Les skippers du Vendée Globe entrent dans une zone dense en icebergs. Le satellite est l'unique moyen pour les surveiller. Depuis la station vigisat de CLS basée à Plouzané, les analystes-radar scrutent, jour et nuit, leurs écrans, étudient les images reçues pour sécuriser le parcours des bateaux.
Un tubulaire de près de 150 kilomètres de long, en mouvement sous la Géorgie du Sud. "Il progresse d'Est en Ouest", explique Jimmy Viard qui garde un oeil sur ce plus grand iceberg du monde. L'A68 menace de se fragmenter et de laisser sur son passage des morceaux de glace pouvant atteindre 1000 mètres de long. Alors pas question pour cette analyste-radar brestois, chargé de surveiller des icebergs pour le Vendée Globe, de le lâcher d'une semelle. "Ce qui veut dire qu'il va falloir être particulièrement vigilant quand les bateaux vont sortir du Cap Horn".
La zone d'exclusion de l'Antarctique
C'est l'entreprise toulousaine CLS (Collecte Localisation Satellite) qui, tous les quatre ans, opère cette surveillance, depuis sa station vigisat basée à Plouzané dans le Finistère. Ici, quatre analystes-radar vont se relayer tout au long de la course.
Le travail de ces experts est crucial et commence bien en amont du Vendée Globe. "On y est depuis juin, explique Jimmy Viard. On regarde ce qui se passe dans les mers du Sud, pour savoir où sont les risques. A partir de ces observations, on établit une première version de la zone d'exclusion de l'Antarctique (ZEA) que l'on fournit à la direction de course".
Cette ZEA est une ligne virtuelle qui entoure le cinquième continent. Les marins n'ont pas le droit de la franchir. Elle leur permet de naviguer en toute sécurité, là où le risque de croiser un iceberg est minime. Elle n'est pas fixe car, selon les alertes des analystes-radar, elle peut être réajustée. La preuve il y a quelques jours avec l'apparition d'icebergs dans l'archipel de Crozet, au sud-ouest de l'océan Indien.
#VG2020 La Zone d'Exclusion Antarctique (ZEA) a récemment été relevée suite à des possibles présences d'#icebergs autour des Iles Crozet. pic.twitter.com/RUcg8e2J00
— CLS Group (@CLS_Group) December 3, 2020
"C'est rassurant"
Ces Îles Crozet, Thomas Ruyant, actuellement troisième au classement, s'apprête à les traverser. "Je fais route vers la ZEA, explique-t-il en direct de son bateau. Et c'est rassurant de savoir qu'il y a des gens derrière qui veillent sur ces icebergs à la dérive. Cela permet de rester concentré sur le reste".
De son côté, Alexia Barrier n'en est pas encore là mais elle reconnaît que "disposer de toutes ces informations est un facteur clef pour notre sécurité. Je n'ai jamais vu d'iceberg en vrai. Un jour, oui j'adorerais en voir mais pas sur cette course" sourit-elle avant de couper la liaison et de reprendre sa navigation.
"Deux océans d'avance sur le leader"
A des milliers de kilomètres des terres australes, Jimmy Viard explique que les analystes finistériens ont "deux océans d'avance sur le leader de la course. On va attaquer l'analyse des images pour le Pacifique". Des images fournies par un satellite altimétrique qui d'ordinaire mesure la hauteur des mers et qui est détourné de sa fonction pour la surveillance des icebergs. Cette technologie, propre à CLS, permet de "resserrer les mailles du filet" et de détecter les blocs de glace qui dérivent à une vitesse d'un noeud par heure.
Sur les écrans, ces murs de glace peuvent avoir la taille d'un petit pois. "On a parfois aussi des fausses alertes dans les endroits où la mer est formée car les crêtes de vagues ou de déferlantes peuvent avoir l'aspect d'un iceberg".
Toutes les données recueillies sont envoyées aux skippers. Les analystes de Plouzané étudient chaque jour la route des bateaux. Ils sont en contact permanent avec la direction du Vendée Globe. Si un voilier entre dans la ZEA, il est immédiatement rappelé à l'ordre. "C'est arrivé il y a quatre ans, se souvient Jimmy Viard. On savait précisément la position à laquelle il était entré dans la zone. Il a dû faire demi-tour et en sortir par le même chemin".
Cohorte de glace
Au total, ce sont pas moins de 300 images fournies par quatre satellites qui vont être scrutées et décortiquées par les yeux aiguisés de ces experts. "On sécurise le parcours du premier jusqu'au dernier bateau".
D'ici Noël, ils vont à nouveau pointer sur le Cap Horn. L'A68 est leur bête noire. "Sa trajectoire peut évoluer au gré des vents et des courants. On va le pister car s'il se disloque, il va produire des tas de morceaux qu'on appelle 'growler' ". Une cohorte de glace, le pire cauchemar des navigateurs... et des quatre analystes vissés à leurs écrans écrans jour et nuit.