Que faire pendant ses vacances, partir en voyage ? se reposer ? Corentin Le Gall, lui, a choisi d'apprendre le breton. Il s'est inscrit à un stage immersif d'une semaine dans une association rennaise "Skol an emsav", "Le breton pour tous". Il nous raconte pourquoi.
Corentin Le Gall est né à Angers, d'une mère Ligérienne et d'un père breton décédé avant sa naissance. Sa mère essaye de maintenir un lien avec ses grands-parents paternels.
Tous les étés, c'est à Plomodiern, dans une ferme finistérienne à cinq minutes de la mer, qu'il passe une partie de ses vacances. À chaque Nouvel An, un sonneur de cornemuse joue un air pour célébrer la nouvelle année. Corentin a des étoiles dans les yeux.
Ses grands-parents ne parlaient pas breton mais en connaissaient quelques mots. Au quotidien, au hasard des situations, sa grand-mère lui disait : "Tiens, le chat, se dit ainsi : ur c'hazh". "Chaque carte postale était signée d'un 'Mamm gozh' ou 'Tad kozh', grand-mère ou grand-père ou d'un 'Kenavo', au revoir, à bientôt".
Un premier contact insuffisant pour apprendre la langue.
"On ne peut appréhender complètement une culture sans en apprendre la langue. Pour comprendre complètement la Bretagne, vivre pleinement sa culture, il faut savoir parler breton. Apprendre cette langue s'imposait dans ma vie comme une évidence pour devenir un Breton plus accompli" exprime-t-il.
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La cornemuse, la danse bretonne. Des chemins de traverse
À huit ans, en hommage à son père qu'il n'a pas connu, il commence à jouer de la cornemuse à Trélazé près d'Angers.
Il s'inscrit dans le bagad "Men Glaz", "Pierre Bleue" (men = pierre ; glaz = bleue) composé d'ouvriers bretons venus chercher du travail dans les ardoisières après la Seconde Guerre mondiale.Il y apprend la musique et la danse traditionnelle bretonne.
Le temps passe et son amour pour la Bretagne ne cesse de grandir. À dix-neuf ans, il aimerait apprendre le métier de fabricant de cornemuse mais ne trouve pas d'école. "C'est compliqué de trouver une personne qui a le savoir-faire et l'envie de transmettre autour de ce métier. J'ai dû prendre un chemin de traverse" confie-t-il.
Aujourd'hui, c'est à Paris qu'il exerce son métier de luthier.
Depuis mon enfance, j'ai le désir de revenir un jour vivre en Bretagne.
Corentin Le Gall
Une fois par mois, il rejoint le bagad de Vannes, Melinerion, et s'inscrit à Paris à des cours du soir avec l'association "Ti ar vretoned", "La mission bretonne" pour apprendre le breton.
"Si je deviens fabricant de cornemuse et d'instruments traditionnels bretons, je devrais parler breton avec les clients. Mon entourage m'encourage" relate-t-il.
Apprendre le breton, un témoignage d'amour
C'est alors qu'il entend parler des stages que propose l'association rennaise "Skoll an emsav". "Leur formule de six mois m'aurait plu, mais mon travail ne me permet pas de disposer d'autant de temps. Je me suis inscrit pour une semaine. Objectif, consolider mes acquis. L'immersion me permet de franchir des caps. Je sens que je progresse" livre-t-il.
Je fais aussi ce stage en souvenir de mes grands-parents, du territoire où ils ont habité et dont je suis très fier.
Corentin Le Gall
"Il y a besoin de gens qui parlent cette langue pour qu'elle perdure. Je me reconnecte au milieu d'où je viens et m'ancre plus profondément dans le territoire. J'aimerais réussir à dialoguer un jour avec des membres de ma famille et des amis. Apprendre le breton est une forme de militantisme liée à l'amour de mes racines".
Tout est dans l'oreille
Les méthodes d'apprentissage se basent sur l'oralité. 35 heures d'un coup en breton, c'est prendre l'habitude de beaucoup l'entendre pour mieux la comprendre. C'est essayer de se débrouiller sans jamais avoir recours au français et acquérir des automatismes. Cette expérience humaine démarre dès le matin autour d'un café, puis de manière non formelle tout au long de la journée, nous explique-t-il.
L'immersion est nécessaire pour donner un coup d'accélérateur à mon apprentissage.
