"Notre rêve, c'est qu'il n'y ait plus de consommation de viande". Gros plan sur les méthodes de l'association L214

Des photos et des vidéos "choc". Depuis plusieurs années, c'est la stratégie de l'association animaliste L214 pour dénoncer les élevages intensifs. Dernière affaire, des porcelets agonisants ou laissés sans soin. Ces images réalisées dans un élevage porcin des Côtes d'Armor et révélées ce 12 septembre, viennent d'aboutir à l'ouverture d'une enquête judiciaire. L 214 affirme vouloir mettre la pression sur la grande distribution et le grand public pour faire changer les pratiques.

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Le parquet de Saint-Brieuc annonce avoir ouvert "une enquête préliminaire". Elle fait suite à une plainte "pour maltraitance animale" déposée par l'association L214. Celle-ci vise une exploitation porcine citée à Saint-Carreuc dans les Côtes d'Armor.

Des porcelets peuvent agoniser de longues minutes

L214

communiqué de presse

Dans un communiqué, qui présente des photos choc et une vidéo particulièrement dure réalisées en juin et juillet 2024, l'association montre "des animaux qui ne sont ni soignés ni secourus". L214 parle de situations où "des porcelets sont claqués à mort et peuvent agoniser de longues minutes, et des cadavres sont laissés parmi les animaux vivants. Les cochons sont élevés sans accès à l'extérieur dans des bâtiments insalubres".

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Des porcs pour l'enseigne E. Leclerc

Selon L214, qui milite à terme pour l'arrêt de l'élevage, et la fin de la consommation de viande, les animaux de cette exploitation "sont abattus à l'abattoir E.Leclerc de Le Mené (22), qui fournit les supermarchés E.Leclerc pour sa Marque Repère et les boucheries de ses magasins".

Une volonté de choquer que l'association assume. Pour Sébastien Arsac, l'un des deux fondateurs de L214, "ce ne sont pas les images qui sont choc, mais les pratiques agricoles." Le militant animaliste affirme vouloir lutter contre la maltraitance animale mais aussi contre la consommation de viande. "Pour nous, utiliser des animaux pour les consommer n'est pas juste. Nous voulons que cette question soit portée au débat. Notre rêve, notre horizon, c'est qu'il n'y ait plus d'utilité pour la consommation de viande, qu'elle soit remplacée par l'alimentation végétale."

La plupart du temps, c'est un lanceur d'alerte qui identifie l'élevage

Sébastien Arsac

coresponsable association L214

Un discours qui s'appuie un lobbying puissant de l'image. "Ici pour cet élevage porcin comme souvent, c'est un lanceur d'alerte qui identifie l'élevage. Ça peut être des employés, des salariés d'entreprises extérieures comme des livreurs, des gens de sociétés d'insémination, des gens de la maintenance d'un abattoir qui nous fournissent les images. On garantit leur anonymat. Et parfois nous nous faisons embaucher comme je l'ai fait au sein de services vétérinaires" précise Sébastien Arsac.

Des photos et des vidéos preuves à l'appui

Et pour crédibiliser les images, L214 utilise toujours les mêmes méthodes : "Nous rencontrons toujours les lanceurs d'alerte. On demande qu'il y ait une preuve de date en rendant visible une coupure de presse, nous souhaitons que les images soient tournées en continu et aussi qu'il y ait des éléments reconnaissables dans l'environnement comme des papiers sur des bureaux et des cartons d'emballage" ajoute le coresponsable de L214.

Un nom d'association qui n'a pas été pris au hasard. L214 est le nom d'un article du code rural de 1976. Il stipule que "tout animal, étant un être sensible, doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce."

Plusieurs campagnes spectaculaires

Des méthodes coup de poing qui portent leurs fruits. Des précédentes campagnes de L214 contre les œufs de batterie ou encore les poules en cage ont fait bouger les lignes du côté de la grande distribution. "On leur demande de prendre leurs responsabilités" affirme Sébastien Arsac qui ajoute "pour les poulets de chair, où il s'agit d'élevages intensifs dans 80% des cas, nous avons obtenu que les supermarchés respectent d'ici 2026 l'ECC, l'European Chiken Comittment, les recommandations européennes pour le poulet. Pour que le nombre de poulets passe de 21 à 15 individus par mètre carré." 

On demande aux grandes surfaces de ne plus acheter cette viande

Sébastien Arsac

coresponsable L214

Après les œufs de batterie et les poules en cage, L214 vient de lancer sa campagne pour la filière du porc. Cette fois, il s'agit d'amener la grande distribution mais aussi d'autres secteurs comme celui de la restauration à respecter le texte "Pig Minimum standard". "Nous leur montrons nos images où on voit des mutilations systématiques de porcelets, des truies enfermées dans des stabulations minuscules, où il n'y a pas de litières. On leur demande de ne plus acheter cette viande."

