Le rapporteur public a proposé à la cour administrative d'appel de Nantes, ce jeudi 12 septembre 2024, de donner raison à Eau et Rivières de Bretagne (ERB) et à Bretagne Vivante en annulant le simple "enregistrement" préfectoral du méthaniseur de Guiscriff (Morbihan).
Les deux associations de défense de l'environnement avaient en effet introduit un recours contre cet arrêté pris en janvier 2023, considérant que la Centrale Biométhane du Roi Morvan (CBROI) - une filiale du groupe Engie - devait se plier à une procédure plus contraignante, celle d'une "autorisation" préfectorale.
Déboutées en première instance en novembre 2023, elles avaient contesté le jugement : elles reprochent au tribunal administratif de Rennes de ne pas avoir tenu compte de la "sensibilité" du lieu où doit s'implanter ce méthaniseur capable de traiter "33.000 tonnes" de déchets "d'origine agricole et agroalimentaire", soit "90 tonnes en moyenne par jour".
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Cet argument est "fondé", a fait savoir le rapporteur public à la cour administrative d'appel de Nantes : l'incidence du méthaniseur sera "notable" sur un "corridor écologique" situé "à 50 mètres" d'une Zone naturelle d'intérêt écologique, faunistique et floristique (ZNIEFF). Quatre autres ZNIEFF se trouvent dans un rayon de 3 km, a ajouté le magistrat nantais : des "espèces protégées" y vivent et elles sont "très vulnérables vis-à-vis des pollutions".
Des mesures préventives insuffisantes
Le "catalogue de mesures préventives" prévu par la Centrale Biométhane du Roi Morvan - comme la "compensation" de la destruction de 214 mètres de haies - n'a pas convaincu le rapporteur public, au vu du "peu d'informations" qu'il comporte, de leur caractère "très lacunaire" et de "l'absence d'intérêt public majeur" à la réalisation de ce méthaniseur. Le fonctionnaire des Installations classées pour la Protection de l'environnement (ICPE) avait d'ailleurs rendu un avis "particulièrement lapidaire", a-t-il fait observer aux juges nantais.
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Enfin, aucune "régularisation" n'est possible, selon le rapporteur public. "Il faudrait reprendre la procédure à l'origine, nous n'en voyons pas l'utilité", a-t-il commenté. Le magistrat a donc proposé d'annuler l'arrêté préfectoral et le jugement du tribunal administratif de Rennes, et de condamner l'État à verser 750 € de frais de justice à chacune des associations.
Débat sur la crédibilité des études
Me Thomas Dubreuil, l'avocat d'Eau et Rivières de Bretagne et de Bretagne Vivante, a "souscrit" aux conclusions du rapporteur public. "Le point noir de ce dossier, c'est une étude qui a été faite en mai 2021 mais qui n'a jamais été communiquée aux associations, malgré leurs demandes répétées... Elles ont dû elles-mêmes faire une étude", a-t-il fait savoir. Une "régularisation" est par ailleurs "juridiquement impossible", a-t-il mis en garde les magistrats : cette procédure doit être "reprise de A à Z", a souligné Me Thomas Dubreuil.
L'avocate de la filiale d'Engie a critiqué l'étude des requérantes, qui est "dénuée de toute crédibilité" ; en revanche, "plusieurs études" ont été payées par sa cliente à des "bureaux d'études qualifiés et indépendants". "La sensibilité écologique du site doit être relativisée : une dérogation à l'interdiction de destruction des espèces protégées a été accordée et elle n'a jamais été contestée", a-t-elle fait observer. La cour administrative d'appel de Nantes, qui a mis sa décision en délibéré, rendra son arrêt dans trois semaines environ./GF (PressPepper)