Le conducteur de la voiture qui avait percuté Théo Stéphan, l'adolescent de 17 ans retrouvé mort à la sortie d'une boîte de nuit de Landéda dans le Finistère, en mai 2019 était rejugé ce 13 juin 2023 par la cour d’appel de Rennes. Deux autres jeunes accusés de ne pas avoir porté secours à Théo comparaissaient avec lui. La cour rendra sa décision le 12 septembre.
Le 19 mai 2019, les gendarmes avaient été appelés après la découverte du corps de Théo Stéphan sur le parking de la discothèque "La Taverne" à l'Aber Wrac'h dans le Finistère. Malgré un massage cardiaque, le jeune homme, découvert "dans une mare de sang" avec une seule chaussure avait succombé à ses blessures.
Ce soir –là, L. avait passé la soirée avec trois autres jeunes. Il avait pris le volant de la voiture de l’un de ses amis pour "mieux la garer." "Sans permis, alcoolisé et sous l'emprise de stupéfiants," il avait effectué une marche arrière sur deux ou trois mètres et écrasé Théo Stéphan allongé sur le parking.
Un "problème" avec la voiture
Au lieu d’alerter les secours, le jeune homme et son passager étaient retournés chercher les deux autres pour discuter du "problème avec la voiture". Il leur avait indiqué avoir "shooté quelqu'un". Le propriétaire du véhicule avait alors "démarré en trombe" et avait de nouveau "franchi le corps" de Théo Stéphan.
Le premier conducteur avait vu "deux pieds dépasser entre les roues, en dessous de la portière", il avait "secoué les chevilles" de Théo Stéphan et pris soin de "prendre la chaussure" qu'il avait touchée, pour ne pas laisser d'empreintes. Ce dernier avait également demandé aux autres de "ne pas prévenir les gendarmes" car "il avait peur". Deux des jeunes prendront néanmoins la route pour aller prévenir le père du propriétaire de la voiture qui les conduira à la gendarmerie.
6 mois de prison
À l’issue de l'instruction, qui aura duré trois ans, les quatre jeunes avaient été renvoyés devant les juridictions brestoises : le conducteur, un jeune alors âgé de 18 ans, a comparu le 5 janvier 2023 devant le tribunal correctionnel de Brest pour "homicide involontaire aggravé", aux côtés de deux autres poursuivis pour "non-assistance à personne en danger".
La colère de la famille après le premier procès
Le tribunal correctionnel a relaxé le conducteur des faits d'homicide involontaire, considérant qu'il n'y avait pas eu de "faute directe" de L. Les fautes commises par le jeune homme, que l'ivresse, la prise de stupéfiants et le défaut de permis avaient "contribué" mais n'étaient "pas la cause directe" du décès.
Le parquet de Brest avait également réclamé la relaxe du principal prévenu pour ces faits d'homicide involontaire. Il avait donc été condamné pour des faits de "conduite sous stupéfiants", "sous l'empire d'un état alcoolique" et "sans permis", à six mois de sursis probatoire pendant deux ans.
Ses deux comparses majeurs avaient été relaxés de l'infraction de "non-assistance à personne en danger". Le mineur, qui faisait l'objet d'une procédure parallèle, a pour sa part reconnu les faits de non-assistance à personne en danger et a écopé d'une peine d'un an de prison avec sursis.
La famille de Théo Stéphan avait alors exprimé sa "colère". Une marche blanche avait même été organisée le 8 janvier 2023.
Des tueurs de sang-froid
La procureure de la République de Brest a finalement fait appel de la décision par "cohérence", a-t-il été rappelé lors de l'audience de ce mardi 13 juin 2023, au cours de laquelle les trois majeurs ont donc été de nouveau jugés.
"Pour moi, c'est des tueurs de sang-froid", a déploré le père de l'adolescent décédé.
Non assistance à personne en danger
"Aujourd'hui, c'est votre histoire commune à tous les quatre, vous avez laissé un jeune de votre âge mourir seul sur un parking", a déploré Hugues Vigier, avocat des parties civiles.
Pour l'avocat général, cette fois, L. est bien coupable d "l'homicide involontaire". Pour lui, "le caractère direct et certain du lien de causalité" entre le comportement du jeune homme et le décès de Théo Stéphan ne fait "aucun doute". Il a donc requis trois ans de prison ferme à son encontre.
Le représentant du parquet général de la cour d'appel de Rennes demande que la culpabilité des deux autres pour "non-assistance à personne en danger" soit reconnue.
Le magistrat a en effet souligné qu'il n'était "pas établi" que Théo Stéphan était "déjà décédé" au moment de l'infraction, même si un expert a jugé cette hypothèse "probable". Or, pour que l'infraction de "non-assistance à personne en danger" soit retenue par un tribunal, il faut que la victime soit "vivante" au moment de sa commission, rappelé l'avocat général.
"Si on n'intervient pas pour porter secours, mais si au final le premier choc a été létal, l'infraction est constituée", a finalement considéré l'avocat général, qui a requis douze et dix-huit mois de prison ferme à l'encontre des deux jeunes.
Les avocats brestois des trois prévenus ont pour leur part réclamé la confirmation des peines prononcées en première instance.
"Les quatre ont un comportement où l'on ne vient pas rattraper l'autre", a grincé l'avocat de L. rappelant qu’ils n'étaient "pas des délinquants" mais des jeunes "issus de la classe moyenne", "dotés d'une intelligence normale". Reste que son client, technicien de maintenance, a depuis lors été condamné à deux reprises pour usage de stupéfiants et conduite en état d'ivresse.
La cour d'appel rendra sa décision le 12 septembre 2023.
(Avec Press Pepper )