Le 11 mai dernier, des centaines de militants d'extrême droite défilaient dans les rues de Paris pour commémorer la mort de l'un des leurs. Vêtus de noir, cagoulés, ils brandissaient des drapeaux ornés d'une croix celtique. Dès le lendemain, le député du Calvados, Arthur Delaporte déposait une proposition de loi pour interdire ce symbole dans les rassemblements. Aussitôt, d'autres voix se levaient pour le défendre. Au fil des siècles, la croix celtique a vécu bien des histoires. Récit.
Le 11 mai dernier, le défilé de militants d'extrême droite dans les rues de la capitale fait réagir Arthur Delaporte. Le député socialiste du Calvados dépose dans la foulée une proposition de loi pour interdire l'utilisation des croix celtiques en manifestation : "De la même façon qu’on a interdit d’arborer des croix gammées, on doit pouvoir interdire les symboles utilisés par des organisations qui ont déjà été dissoutes ", comme c'était le cas pour Occident dissoute en 1968.
Les néonazis qui défilent dans Paris en exhibant leurs emblèmes racistes doivent être punis.
— Arthur Delaporte (@ArthurDelaporte) May 14, 2024
Ma proposition pour interdire les symboles d'extrême droite ⬇️https://t.co/Vu6mHpdv0T
En Bretagne, la proposition a fait réagir. "Faut-il interdire aussi le drapeau français que les mêmes militants arborent depuis des années " interroge Alan Stivell ?
Une fois de plus il s'agit bien de faire du tord aux humanistes que sont dans leur immense majorité les défenseurs d'une culture celtique si combattue. Sur leur lancée, vont-ils interdire le tricolore français, brandi par les mêmes depuis les années 40 et avant?...
— ALAN STIVELL (@StivellAlan) May 15, 2024
La réponse vient peut-être des historiens bretons qui s'étonnent. "Si on observe bien, c'est une croix celtique mais sans pied, alors, il faut qu'on m'explique" ironise Kristian Hamon. "En fait, c'est plutôt une cible, analyse Erwan Chartier, une croix avec un cercle, ça fait une cible, parce que ces groupes-là sont souvent partisans de la violence, mais ce n’est pas la croix celtique !'
Certains parlent d’usurpation, de détournement du symbole… D’autres proposent d’interdire les idées de haine et de ne pas s’en prendre à la croix celtique.
Un symbole religieux
Les premières croix celtiques ont été dressées dans les cieux anglais et irlandais vers le septième siècle. Autour de la traditionnelle croix chrétienne, un cercle semble réunir ses branches.
"La légende voudrait que le rond symbolise le cercle solaire et que cette croix soit le syncrétisme entre la religion catholique et le druidisme, explique le journaliste et historien Erwan Chartier. Une autre hypothèse affirme que le rond serait le symbole de la couronne d'épines du Christ." D'autres encore y voient une représentation du "signaculum domini", les plaies du Christ sur la croix.
En l'absence d'église, Irlandais et Anglais se retrouvent au pied de ses grandes croix de pierre pour y célébrer les cérémonies religieuses. Les croix celtiques ornent alors les chapelles et les cimetières.
Une croix qui devient signe culturel
Elles arrivent en Bretagne, à la faveur du renouveau celte du milieu du 19 ème siècle. Elles sont alors symboles de convictions religieuses et culturelles, comme un lien qui unit les peuples celtes d'un rivage à l'autre de la mer. Petits bijoux en argent, les croix celtiques se portent alors autour du cou.
À la mort de l’Abbé Perrot, en 1943, ses proches ornent sa tombe d’une croix celtique. Difficile de ne pas y voir un présage. Car en mémoire du prêtre assassiné, un petit groupe de combattants va se constituer, le Bezen Perrot. Ses membres portent l'uniforme SS allemand et ont fait allégeance à l'occupant. Ils vont traquer les résistants bretons et commettre les pires exactions.
A l'époque pourtant, rappelle Kristian Hamon, la croix celtique n'est pas un outil de propagande du mouvement breton. Au Parti National Breton et dans les Bagadou Stourm ( les troupes de combat), l'emblème c'est le Gwenn ha Du ( le drapeau à bandes blanches et noires créé par Morvan Marchal entre 1923 et 1925 ). Et dans les Bagadou Stourm ( les troupes de combat), le signe de ralliement, c'est le Triskell sur fond de Kroaz du ( l'autre drapeau breton qui représente une croix noire sur un fond blanc).
Un symbole récupéré par l'extrême-droite
Pendant la seconde Guerre mondiale, la croix celtique commence à circuler dans les mouvements de jeunesse.
Pierre Sidos, militant catholique intégriste, condamné à la libération pour appartenance au mouvement franciste, en fait le symbole de Jeune Nation, mouvement qui souhaite que le communisme soit " exterminé", et les "métèques"" totalement exclus" de la société française .
Quelques années, il conservera la croix celtique comme signature de l'Oeuvre française ( parti à la pointe du combat nationaliste, de l'action antisioniste et antimarxiste au sein de la nation française ) qu'il fondera en 1958.
L’extrême-droite s’est emparée de la croix, elle va en faire sa signature.
durée de la vidéo : 00h04mn27s
Reportage de S. Breton; T. Bouilly et N. Jacob
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©France Télévisions
La croix celtique du GUD à Occident en passant par Ordre nouveau
Dans les années 1970,le GUD, groupe union défense, se sert de la croix celtique pour marquer son territoire dans les facultés. C'est l'époque des affrontements avec les Gauchistes. A grands coups de slogans… et surtout de battes de base ball !
La croix celtique est de toutes les affiches, aux côtés de slogans on ne peut plus clairs, "La France aux Français" . "En général, ils ne se cachent pas, reconnaît Erwan Chartier, les couleurs et les messages ne renient pas leur histoire. On trouve le drapeau bleu-blanc-rouge, mais surtout le rouge et le noir qui font référence au drapeau nazi ou le noir qui rappelle le fascisme italien."
"La croix celtique est devenue le symbole des suprémacistes blancs et des identitaires qui rêvent d'une Europe blanche et sans immigrés" conclut l'historien.