Lundi 20 et mardi 21 mars, les lycéens de Terminale sont convoqués pour les épreuves de spécialités du Baccalauréat. Mais les enseignants bretons, réunis en intersyndicale, appellent à faire grève avant, pendant et après pour s’opposer à la réforme des retraites.
"Clairement, prendre une décision comme celle-ci, ce n’est pas évident, explique Marie Dagnaud, secrétaire générale CGT Educ' action 29. Nous sommes tous investis dans la réussite de nos élèves. Faire grève les jours du baccalauréat, cela fait un peu bizarre, mais nous n’avons plus le choix : nous n’avons pas de pétrole, pas de raffinerie à bloquer, cette épreuve, c’est notre arme et c’est la seule qu’on a."
Ces derniers temps, les enseignants de la cité scolaire Kérichen à Brest se réunissent en assemblée générale presque tous les jours. "On avait commencé à évoquer cette grève du bac, mais l’utilisation du 49.3 pour faire passer la réforme des retraites, ça a été un accélérateur de décision. Les gens disent : à un moment, ça suffit !"
Lundi matin, les enseignants se rassembleront devant leurs établissements à 7h30 avec un mot d’ordre, "Pendant le Bac, la grève continue".
La grève, ce n’est pas nous qui la demandons. Ce n’est jamais de gaîté de cœur et ce n’est jamais pour embêter le monde.
Stéphane Chiarelli, secrétaire adjoint FSU 22
Dans un communiqué, l’intersyndicale précise, "lundi 20 mars nous ne serons pas en grève pour bloquer nos élèves mais bien contre le projet de réforme des retraites. Nous ne sommes pas responsables de cette aberration qui consiste à maintenir ces épreuves durant un mouvement social que le président Macron et son gouvernement ont sciemment provoqué."
"Pour les éboueurs, ce n’est pas facile non plus de ne pas ramasser les poubelles. Pour les enseignants du primaire ce n’est pas facile de ne pas aller en classe en sachant qu’on laisse les élèves et qu’on met les parents dans l’embarras ajoute Stéphane Chiarelli, secrétaire adjoint FSU 22. La grève, on y est contraint, ce n’est pas nous qui la demandons. Ce n’est jamais de gaité de cœur et ce n’est jamais pour embêter le monde."
Le métier d’enseignant très impacté par la réforme des retraites
Dans les cortèges depuis le début du mouvement de protestation contre la réforme des retraites, les enseignants sont très présents. "Faire un cours ça prend une énergie phénoménale, justifie Marie Dagnaud, surtout quand on a des classes surchargées. Aujourd’hui, la plupart des enseignants choisissent de devancer leur départ à la retraite. Ils partent à 60 ans avec une décote parce qu’ils n’en peuvent plus. Alors aller jusqu’à 64 ou 67 ans parce qu’on a fait des études, ce n’est tout simplement pas possible. 65 ans face à 35 élèves, ce n’est bon ni pour nous, ni pour eux !"
Les organisations syndicales CGT Éduc’action, FNEC-FP-FO, FSU et SUD éducation invitent leurs collègues enseignants de la maternelle à l’université à se mettre en grève les 20 et 21 mars, jours du Bac.
Des dates d’épreuves, véritables aberrations pédagogiques
Les enseignants contestaient déjà depuis des mois ces dates choisies au mois de mars pour les épreuves de spécialité. "C’est une aberration pédagogique , s’agace Marie Dagnaud. Il n’y a aucune raison de faire passer des épreuves en milieu d’année."
Son collègue costarmoricain confirme, "certains programmes ont dû être bâclés pour être finis dans les temps. Si on communique les notes aux élèves au mois d’avril, on les démobilise et on sacrifie le troisième trimestre."
Des parents inquiets
Les parents espèrent que leurs enfants vont pouvoir passer le bac dans des conditions correctes. "On comprend que les enseignants ne soient pas contents, excuse Gwenael Arzur, la porte-parole de la Fédération FCPE 22, mais nos enfants ne sont pas décisionnaires, ils n’ont pas à subir ça."
"Les jeunes se sont préparés, certains stressent" ajoute-t-elle en spécifiant que la génération qui va passer son bac cette année, c’est celle qui a déjà vécu la pandémie de Covid, celle qui a essuyé les plâtres de la réforme Blanquer. "Ce serait bien qu’on préserve les journées d’examens. Si on parle de reporter les épreuves, on les met à quel moment ? Est-ce qu’on va supprimer des cours ?"
Lors d’une distribution de tracts, il y a quelques jours, les enseignants de Kérichen ont évoqué la possibilité d’une grève pendant les épreuves. Plusieurs parents leur ont affirmé leur soutien. "Si les épreuves n’ont pas lieu en mars, elles pourront se dérouler plus tard dans l’année, en mai ou en juin, assure Marie Dagnaud. Et la professeur rappelle que l’année dernière et l’année d’avant, les examens de mars n’ont pas eu lieu à cause du Covid, et que cela n’a pas bloqué l’avenir des jeunes.
"Nous ne sommes pas dans une période sereine et tranquille. Au contraire. A quoi bon leur faire passer des tests maintenant ?"
Un choix de société
L’enseignante va plus loin et s’inquiète pour l’avenir de ses élèves à très long terme. "Nous sommes dans un moment avec un choix de société. On prépare des gamins au bac pour qu’ils puissent suivre des études derrière mais s’ils suivent des études, eux, leurs retraites ce sera à quel âge ? 67 ? 68 ans ? Ce n’est pas cela qu’on veut pour eux."