Quand il attaque une grille, Bernard Larhant ne verse pas dans la facilité. Des migraines, le verbicruciste finistérien en a certainement déclenché par paquets chez les amateurs de mots croisés et mots fléchés. L'homme aime taquiner les doubles sens et les méninges des lecteurs. C'est lui qui conçoit les cases publiées dans les journaux, magazines et autres revues dédiées aux jeux de lettres.
Une feuille de papier. Un crayon gris. Une gomme. Et le dictionnaire à portée de main. Il n'en faut pas plus à Bernard Larhant pour imaginer les grilles de mots croisés et mots fléchés que l'on retrouve dans les journaux nationaux, revues spécialisées et magazines télé. Mais aussi dans les valises des vacanciers, cet été, entre le maillot de bain et la crème solaire.
Depuis Plomelin, près de Quimper, le Finistérien concocte ses définitions. En deux temps trois mouvements. L'esprit est agile, va vite et connaît la gymnastique. "Un mot en appelle un autre, dit-il. C'est juste une question de logique".
666 grilles pour le Figaro
Bernard Larhant est devenu verbicruciste un peu par hasard. Ce fils d'horloger, peu enclin à reprendre la boutique de son père car, confie-t-il, "je ne me sentais pas manuel du tout", a joué avec les verticales et les horizontales dès le lycée. Et puis, à la maison, on remplissait volontiers les cases de Ouest-France en famille.
Ce n'est pourtant pas vers des études littéraires qu'il se tourne mais vers une formation commerciale qui l'emmène travailler du côté d'Agen, dans l'agroalimentaire, pendant près de vingt ans. Là-bas, il croise la route du rédacteur en chef d'une revue locale qui lui demande s'il peut créer des mots fléchés.
Bernard Larhant conçoit ses premières grilles, y prend goût et finit par changer de métier. Le voilà verbicruciste au sein de la société RCI-Jeux, leader français dans la création de jeux de chiffres et de lettres qui vend ses grilles à une floppée de journaux et magazines. "En 27 ans, j'ai collaboré à une quarantaine de titres, souligne-t-il. Je viens de boucler mon 666e numéro pour Le Figaro Madame".
A défaut de signer en son nom propre dans le supplément féminin du quotidien national, c'est sous le patronyme de Pierre Ollivier qu'il propose ses mots croisés "en 20 par 20". Sa signature est pourtant là, entre les lignes et prend une autre forme, plus subtile. "J'entame systématiquement la grille par une expression ou un mot de vingt lettres. C'est ma patte" s'amuse celui qui se plaît à jouer avec les doubles voire les triples sens. De quoi s'arracher les cheveux.
"Bourreau des coeurs en 9 lettres"
Le verbicruciste adore mettre le cruciverbiste sur des fausses pistes. "Par exemple, si je vous dis 'bourreau des coeurs' en 9 lettres, vous n'allez pas tout de suite penser à 'infarctus'. Celle-là, je viens de la faire à mon cardiologue" rigole-t-il.
Bernard Larhant se creuse même les méninges pour les mots fléchés à thèmes, "consacrés, la plupart du temps, à des personnages connus, des régions françaises, à l'Histoire. Ce sont des grilles plus ludiques". Il s'est fabriqué une solide base de données dans laquelle il vient pêcher les informations.
Lui, comme quelques autres, est l'un des rares en France à pouvoir vivre de son métier. Une profession où les machines viennent petit à petit remplacer l'humain "avec des définitions qui manquent de sel, qui se ressemblent toutes et qui n'offrent pas beaucoup de difficultés. Les personnes qui aiment les mots croisés ne s'y trompent guère".
Quand il ne se penche pas sur les cases d'une grille de mots croisés, le verbicruciste raconte des histoires policières. En particulier celles de son duo de papier Paul Capitaine et Sarah Nowak dont la 21e enquête a été publiée au mois de mai dernier.