Fin de vie. "Je veux maîtriser ma vie jusqu'au bout". Pourquoi Louise a choisi d'aller mourir en Suisse

Alors qu'une nouvelle loi sur la fin de vie est attendue en France, après la remise des travaux de la Convention citoyenne qui juge "nécessaire" d'autoriser le suicide assisté et l'euthanasie, Louise, elle, a pris sa décision. La Finistérienne s'est tournée vers la Suisse pour préparer sa mort. "Je ne veux plus de cette vie de dépendance" dit-elle. Témoignage.

"L'idée de mourir ne me fait pas peur. C'est l'idée de mal mourir qui me fait peur". Louise garde les yeux rivés sur le petit carnet où elle note ses idées. Elle a voulu les mettre en ordre avant d'accepter cet entretien. "Pour ne rien oublier d'important" sourit-elle.

Elle se tient là, le dos droit, ses mains noueuses posées sur la table de la salle à manger. Dans quelques jours, elle va fêter ses 78 ans. "A me voir comme ça, dit-elle, on ne devine pas mon handicap". Cette ancienne enseignante qui, il n'y a pas si longtemps encore, crapahutait sur les sentiers du littoral et en montagne, ne se déplace plus désormais sans une canne ou un déambulateur. Une aide à domicile se charge du ménage et des courses.

Mourir en Suisse

Louise est confrontée à ce qu'elle redoutait le plus. "Une vie de dépendance. Ce genre de vie ne m'intéresse pas" lâche-t-elle sans ciller. Elle raconte l'AVC à l'origine de son état et qui, en 2018, l'a clouée sur un lit d'hôpital, paralysant son côté gauche. "J'étais branchée de partout. Déjà à l'époque, je me demandais comment sortir de cette chambre pour aller me suicider".

Ce qui lui arrive la ramène vingt ans en arrière, à la fin de vie de sa mère qui fut "épouvantable". "Pas question que cela se passe comme ça pour moi" affirme celle qui, une fois rentrée chez elle, cogite beaucoup sur le droit de mourir dans la dignité et "de maîtriser sa vie jusqu'au bout". Le risque d'un autre AVC avec une perte totale d'autonomie, la souffrance psychique de se voir ainsi dégradée sont autant de raisons qui l'ont poussée à se tourner vers la Suisse. Pour préparer sa mort par suicide assisté, une pratique autorisée dans ce pays depuis 1942.

Je ne veux ni traitement ni réanimation

Louise

Dans son appartement lumineux du sud-Finistère, où les livres, nombreux, coudoient les CD de musique classique et les tableaux, Louise parle de son choix d'une voix paisible.

Son cas est entre les mains des médecins suisses depuis trois mois. "J'attends leur feu vert, explique la septuagénaire. Dès que je l'aurai, j'irai là-bas. Ma décision est prise". Une décision dont elle a longuement parlé avec ses enfants, "qui acceptent". Son fils est même désigné comme personne de confiance sur ses directives anticipées, un document écrit qui permet d'exprimer ce que l'on souhaite pour sa fin de vie. "Je ne veux ni traitement ni réanimation, confie Louise. Je ne veux plus subir". 

L'aide active à mourir fait débat

Pour mourir en Suisse, "il faut être en capacité de se déplacer et pouvoir faire le geste soi-même, souligne Andrée Guillamet. Ce pays n'autorise que le suicide assisté. Au contraire de la Belgique qui propose également l'euthanasie"

La déléguée finistérienne de l'association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) dit recevoir une quinzaine de demandes d'information chaque année. Elle prend le temps d'écouter, d'expliquer. "Choisir sa fin de vie et comment elle se déroulera est un cheminement personnel, relève-t-elle. Qui mieux que la personne malade peut savoir ce qu'elle peut endurer ?".

L'ADMD milite pour la légalisation de l'euthanasie et du suicide assisté en France. Mais aussi pour "un accès véritablement universel aux soins palliatifs". Elle revendique une "loi de liberté" qui intégrerait ces trois possibilités et laisserait ainsi à chacun le choix de sa fin de vie. 

LIRE : Fin de vie. "Prendre soin du temps qu'il reste". Dans une unité de soins palliatifs près de Brest, la vie jusqu'au bout

Le 13 septembre dernier, Emmanuel Macron a annoncé le lancement d'une Convention citoyenne sur cette question de la fin de vie. Dans son rapport final remis le 2 avril 2023, elle s'est prononcée en faveur du suicide assisté et de l'euthanasie sous conditions. Les 184 citoyens ayant participé aux discussions ont aussi pointé les inégalités d'accès aux soins palliatifs.

Que restera-t-il de leurs préconisations dans le futur projet de loi ? "C'est tout l'enjeu, remarque la déléguée de l'ADMD 29. Si la loi ne retient que le suicide assisté, cela excluera d'office les personnes qui ne peuvent pas faire le geste elles-mêmes"

L'aide active à mourir fait débat. Dans un texte publié en février 2023, 13 organisations (dont la Société française de soins palliatifs) interrogent : "Donner la mort peut-il être considéré comme un soin ?". Elles demandent aux parlementaires "de laisser le monde du soin à l'écart de toute implication dans une forme de mort admnistrée", s'ils devaient faire évoluer la législation sur la fin de vie. Laquelle est aujourd'hui encadrée par la loi Claeys-Leonetti de 2016.

"Tout un voyage"

Pour Andrée Guillamet, "il ne s'agit pas d'opposer les soins palliatifs au suicide assisté ou à l'euthanasie. Il s'agit d'avoir cette liberté de choix, sans être obligé de s'exiler en Suisse ou en Belgique pour mourir". 

Jusqu'au dernier moment, on me posera la question de mon accord. Jusqu'au dernier moment, je peux refuser

Louise

Sur le territoire helvétique, le suicide assisté coûte entre 8.000 et 15.000 euros. Louise ne cache pas qu'elle va puiser dans une partie de ses économies pour se rendre à Bâle où elle sera accueillie par une association à laquelle elle a l'obligation d'adhérer. "Vous savez, on ne décide pas cela à la légère, confie la septuagénaire. C'est ardu et compliqué de faire cette démarche qui implique l'envoi de nombreux rapports médicaux, des entretiens avec les médecins suisses, etc. C'est moi qui mettrai fin à mes jours, via une substance léthale qui me sera prescrite. Jusqu'au dernier moment, on me posera la question de mon accord. Jusqu'au dernier moment, je peux refuser. Voilà pourquoi il faut avoir de la détermination et toute sa tête pour le faire".

Depuis la fenêtre du salon, Louise observe la vie en contrebas. La sienne, jalonnée d'une multitudes d'engagements associatifs, "dynamique", ainsi qu'elle la décrit, fut "une belle vie. Maintenant, je suis prête pour la suite. Ce sera tout un voyage" souffle-t-elle en esquissant un sourire.

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