L'association Anticor tentera mercredi devant la Cour de cassation d'empêcher que la justice ne classe définitivement l'affaire des Mutuelles de Bretagne. Dans cette affaire, Richard Ferrand avait été mis en examen pour prise illégale d'intérêt mais a obtenu, en appel, la reconnaissance de la prescription.
Dans l'information judiciaire ouverte après une plainte de l'association anticorruption en 2017, Richard Ferrand, l'ancien député du Finistère (2012-2022) et ex-président LREM de l'Assemblée nationale est soupçonné d'avoir monté une opération immobilière litigieuse : la location à partir de 2011 par les Mutuelles de Bretagne, qu'il dirigeait, de locaux commerciaux appartenant à sa compagne, pour un loyer annuel de 42.000 euros, pendant neuf ans.
Rebondissements judiciaires
Les trois juges lillois qui instruisent le dossier depuis le dépaysement de l'affaire avaient mis en examen M. Ferrand en septembre 2019 pour prise illégale d'intérêt, et placé sous le statut plus favorable de témoin assisté, sa compagne Sandrine Doucen.
Mais fin mars 2021, la défense du député sortant du Finistère –battu dimanche soir - avait obtenu une victoire judiciaire. La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Douai avait estimé que les faits visés, commis du 1er décembre 2010 au 18 juin 2012, étaient prescrits depuis plusieurs années. Soit depuis juillet 2014, c'est-à-dire trois ans après la signature du bail. Soit depuis juillet 2015, trois ans après la démission de M. Ferrand des Mutuelles. Mais dans les deux cas, avant que les faits ne soient dénoncés à la justice en 2017.
Anticor a depuis formé un pourvoi en cassation après une décision "extrêmement surprenante eu égard des faits, de la position du juge d'instruction et du parquet général", selon Me Jérôme Karsenti, conseil de l'association. "J'ai une forte attente dans la Cour de cassation et j'espère que le droit sera pleinement appliqué afin que Richard Ferrand réponde des faits pour lesquels il est mis en examen ", a-t-il commenté auprès de l'AFP.
Infraction dissimulée ?
Anticor plaide une "infraction dissimulée", faisant démarrer la prescription à la date de la révélation de l'affaire en 2017 par le Canard enchaîné et non, comme le soutient la défense de M. Ferrand, au moment où celui-ci a cessé ses fonctions dans l'entreprise en 2012 avant de devenir député.
L'association estimait, en effet, que la relation entre M. Ferrand et Mme Doucen n'était pas connue de tous les administrateurs des Mutuelles de Bretagne lors du choix des nouveaux locaux. La chambre de l'instruction a, elle, conclu que leur relation était notoire et publique et que le couple n'a pas cherché délibérément à occulter les conditions de la signature du bail.
Si la Cour de cassation confirmait la décision de la cour d'appel de Douai sur la prescription, cela signifierait l'extinction des poursuites.
La Cour de cassation examinera également mercredi un second pourvoi, formé par Richard Ferrand qui fait valoir la nullité de la procédure au motif que le tribunal judiciaire de Paris, saisi d'une plainte par Anticor, n'était pas territorialement compétent pour la traiter. La chambre de l'instruction avait rejeté cette requête.
Une affaire lancée à Brest, passée par Paris puis dépaysée à Lille
Le procureur de Brest avait ouvert une enquête préliminaire en juin 2017, classée sans suite en octobre 2017.
Anticor avait alors déposé une seconde plainte avec constitution de partie civile, au pôle financier à Paris, et obtenu la saisine d'un juge d'instruction.
L'information judiciaire est dépaysée à Lille depuis juillet 2018 car un magistrat parisien, vice-président d'Anticor, a provisoirement été présent dans la procédure.
Sollicités, les avocats de M. Ferrand n'ont pas souhaité s'exprimer.