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Comme pour les précédentes campagnes, des industriels de l'agroalimentaire ou de la restauration finissent par rejoindre le mouvement. "Par exemple, les industriels comme Marie Blachère, Poulaillon mais aussi la chaîne Best Western ont décidé de s'engager" avance le lobbyiste animaliste.

Un approvisionnement suspendu par E. Leclerc

Concernant la nouvelle affaire de l'exploitation porcine de Saint-Carreuc, dont les animaux sont abattus dans un abattoir du groupe E.Leclerc, la réaction de l'enseigne de grande distribution, via sa filiale Kermené, n'a pas tardé. Le groupe, qui n'a pas souhaité répondre à nos questions a publié un communiqué suite au dépôt de plainte de L214. Il indique avoir "mis fin à l’approvisionnement chez le fournisseur incriminé le temps que l’enquête établisse les faits. Ceci, afin d’identifier les éventuelles pratiques abusives. Si les faits sont avérés, ils sont absolument inadmissibles !" E. Leclerc ajoute: "Dans l’hypothèse où l’enquête confirmerait la maltraitance, nous appliquerions des sanctions immédiates, pouvant aller jusqu’à la rupture des contrats."

Ce sont des extrêmistes purs et durs

Carole Jolif

Eleveuse et responsable filière "Porc" FRSEA Bretagne

De son côté, Carole Jolif, éleveuse à Plougonver dans les Côtes d'Armor et responsable de la filière "Porc" à la FRSEA de Bretagne ne décolère pas. "L214 fait le buzz au moment où les agriculteurs attendent un nouveau gouvernement et aussi au moment où commence le SPACE qui est un rendez-vous crucial pour le monde agricole." Pour la syndicaliste, "l'association se cache derrière le bien-être animal pour arrêter la consommation de viande. L214 pèse sur le moral des éleveurs de porcs mais aussi sur le moral de tous les éleveurs de France". Mais Carole Jolif tient à envoyer un message clair :  "Ce sont des extrémistes purs et durs. Ça tétanise mais ils ne gagneront que si on lâche l'affaire et on ne lâchera pas." 

Des éleveurs sous pression

Pour l'éleveuse et syndicaliste, "Ce sera de plus en plus le cas dans l'élevage, il n'y aura plus de combattants pour aller dans l'élevage. C'est dramatique de laisser faire cela et de vouloir nous affaiblir." Elle conclut "On a dû freiner les œufs de poules en cage et du coup les importations ont bondi pour l'industrie comme, par exemple, la pâtisserie industrielle. À chaque fois qu'on doit répondre à des standards inatteignables, on doit importer pour avoir des prix abordables."

Avec ses campagnes choc, L214 veut aussi peser davantage sur les acteurs politiques pour que la loi change. "Emmanuel Macron s'était engagé sur la fin des poules en cage et, il y a tellement de lobbys qu'il n'a jamais respecté cet engagement" fustige Sébastien Arsac, coresponsable de L214. L'association qui prend aussi les députés pour cible; "On l'a vu avec les œufs de poules pondeuses. Grâce à nos actions notamment, on a obtenu par la loi l'étiquetage pour stipuler s'il s'agit de poules en cage ou non."

C'est l'utilisation d'un point noir pour en faire une généralité

Nicole Le Peih

Députée 3ème circonscription du Morbihan

Lors de la mandature précédente, la députée morbihannaise Nicole Le Peih, réélue en juillet dernier, était membre du groupe de travail sur la "condition animale". L'élue n'a pas de mots assez durs pour parler de L214. "C'est gravissime de leurrer le citoyen avec une image choc à un moment donné pour un cas unique. C'est l'utilisation d'un point noir pour faire une généralité."

L'exemple des poules en cages

Pourtant, en 2018, à la tribune de l'Assemblée, la députée Ensemble pour la République avait défendu un contrat de confiance avec les agriculteurs pour arriver à une limitation des élevages des poules en cages. Aujourd'hui, elle indique "L'Europe et notamment la Pologne, a vendu ses cages à l'Ukraine. Résultat, l'Ukraine nous renvoie ses œufs sans aucune traçabilité." Elle enfonce le clou : "Je reviens juste d'une réunion à Rome de la FAO (Organisation des nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture). L'Europe s'inquiète car, à l'avenir, on va manquer de protéines. Ce lobbying anti élevage est pervers. Il marche à court terme. Les mêmes qui nous disent qu'il faut moins de viandes et plus de légumes, empêchent la création de réserves d'eau."

De leurs côtés, les militants de L214 préviennent qu'ils vont continuer leurs actions spectaculaires mises en lumière par des photos et des vidéos. Avec un objectif est clair. "Nous souhaitons que l'ensemble de la grande distribution française s'engage d'ici 2030 pour le respect de la condition animale dans la filière porcine. Si les enseignes ne s'engagent pas, nous informerons leur clientèle" menace Sébastien Arsac.

 

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