Francisation des noms de lieux en Bretagne: « c’est la destruction d’une culture »

Disparition de noms de lieux en breton dans certaines communes, création de nouveaux noms de rue en français, sans lien avec le cadastre... Le mouvement culturel breton s’insurge contre ce que certains nomment « un ethnocide ». Une manifestation est prévue samedi midi à Telgruc (29).
 

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"Cela ressemble à du bolsosnarisme à peine déguisé". Nolwenn Korbell ne mâche pas ses mots. Lors d’une conférence de presse organisée lundi à Quimper - voir le reportage ci-dessous -, la chanteuse et comédienne a comparé le phénomène de francisation de noms de lieux bretons aux incendies qui ravagent en ce moment la forêt amazonienne au Brésil, conséquence de la politique du président Jair Bolsonaro. "Je vois dans cet endroit du monde, des gens brûler une forêt pour faire table rase et y implanter autre chose. Débaptiser des noms de lieux bretons pour y mettre des noms de rue en français, c’est comme si l’on brûlait une forêt linguistique et culturelle". 

L’artiste se dit "triste et en colère". Comme de nombreux autres artistes, entrepreneurs, responsables associatifs et intellectuels du milieu culturel breton. Elle a signé la lettre ouverte "Non à la francisation des noms de lieux et de rues en Bretagne !".  Ils mettent en cause les mairie et les municipalités et appellent à "un véritable sursaut collectif, à une prise de conscience des valeurs linguistiques".

Tangi Louarn, président de l’association culturelle Kevre Breizh, lui, parle "d’ethnocide". "Parce qu’il s’agit de la destruction d’une culture", justifie-t-il. "La poste pousse à la simplification des noms de rues et la francisation des noms de lieux alors qu’on devrait au contraire défendre notre patrimoine culturel, qui fait partie du patrimoine de la Bretagne, mais aussi du patrimoine de la France, de l’Europe et de l’humanité".
  

La Poste répond aux associations

Alerté par de nombreuses associations et élus sur le sujet, le président de la région Bretagne Loïc-Chesnais Girard a adressé une lettre au PDG de La Poste Philippe Wahl, afin de demander des clarifications. "Le conseil régional de Bretagne, engagé pour la pérennité de la langue bretonne […], ne saurait accepter que le service public de La Poste, auquel il est attaché, mène une action contraire à la diversité linguistique de notre territoire et la protection des langues régionales", écrit-il. "Je souhaiterais connaître la nature de la recommandation adressée aux communes".

La réponse de La Poste ne s’est pas fait trop attendre. Dans un communiqué publié cette semaine, le groupe indique qu’en "aucun cas" il n’est intervenu "pour demander aux communes de changer ou choisir tel ou tel nom pour une ancienne ou nouvelle voie". Il ajoute que "la décision de choisir ou faire évoluer le nom d’une voie, d’un hameau ou d’un lieu-dit est du seul ressort des municipalités" et que seuls "les risques d’homonymie, entre une impasse et une rue portant le même nom" pourraient poser un problème dans la distribution du courrier.  


Une clarification jugée "hypocrite"

Cette mise au point du groupe, ne convainc pas les associations. Tangi Louarn parle "d’hypocrisie" : "D’un point de vue légal, les municipalités sont responsables de la nomination des lieux. Mais les maires nous disent que c’est La Poste qui les poussent à franciser les noms de lieux". Il rappelle que le débat avait déjà eu lieu en 2009 et que des courriers avaient été échangés à ce sujet entre Jean-Paul Bailly alors PDG de La Poste et Jean-Yves Le Drian, alors président de la région Bretagne. Tangi Louarn ne croit donc pas en ces nouvelles déclarations. Selon lui la situation n’a pas changé.

Comme les signataires de la lettre ouverte "Non à la francisation des noms de lieux et de rues en Bretagne !", il appelle à un rassemblement samedi prochain, 14 septembre, pour une pique-nique festif. L’événement doit se tenir à Telgruc, commune qui a récemment fait l’objet d’une polémique en raison de nouveaux noms de rues en français, sans lien avec le cadastre existant. "C’est un pique-nique festif, mais c’est aussi une manifestation", explique la chanteuse Nolwenn Korbell : "Le temps de la rigolade est fini, trop de dégâts ont été faits. Les noms de lieux sont peut-être les seules choses qui resteront, une fois que la langue sera éradiquée totalement et qu’il n’y aura plus personne à la parler".
 
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