Corentin Le Gall
"Tout est dans l'oreille. Un bébé n'apprend pas à parler avec des exercices de grammaire ou un dictionnaire. Il comprend sa langue maternelle avant de la parler ou de l'écrire" décrit Emmanuelle Siohan, formatrice à "Skol an emsav".
Nous avons une culture très riche. Il m'est impossible d'envisager le Breton en dehors de son écrin culturel.
Emmanuelle Siohan,formatrice à "Skol an emsav"
Au cours de la semaine les stagiaires peuvent se retrouver à des soirées où l'on discute autour d'un livre, à des cours de cuisine, à une visite guidée au musée des Beaux-Arts de Rennes... autant de possibilités pour les stagiaires d'enrichir leur pratique de la langue.
Comment garder son niveau ?
Les occasions de parler breton au quotidien restent rares.
"Je n'achète pas mon pain en breton, et imagine encore moins commander un verre dans un bar en cette langue" exprime Corentin Le Gall d'un ton déçu.
Dans l'espace public, un merci, "Trugarez" ou un au revoir, "Kenavo", se font à son goût trop timidement entendre. Dans les bagads, même constat. Il nous raconte que toutefois, si une école bilingue existe dans la ville du bagad, les chances de trouver quelques locuteurs bretons augmentent.
À Paris, il entend parler breton qu'au bar de l'association. "Nous sommes obligés de nous rendre dans des lieux particuliers, de créer des communautés pour pratiquer la langue, c'est implicite, fatal vu notre petit nombre" déclare-t-il.
Il pratique la langue dans les festoù-noz ou en regardant des films plus ou moins sous-titrés sur la plate-forme BreizhVOD. Il lit des livres pour enfants qui l'aident à progresser en s'affranchissant d'allers-retours vers le dictionnaire. "Le chant est une manière très riche d'appréhender la langue. Les "Kan-ha-diskan, ces chants et contre-chants exécutés en duo, racontent des histoires rurales, d'amour, de rencontres, de marins. Le répertoire des "Gwerzioù", complaintes transmises de génération en génération par voie orale, rapporte des faits divers locaux et tragiques – homicides, rapts, infanticides… Aujourd'hui, je ne comprends de ces chansons qu'un mot par-ci, par-là" relate-t-il.
Apprendre à penser breton
Apprendre cette langue permet de comprendre la façon de penser des Bretons et donne une ouverture incroyable sur le monde, ajoute-t-il.
Je me sens plus complet.
Corentin Le Gall
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Une langue plus directe, imagée et joueuse
Au Moyen Âge, puis durant des siècles, le breton est une langue du drame et de la littérature, mais aussi une langue du quotidien, proche des hommes et de la nature. Elle va à l'essentiel.
"Par exemple, si je dis 'qu’est-ce que tu veux boire ?' comme la question porte sur ce qu'on veut boire, la réponse sera 'un café ira avec moi', 'Ur banne kafe a z’afe ganin'. Le breton est une langue très logique. C'est une langue de bon sens".
"En positionnant l'élément informatif demandé au premier plan, les gens se mettent moins en avant. Par exemple, au lieu de dire 'j’éprouve de la joie' on dira 'la joie est avec moi'. C'est une langue moins égocentrique. La personne semble plus détachée. Parfois la langue nous fait parler comme maître Yoda" dit-il d'un ton amusé.
De nombreuses et diverses expressions qui agrémentent le quotidien sont imagées. Elles offrent des vues d'esprit drôles et impressives. "C'est une langue légo et mémo technique. Par exemple, le vélo se dit 'cheval de fer', 'marc’h-houarn' (marc’h = cheval ; houarn =fer)".
L'utilisation des couleurs accentue les propos. Par exemple, avoir une faim de loup se traduira par une faim noire, 'Naon du' (Naon=faim ; du=noire). Et lorsqu'un mot ou une expression n'existe pas, il est permis d'inventer. "Frais comme un gardon deviendra 'yac’h pesk' (yac’h = sain ; pesk = poisson).
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"Apprendre à parler le breton, c'est pouvoir vivre son identité de façon décomplexée et vivante, chaleureuse et ouverte sur les autres. C'est une cohérence dans mon parcours de vie"
Sur les réseaux sociaux il signe maintenant "Kaourintin Argall", Corentin Le Gall, e brezhoneg (en breton).