Suite au Brexit, plusieurs dizaines de bateaux de la flotte hauturière bretonne n'ont d'autre choix que de déposer un dossier dans le cadre du plan d'accompagnement individuel proposé par le gouvernement, et donc d'abandonner leur navire contre une indemnité.
Le 5 décembre 2022, c’est peut-être l’une des dernières débarques du Hent ar Mor. Ce chalutier hauturier de Loctudy rentre du cap Lizard avec 7 tonnes de poissons.
S'il est un grand habitué de la Manche et des eaux britanniques, ce bateau, en service depuis 33 ans, n’est pourtant plus rentable. Il est trop vieux, trop coûteux à entretenir et trop gourmand en carburant, avec un gasoil deux fois plus cher qu'auparavant.
Deux bateaux abandonnés par l'armement
L'armement, qui possède six bateaux, s’est donc résigné à l’inscrire, avec un autre navire, au Plan d’accompagnement individuel (PAI), révélé le 30 septembre dernier.
C'est la solution trouvée par le gouvernement pour aider financièrement tous les bateaux qui n'ont pas reçu l'une des 1054 licences pour pêcher dans les eaux britanniques.
"C'est soit ça soit dans quelques semaines je me présente devant le tribunal de commerce. Il n'y a pas d'autres perspectives, on est dans l'impasse financière. On est au bord du dépôt de bilan. À chaque marée, l'armement perd de l'argent", s'attriste Serge Guyot, président de l'armement Hent ar Bugale.
Contre leur abandon, l'armement pourrait recevoir 500 000 euros d'aide pour chaque bateau, un pari à double tranchant.
On a l'obligation de ne pas réinvestir pendant 5 ans si on abandonne des bateaux. On se tire vraiment une balle dans le pied en fait. Même si on a bientôt une bouffée d'oxygène, on a pas de perspective pour construire des bateaux neufs et envisager l'avenir sereinement.
Serge Guyot, président de l'armement Hent ar Bugale
En Bretagne, 63 navires pourraient larguer définitivement les amarres, dont 40 pour le Finistère. À terre, on craint aussi de boire la tasse, les criées cornouaillaises pourraient perdre 20 millions d'euros, soit 15% de leur chiffre d'affaire. Car moins de bateaux, c'est moins de poissons pour toute la filière.
"C'est la disparition de toute la poissonnerie de grande surface"
"Je serais peut-être moins concerné parce que je fais beaucoup de pêche côtière mais c'est la disparition du poisson de filetage et donc c'est aussi la disparition de toute la poissonnerie de grande surface et de restauration collective", constate Manu Garrec, mareyeur à Loctudy.
Un vrai casse-tête pour ce mareyeur qui transforme 2 tonnes de poissons par jour. La plupart est achetée en Cornouaille.
Les Pêcheurs de Bretagne défend 60 dossiers d'indemnisation. Pour la principale organisation de producteurs sur la Bretagne historique, ce plan de sortie de flotte est la moins mauvaise des solutions.
51 millions d'euros réclamés par les pêcheurs bretons
"Ca permettra à certains armements de se restructurer, à d'autres de sortir honorablement parce que si le contexte économique et la crise perdurent c'est sur que l'avenir de certains bateaux était remis en cause, à court ou moyen-terme", explique Yves Foëzon, directeur de l'organisation de producteurs Pêcheurs de Bretagne.
La Bretagne réclame, à elle seule, 51 millions d'euros d'aide pour ce plan de casse, qui en prévoit 65M au total. Ils auront une réponse définitive d'ici la fin du mois de décembre, ou début 2023.