.000 euros de notre poche, 100.000, ou moins. Et nous n’avons pas que ça comme dégâts”.
Près de deux mois après la tempête et les dégâts,je ne sais toujours rien. C’est terrible de ne pas savoir”
Jean-Hervé Caugant
Jean-Hervé Caugant sait que le moral des agriculteurs du Finistère est très lourdement touché. L’exploitant est le président de la chambre d’agriculture de son département. “On a appelé les agriculteurs du Finistère. Près de 70% des agriculteurs ont des dégâts et certains sont très conséquents. Si les aides ne tombent pas, certains vont jeter l’éponge”.
Le moral des agriculteurs est touché
Pour les éleveurs, voir leurs animaux sans protection sous les pluies violentes de ce mois de décembre est plus que pénible “Pas possible de faire réparer sans aide, les sommes sont trop conséquentes” alertent Jean-Hervé Caugant. “En attendant, les animaux peuvent tomber malades”. Les exploitants ont besoin de concret. “On veut savoir où déposer un dossier. À qui ? Quand ? Quelles seront les règles ? Doit-on présenter des devis, des factures ? Quels sont les montants ? Qu’en est-il des serres froides non assurées ?"
Le représentant des agriculteurs du Finistère se pose ces questions. Les agriculteurs de son département aussi. Et ceux des Côtes d’Armor, deuxième départment le plus touché, également.
C’est le flou artistique.
Didier Lucas, exploitant et président des agriculteurs des Côtes d'Armor
“C’est le flou artistique” lâche Didier Lucas, agriculteur près de Saint-Brieuc. “Les maraîchers doivent remettre en culture maintenant pour récolter le printemps prochain, ils peuvent perdre une récolte” précise celui qui est président de la chambre agricole des Côtes d’Armor.
“Nous n’avons aucune idée des montants d’indemnisation… Le Président Macron avait promis que cela allait être rapide… Ce n’est pas tout à fait le cas, on attend toujours les aides” soupire l’exploitant.
Lire : Tempête Ciaran. Pourquoi l'état de catastrophe naturelle n'est-il pas reconnu en Bretagne
Sans réponses du gouvernement, les agriculteurs s’inquiètent des règles d’indemnisation. Une règle européenne interdit les entreprises agricoles à bénéficier de plus de 7.000 euros d’aides par an. “Si cette règle est appliquée, beaucoup vont perdre bien plus” analyse Didier Lucas.
L’agriculteur a appris que l’aide des 80 millions pour les trois régions Bretagne, Normandie, Haut-de-France avait été validée par l’Europe. “Mais depuis, c’est à l’arrêt”.
Pour les agriculteurs Bretons l’incompréhension est grande. Des promesses d’aides financières mais pas de concret. “C’est paradoxal” s’alarme le Costarmoricain, “d’un côté on revendique une souveraineté alimentaire et de l’autre on n’aide pas les exploitants à conserver leurs exploitations”.